La malédiction d'Akkad : La bataille de Naram-Sin contre les dieux

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Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 08 août 2014
Disponible dans ces autres langues: anglais, persan, espagnol
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La malédiction d'Akkad (ou malédictoin d'Agadé) est un récit datant de la période Ur III de la Mésopotamie (2047-1750 av. J.-C.), bien que l'on pense que son origine soit un peu plus ancienne. Elle raconte l'histoire du roi akkadien Naram-Sin (r. de 2261 à 2224 av. J.-C.) et sa confrontation avec les dieux, en particulier le dieu Enlil.

Naram-Sin est considéré comme le plus important souverain de l'empire akkadien après son fondateur (son grand-père) Sargon le Grand (r. de 2334 à 2279 av. J.-C.). Il élargit les frontières de l'empire et l'accrut en puissance, en prestige et en force militaire. Lui et son grand-père sont devenus le sujet de nombreux contes et légendes au fil des siècles et leurs histoires étaient parmi les plus populaires dans toute la Mésopotamie. Lorsque le roi Assurbanipal d'Assyrie rassembla sa célèbre bibliothèque à Ninive au 7e siècle avant J.-C., il avait apporté tous les ouvrages écrits que l'on pouvait trouver dans tout son empire, y compris les histoires des rois akkadiens.

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Victory Stele of Naram-Sin
Stèle de la victoire de Naram-Sin
Jan van der Crabben (CC BY-NC-SA)

Contexte

La Malédiction d'Akkad fait partie d'un genre littéraire mésopotamien connu sous le nom de "littérature naru" qui met en scène un personnage célèbre (généralement un roi) de l'histoire comme personnage principal d'un récit didactique qui concerne le plus souvent la relation de l'humanité avec les dieux. Ces récits ne sont pas historiques ou, du moins, seraient considérés comme quasi-historiques. Le récit connu sous le nom de La Grande Révolte, par exemple, est probablement basé sur un soulèvement qui eut lieu au début du règne de Naram-Sin, mais il ne relate pas ces événements de manière factuelle, et il en va de même pour le récit connu sous le nom de La Légende de Cutha, qui traite également de Naram-Sin. Avec ces contes et d'autres, les générations suivantes associeront Naram-Sin à la malédiction d'Akkad.

Elle raconte l'histoire de la destruction de la ville d'Akkad par la volonté des dieux en raison de l'impiété de Naram-Sin. Il aborde également de manière très intéressante le problème de la souffrance apparemment dénuée de sens en décrivant la tentative de Naram-Sin d'arracher aux dieux la raison à sa misère par la force.

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Selon le texte, le grand dieu sumérien Enlil décida de se retirer de la ville d'Akkad et, ce faisant, interdit aux autres dieux d'entrer dans la ville et de lui faire profiter plus longtemps de leur présence. Naram-Sin ne savait pas ce qu'il avait bien pu faire pour provoquer ce courroux. Il pria, demanda des signes et des présages, et tomba dans une dépression de sept ans en attendant une réponse du dieu.

Finalement, fatigué d'attendre, et furieux de n'avoir reçu aucune réponse, il rassembla son armée et marcha sur le temple d'Enlil, l'Ekur, dans la ville de Nippur qu'il détruisit. Il "planta ses pelles contre ses racines, ses haches contre les fondations jusqu'à ce que le temple, comme un soldat mort, ne tombe prostré" (Leick, The Invention of the City, 106). Cette attaque, bien sûr, provoqua la colère non seulement d'Enlil mais aussi des autres dieux qui envoyèrent les Gutis, "un peuple qui ne connaît aucune inhibition, aux instincts humains mais à l'intelligence canine et aux traits de singe" (106), afin d'envahir Akkad et la dévaster.

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Après l'invasion des Gutis, la famine était généralisée, les morts pourrissaient dans les rues et les maisons, la ville était en ruine et c'est ainsi, selon le conte, que se termina la ville d'Akkad et l'empire akkadien, victime de l'arrogance d'un roi face aux dieux.

La littérature Naru était un genre très populaire en Mésopotamie, cependant, et souvent, semble-t-il, la version du passé que ces histoires présentaient fut acceptée comme histoire réelle.

Il n'y a cependant aucune trace historique de Naram-Sin réduisant par la force l'Ekur à Nippur ou détruisant le temple d'Enlil et on pense que La malédiction d'Akkad est une pièce beaucoup plus tardive écrite pour exprimer " une préoccupation idéologique pour la bonne relation entre les dieux et le monarque absolu " (Leick, 107) dont l'auteur choisit Akkad et Naram-Sin comme sujets en raison de leur statut légendaire.

Selon les archives historiques, Naram-Sin honorait les dieux et était en fait assez pieux. La littérature Naru était un genre très populaire en Mésopotamie, cependant, et souvent, il semble que la version du passé que ces histoires présentaient fut acceptée comme histoire réelle.

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Bien que La malédiction d'Akkad aborde la question de la relation entre les dieux et le roi, elle pose également un problème concernant la souffrance et la volonté des dieux, auquel elle ne répond jamais : Pourquoi Enlil s'était-il retiré de la ville en premier lieu et pourquoi, lorsque Naram-Sin demanda aux dieux une réponse pendant sept ans, n'en reçut-il aucune ? L'art bien rodé de l'auteur antique anonyme est évident dans le texte, car aucune réponse n'est donnée à ces questions, tout comme, dans la vie, aucune réponse n'est jamais satisfaisante lorsqu'il s'agit d'une raison de souffrance humaine.

Enlil retira sa personne et sa protection de la ville parce qu'il le voulut ; aucune autre raison n'est donnée. Il s'agit d'un scénario complètement différent de celui du livre biblique de Job dans lequel Dieu permet à Satan de détruire la vie de Job pour gagner un pari. Enlil ne fut soumis à aucune pression de ce genre et aurait pu tout aussi bien laisser Akkad continuer à prospérer. Certains chercheurs, comme Jeremy Black, ont interprété le mécontentement d'Enlil comme son refus de reconnaître Naram-Sin comme roi légitime. Selon Black, Enlil a investit Akkad de sa grâce sous le règne de Sargon et ne reconnaîtrait la légitimité d'aucun autre. Selon l'histoire, cependant, Naram-Sin n'était pas en mesure de le savoir.

Map of the Akkadian Empire
Carte de l'Empire Akkadien
Nareklm (GNU FDL)

Introduction et courroux d'Enlil

Le récit commence par la vie idyllique de la cité d'Akkad, où toutes les richesses de la région affluent par ses portes, jusqu'aux lignes 56-65 où la première transition intervient. La ligne "Comme si elle était une citoyenne de la ville, elle ne put retenir son désir de préparer le sol pour un temple" (ligne 56) signifie qu'Inanna, reconnaissant toutes les richesses dont disposait Agadé, estimait qu'elle et les autres dieux devaient être honorés et avoir une part de ces fortunes - tout comme un citoyen pieux de la ville le ferait.

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Cependant, à la ligne suivante, on apprend que "la déclaration venant de l'Ekur était inquiétante", ce qui signifie qu'Enlil ne ressentait pas la même chose à propos de la situation et ne donna pas son aval pour la construction du temple, signifiant ainsi son mécontentement envers Akkad. La raison de ce mécontentement, comme indiqué précédemment, n'est jamais donnée, mais l'interprétation du professeur Black est probablement la bonne : il ne peut y avoir qu'un seul roi légitime et Enlil n'accepterait pas Naram-Sin dans cette position.

Lorsque l'histoire commence, Enlil a détruit la puissante cité méridionale de Kish, a soumis le pays et a choisi Sargon pour gouverner l'ensemble de la Mésopotamie " du sud jusqu'aux hautes terres " (ligne 5). Inanna, qui était la déesse protectrice et protectrice de Sargon, établit sa demeure à Akkad pour veiller sur son roi guerrier. Il n'est fait mention d'aucune perturbation lors de la passation du pouvoir de Sargon à Naram-Sin et, comme le roi lui-même, le lecteur ne sait pas pourquoi Enlil a retiré sa bénédiction de la ville.

Destruction du temple d'Enlil par Naram-Sin

Dans un rêve, Naram-Sin voit que l'avenir d'Akkad est sombre et s'impose une période de deuil et de prière. Pendant sept ans, il reste dans cet état de pénitence en attendant une réponse, puis il prend les choses en main. Si les dieux ne viennent pas lui répondre, il ira les voir et les obligera à le faire.

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On pensait que les dieux de Mésopotamie vivaient littéralement dans les temples des villes. Lorsque Naram-Sin détruit l'Ekur, il détruit la maison réelle d'Enlil, et pas seulement une maison de culte symbolique. Les lignes 127-128 de l'histoire disent : " Le peuple pouvait voir la chambre à coucher, sa pièce qui ne connaît pas la lumière du jour. Les Akkadiens pouvaient regarder dans le coffre à trésor sacré des dieux." C'était plus qu'un sacrilège ; c'était la destruction et la profanation intentionnelles de la maison d'un dieu, de son foyer, dont on avait ensuite volé les effets personnels.

La rage et la frustration de Naram-Sin face au silence du dieu étaient si grandes qu'il se livra aux actions les plus impardonnables. En détruisant l'Ekur, cependant, il ne fait qu'attirer davantage de colère car les autres dieux s'alignent maintenant sur Enlil et, dans un effort pour sauver le reste du pays de la famine et des Gutis, maudissent Akkad et l'abandonne.

Outre la relation de rigueur entre les dieux et un roi, l'histoire aurait également mis en garde contre le fait de prendre les armes contre les dieux - que ce soit physiquement ou spirituellement - dans la mesure où l'on s'engage dans une bataille que l'on ne peut gagner.

La traduction suivante (simplifiée) de La malédiction d'Akkad est tirée d'un ancien manuscrit babylonien de l'œuvre antérieure. L'histoire était très populaire et "elle fut largement copiée dans les écoles de la vieille Babylone" (Black, 118). Akkad est donnée comme "Agadé" (connue aussi sous ce nom en dehors de l'histoire), Naram-Sin est donné comme "Naram-Suen", et les points d'interrogation ( ?) indiquent les sections où un mot manque ou une autre traduction de la ligne est possible.

La malédiction d'Agadé

1-9 Après que le froncement de sourcils d'Enlil ait tué Kish comme si c'était le taureau du ciel, qu'il ait abattu la maison du pays d'Unug dans la poussière comme si c'était un taureau puissant, puis qu'Enlil ait donné le règne et la royauté du sud jusqu'aux hautes terres à Sargon, roi d'Agadé - à ce moment-là, la sainte Inana établit le sanctuaire d'Agadé en tant que gynécée sacré; elle installa son trône à Ulmac.

10-24 Comme un jeune homme qui construit une maison pour la première fois, comme une jeune fille qui établit un gynécée, la sainte Inana ne dormait pas alors qu'elle s'assurait que les entrepôts seraient approvisionnés ; que des habitations seraient fondées dans la ville ; que ses habitants mangeraient des mets splendides ; que ses habitants boivraient des boissons splendides ; que ceux qui se baigneraient pour les vacances se réjouiraient dans les cours d'eau; que le peuple se presserait dans les lieux de fête, que les connaissances dîneraient ensemble, que les étrangers se promèneraient comme des oiseaux inhabituels dans le ciel, que même Marhaci serait réinscrit sur les rôles de tribut, que les singes, les puissants éléphants, les buffles d'eau, les animaux exotiques, ainsi que les chiens de race, les lions, les bouquetins de montagne et les moutons d'alun à longue laine se bousculeraient sur les places publiques.

25-39 Elle remplit ensuite d'or les magasins de blé d'Agadé, elle remplit d'argent ses magasins d'engrain, elle livra à ses greniers du cuivre, de l'étain et des blocs de lapis-lazuli et scella ses silos de l'extérieur. Elle dota ses vieilles femmes du don de conseiller, elle dota ses vieux hommes du don de l'éloquence. Elle dota ses jeunes femmes du don de divertir, elle dota ses jeunes hommes de la force martiale, elle dota ses petits enfants de la joie. Les nourrices qui s'occupaient des enfants du général jouaient des instruments aljarsur. A l'intérieur de la ville résonnaient les tambours tigi ; à l'extérieur, les flûtes et les instruments zamzam. Son port où s'amarraient les navires était plein de joie. Tous les pays étrangers se reposaient avec satisfaction, et leurs habitants connaissaient le bonheur.

40-56 Son roi, le berger Naram-Suen, se dressait comme le jour sur le trône sacré d'Agadé. Son mur d'enceinte, comme une montagne, atteignait les cieux. C'était comme le Tigre qui se dirigeait vers la mer lorsque la sainte Inana ouvrait les portails de ses portes et faisait remonter par bateaux les biens de Sumer. Les Martu des hautes terres, peuple ignorant tout de l'agriculture, apportaient pour elle du bétail et des enfants fougueux. Les Meluhans, le peuple de la terre noire, lui apportaient des marchandises exotiques. Elam et Subir se chargeaient de marchandises pour elle comme s'ils étaient des bêtes de somme. Tous les gouverneurs, les administrateurs des temples et les comptables de la Gu-edina fournissaient régulièrement les offrandes mensuelles et du Nouvel An. Quelle fatigue tout cela causait aux portes de la ville d'Agadé ! Sainte Inana pouvait à peine recevoir toutes ces offrandes. Comme si elle y était citoyenne, elle ne pouvait réfréner ( ?) le désir ( ?) de préparer le terrain pour un temple.

57-65 Mais la déclaration venant de l'Ekur était inquiétante. A cause d'Enlil ( ?) toute Agadé fut réduite ( ?) à trembler, et la terreur s'empara d'Inana à Ulmac. Elle quitta la ville, retournant dans sa maison. Sainte Inana abandonna le sanctuaire d'Agadé comme on abandonne les jeunes femmes de gynécée. Comme un guerrier pressé de prendre les armes, elle retira de la ville le don de la bataille et du combat et les livra à l'ennemi.

66-76 Cinq ou dix jours ne s'étaient même pas écoulés que Ninurta ramena dans son E-cumeca les joyaux de la royauté, la couronne royale, l'emblème et le trône royal accordés à Agadé. Utu emporta l'éloquence de la cité. Enki emporta sa sagesse. An emporta au milieu du ciel sa redoutable puissance qui atteint le ciel. Enki arracha de l'abzu son poteau d'amarrage sacré bien ancré. Inana enleva ses armes.

77-82 La vie du sanctuaire d'Agadé s'acheva comme si elle n'avait été que la vie d'une minuscule carpe dans les eaux profondes, et toutes les cités la regardaient. Comme un puissant éléphant, elle courba son cou vers le sol tandis que toutes les villes levèrent leurs cornes comme de puissants taureaux. Comme un dragon mourant, elle traîna sa tête sur la terre et ils la privèrent tous ensemble de l'honneur, comme dans une bataille.

83-93 Naram-Suen vit dans une vision nocturne qu'Enlil ne laisserait pas le royaume d'Agadé occuper une résidence agréable et durable, qu'il rendrait son avenir tout à fait défavorable, qu'il ferait trembler ses temples et disperserait ses trésors. Il se rendit compte de la signification de ce rêve, mais ne l'exprima pas en mots, et n'en discuta avec personne. À cause de l'Ekur, il revêtit des vêtements de deuil, couvrit son char d'une natte de roseaux, déchira le dais de roseaux de sa barge de cérémonie et donna son attirail royal. Naram-Suen s'obstina pendant sept ans ! Qui a déjà vu un roi enfouir sa tête dans ses mains pendant sept ans ?

94-99 Puis il alla accomplir un haruspice sur un chevreau concernant le temple, mais le présage n'avait rien à dire sur la construction du temple. Pour la deuxième fois, il alla pratiquer l'haruspice sur un chevreau concernant le temple, mais le présage n'avait rien à dire sur la construction du temple. Afin de changer ce qui lui avait été infligé ( ?), il essaya de modifier la déclaration d'Enlil.

100-119 Comme ses sujets étaient dispersés, il entreprit maintenant une mobilisation de ses troupes. Comme un lutteur qui s'apprête à entrer dans la grande cour, il... ses mains vers ( ?) l'Ekur. Comme un athlète prêt à entamer une compétition, il traita la geguna comme si elle ne valait que trente shekels. Comme un brigand pillant la ville, il dressa de hautes échelles contre le temple. Pour démolir Ekur comme s'il s'agissait d'un énorme navire, pour briser son sol comme celui des montagnes où l'on extrait des métaux précieux, pour l'éclater comme la montagne de lapis-lazuli, pour le prosterner, comme une ville inondée par Ickur. Bien que le temple ne soit pas une montagne où l'on abat les cèdres, il fit couler de grandes haches, il fit aiguiser des haches agasilig à double tranchant pour s'en servir contre lui. Il mit des bêches contre ses racines et il s'enfonça aussi bas que les fondations de la Terre. Il mit des haches contre son sommet, et le temple, comme un soldat mort, courba le cou devant lui, et tous les pays étrangers courbèrent le cou devant lui.

120-148 Il arracha ses tuyaux d'écoulement, et toute la pluie retourna vers les cieux. Il arracha son linteau supérieur et le Pays fut privé de son ornement. De sa "Porte d'où le grain n'est jamais détourné", il détourna le grain, et le Pays fut privé de grain. Il frappa la "Porte du bien-être" avec la pioche, et le bien-être fut détourné vers toutes les terres étrangères. Comme s'il s'agissait de grandes étendues de terre avec de larges eaux remplies de carpes, il lança de grandes piques à utiliser contre l'Ekur. Le peuple pouvait voir la chambre à coucher, sa pièce qui ne connaît pas la lumière du jour. Les Akkadiens pouvaient regarder dans le coffre à trésor sacré des dieux. Bien qu'elles n'aient commis aucun sacrilège, les divinités lahama des grands piliers du temple furent jetées au feu par Naram-Suen. Le cèdre, le cyprès, le genévrier et le buis, les bois de sa giguna, furent... par lui. Il mit son or dans des récipients et mis son argent dans des sacs de cuir. Il remplit les quais de son cuivre, comme s'il s'agissait d'un énorme transport de grain. Les orfèvres façonnaient son argent, les bijoutiers façonnaient ses pierres précieuses, les forgerons battaient son cuivre. De grands navires étaient amarrés au temple, de grands navires étaient amarrés au temple d'Enlil et ses possessions étaient emportées loin de la ville, bien qu'elles ne soient pas les biens d'une ville pillée. Avec l'enlèvement des biens de la ville, le bon sens quitta Agadé. Alors que les navires s'éloignaient des quais, l'intelligence d'Agadé disparut.

149-175 Enlil, la tempête rugissante ( ?) qui subjugue toute la terre, le déluge montant qui ne peut être affronté, réfléchissait à ce qui devait être détruit en échange du naufrage de son Ekur bien-aimé. Il leva son regard vers les montagnes de Gubin, et fit descendre tous les habitants des larges chaînes de montagnes ( ?). Enlil fit sortir des montagnes ceux qui ne ressemblent pas aux autres peuples, qui ne sont pas considérés comme faisant partie de la Terre, les Gutis, un peuple débridé, à l'intelligence humaine mais aux instincts canins et aux traits de singes. Comme de petits oiseaux, ils volaient sur le sol en grandes volées. Grâce à Enlil, ils étendirent leurs bras sur la plaine comme un filet pour les animaux. Rien n'échappait à leurs griffes, personne ne s'échappait de leur emprise. Les messagers ne parcouraient plus les routes, le bateau du messager ne passait plus le long des rivières. Les Gutis chassaient de leurs plis les chèvres fidèles ( ?) d'Enlil et obligeaient leurs bergers à les suivre, ils chassaient les vaches de leurs enclos et obligeaient leurs bouviers à les suivre. Des prisonniers montaient la garde. Des brigands occupaient les routes. Les portes des villes du pays étaient enfoncées dans la boue, et tous les pays étrangers poussaient des cris amers du haut des murs de leurs villes. Ils se créèrent des jardins à l'intérieur des villes, et non pas, comme d'habitude, dans la vaste plaine extérieure. Comme si c'était avant le temps où les villes étaient construites et fondées, les grandes étendues cultivables ne donnaient pas de grain, les étendues inondées ne donnaient pas de poisson, les vergers irrigués ne donnaient pas de sirop ni de vin, les nuages épais ( ?) ne pleuvaient pas, la plante macgurum ne poussait pas.

176-192 En ce temps-là, pour un sicle on obtenait un demi-litre d'huile, pour un sicle on obtenait un demi-litre d'orge, pour un sicle on obtenait une demi-mine de laine, et pour un sicle on remplissait une mesure ban de poissons. - ils se vendaient à de tels prix sur les marchés des villes ! Ceux qui se couchaient sur le toit mouraient sur le toit ; ceux qui se couchaient dans la maison n'étaient pas enterrés. Les gens se battaient entre eux à cause de la faim. Près du Kiur, le grand lieu d'Enlil, les chiens étaient entassés dans les rues silencieuses ; si deux hommes y marchaient, , la meute les dévorait, et si trois hommes y marchaient, , la meute les dévorait. Les nez étaient frappés ( ?), les têtes étaient fracassées ( ?), les nez ( ?) étaient entassés, les têtes étaient semées comme des graines. Les honnêtes gens étaient confondus avec les traîtres, les héros gisaient morts sur les héros, le sang des traîtres coulait sur le sang des honnêtes gens.

193-209 A cette époque, Enlil reconstruisit ses grands sanctuaires en petits sanctuaires de roseaux ( ?) et d'est en ouest il réduisit leurs entrepôts. Les vieilles femmes qui survécurent à cette époque, les vieux hommes qui survécurent à cette époque et le chef des chanteurs de lamentation qui survécurent à cette époque installèrent sept tambours balaj, comme s'ils se tenaient à l'horizon, et avec les tambours firent résonner Enlil comme Ickur pendant sept jours et sept nuits. Les vieilles femmes ne cessèrent de crier "Hélas pour ma ville !". Les vieux hommes ne cessèrent de crier "Hélas pour son peuple !". Le chanteur de lamentation ne cessait de crier "Hélas pour l'Ekur !". Ses jeunes femmes ne cessaient de s'arracher les cheveux. Ses jeunes hommes ne se privaient pas d'aiguiser leurs couteaux. Leurs lamentations étaient comme si les ancêtres d'Enlil se lamentaient dans l'impressionnant tertre sacré près des genoux sacrés d'Enlil. A cause de cela, Enlil entra dans sa chambre sainte et se coucha à jeun.

210-221 A ce moment-là, Suen, Enki, Inana, Ninurta, Ickur, Utu, Nuska et Nisaba, les grands dieux rafraîchirent le cœur d'Enlil avec de l'eau fraîche et le prièrent : "Enlil, puisse la cité qui a détruit ta cité, être traitée comme ta cité a été traitée ! Que celui qui a souillé ta geguna, soit traité comme Nibru ! Dans cette ville, que les têtes remplissent les puits ! Que personne n'y retrouve ses connaissances, que le frère ne reconnaisse pas le frère ! Que sa jeune femme soit cruellement tuée dans son domaine de femme, que son vieillard pleure de détresse pour sa femme tuée ! Que ses pigeons gémissent sur le rebord de leurs fenêtres, que ses petits oiseaux soient frappés dans leurs recoins, qu'il vive dans une anxiété constante comme un pigeon craintif !".

222-244 A nouveau, Suen, Enki, Inana, Ninurta, Ickur, Utu, Nuska et Nisaba, tous les dieux quels qu'ils soient, tournèrent leur attention vers la ville, et maudirent sévèrement Agadé : "Ville, tu t'es jetée sur Ekur : c'est comme si tu t'étais jetée sur Enlil ! Agadé, tu t'es jeté sur Ekur : c'est comme si tu t'étais jeté sur Enlil ! Que tes murs sacrés, jusqu'à leur point culminant, résonnent du deuil ! Que ta geguna soit réduite à un tas de poussière ! Que tes pilastres avec les divinités lahama debout tombent à terre comme de grands jeunes gens ivres de vin ! Que ton argile retourne à son abzu, que ce soit de l'argile maudite par Enki ! Que ton grain retourne à son sillon, qu'il soit le grain maudit par Ezinu ! Que ton bois retourne à sa forêt, qu'il soit du bois maudit par Ninilduma ! Que l'abatteur de bétail égorge sa femme, que le boucher de moutons égorge son enfant ! Que l'eau emporte ton indigent qui cherche... ! Que ta prostituée se pende à l'entrée de son bordel ! Que tes hiérodules enceintes ( ?) et tes prostituées de culte avortent ( ?) leurs enfants ! Que ton or soit acheté au prix de l'argent, que ton argent soit acheté au prix de la pyrite ( ?), et que ton cuivre soit acheté au prix du plomb !"

245-255 "Agadé, que ton homme fort soit privé de sa force, de sorte qu'il ne pourra pas soulever son sac de provisions et... n'aura pas la joie de contrôler tes ânes supérieurs ; qu'il reste oisif toute la journée ! Que cela fasse mourir la ville de faim ! Que tes citoyens, qui avaient l'habitude de manger de la bonne nourriture, restent affamés vautrés dans l'herbe, que ton... homme mange le revêtement de son toit, qu'il mâche ( ?) les charnières en cuir de la porte principale de la maison de son père ! Que la dépression s'abatte sur ton palais, construit pour la joie ! Que les maux du désert, le lieu silencieux, hurlent sans cesse !".

256-271 "Que les renards qui fréquentent les monticules de ruines frôlent de leur queue tes enclos d'engraissement ( ?), établis pour les cérémonies de purification ! Que l'ukuku, l'oiseau de la dépression, fasse son nid dans tes portes, établies pour la Terre ! Dans ta ville qui ne pouvait pas dormir à cause des tambours tigi, qui ne pouvait pas se reposer de sa joie, que les taureaux de Nanna qui remplissent les enclos mugissent comme ceux qui errent dans le désert, le lieu silencieux ! Que l'herbe pousse longuement sur les chemins de halage de vos canaux, que l'herbe de deuil pousse sur vos routes tracées pour les chariots ! De plus, que les béliers sauvages ( ?) et les serpents alertes des montagnes ne laissent passer personne sur tes chemins de halage construits avec les sédiments des canaux ! Dans tes plaines où pousse l'herbe fine, que pousse le roseau de la lamentation ! Agadé, que l'eau saumâtre coule là où l'eau douce coulait pour toi ! Si quelqu'un décide : "Je vais habiter cette ville", qu'il ne profite pas des plaisirs d'une demeure ! Si quelqu'un décide : "Je me reposerai à Agadé !", qu'il ne jouisse pas des plaisirs d'un lieu de repos !".

272-280 Et devant Utu, ce jour-là, il en fut ainsi ! Sur ses chemins de halage au bord des canaux, l'herbe poussa. Sur ses chemins de halage aménagés pour les charrettes, l'herbe du deuil poussa. De plus, sur ses chemins de halage construits avec les sédiments du canal... les béliers sauvages ( ?) et les serpents alertes des montagnes ne laissèrent passer personne. Dans ses plaines, là où poussait l'herbe fine, poussaient maintenant les roseaux de lamentation. L'eau douce qui coulait d'Agadé se transforma en eau saumâtre. Lorsque quelqu'un décidait : "Je vais habiter cette ville !", il ne put profiter des plaisirs d'une demeure. Quand quelqu'un décidait : "Je vais me reposer à Agadé !", il ne pouvait pas profiter des plaisirs d'un lieu de repos !

281 Inana soit louée pour la destruction d'Agadé !

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

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Style APA

Mark, J. J. (2014, août 08). La malédiction d'Akkad : La bataille de Naram-Sin contre les dieux [The Curse of Agade: Naram-Sin's Battle with the Gods]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-748/la-malediction-dakkad--la-bataille-de-naram-sin-co/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "La malédiction d'Akkad : La bataille de Naram-Sin contre les dieux." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le août 08, 2014. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-748/la-malediction-dakkad--la-bataille-de-naram-sin-co/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "La malédiction d'Akkad : La bataille de Naram-Sin contre les dieux." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 08 août 2014. Web. 06 nov. 2024.

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