La marche de Guillaume le conquérant vers Londres

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Mark Cartwright
de , traduit par Yves Palisse
publié le 16 janvier 2019
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Disponible dans ces autres langues: anglais

Guillaume le Conquérant (r. de 1066 à 1087) remporta la victoire à la bataille d'Hastings en octobre 1066 où Harold Godwinson, roi Harold II d'Angleterre (r. de jan à oct 1066) trouva la mort. Le trône et le royaume d'Angleterre se retrouvèrent alors à portée de main du duc, mais les Normands auraient encore fort à faire avant de pouvoir exercer leurs droits de conquête. Avec la prise de Romney, du château de Douvres, de Canterbury et de Winchester, entre autres, l'armée de Guillaume captura et soumit des villes et des fortifications dans tout le sud-est de l'Angleterre jusqu'à ce que, finalement, le Conquérant ne se tourne vers le sud et ne marche sur Londres en novembre 1066. La ville, qui était alors l'épicentre de la résistance anglo-saxonne, se soumit sans combattre, ce qui permit à Guillaume d'être couronné dans l'abbaye de Westminster le jour de Noël 1066. La conquête de l'Angleterre était encore loin d'être achevée, mais il était d'ores et déjà évident que les Normands seraient là pour longtemps.

William the Conqueror's March on London 1066
Carte des campagnes de Guillaume le conquérant pour l'année 1066
Simeon Netchev (CC BY-NC-SA)

La grande invasion : Hastings 1066

L'invasion de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant s'annonçait sous les meilleurs auspices avec la victoire de son armée de 5 à 8 000 hommes sur une armée anglo-saxonne de taille équivalente dirigée par Harold Godwinson, le Roi Harold II d'Angleterre, lors de la bataille d'Hastings le 14 octobre 1066. Cependant, la victoire d'Hastings, près de la côte sud-est, ne signifiait pas pour autant que la conquête normande était achevée après une seule bataille. En effet, certains des survivants de l'armée vaincue d'Harold se rassemblèrent à Londres, ainsi que les combattants qui n'avaient pas eu le temps de prendre part à la bataille d'Hastings. Dans le même temps, Guillaume devait aussi soumettre un grand nombre de fortifications et de villes, ainsi qu'un prétendant rival au trône d'Angleterre, et ce rien que dans le sud-est d'un royaume dont la population n'était probablement guère enthousiaste à l'idée de prêter allégeance à un souverain étranger.

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Le château de Douvres et Canterbury

Donc, après Hastings, Guillaume devait encore soumettre Londres ainsi que les autres grandes villes du sud-est de l'Angleterre. L'armée d'invasion enterra ses morts, soigna ses blessés et prit la sage décision de se reposer quelques jours en établissant un bivouac près d'Hastings. Il est également possible que Guillaume ait espéré que les chefs anglo-saxons survivants se rendent et lui prêtent hommage en tant que nouveau souverain, mais aucun ne se manifesta. Il avait gagné la bataille principale, mais pas encore la guerre.

Le temps travaillait en faveur de Guillaume, qui ne semblait pas particulièrement DISPOsé À prendre des risques militaires superflus avec les maigres forces dont il disposait.

Le 20 octobre, l'armée se dirigea vers l'est, longeant la côte et arrivant à Romney où une poche de résistance anglo-saxonne fut vaincue et la place forte incendiée. Le chroniqueur normand contemporain, Guillaume de Poitiers, rapporte que la ville de Romney avait aussi été sélectionnée pour ce traitement spécial parce qu'elle avait participé au massacre d'un parti de soldats normands y ayant débarqué par erreur lorsque la flotte d'invasion originale avait traversé la mer depuis la Normandie. Guillaume se dirigea ensuite vers la forteresse stratégique que constituait alors le château de Douvres. Bien qu'à cette époque, le château n'ait été rien de plus qu'un simple village fortifié, ou burh, il n'en était pas moins un important dispositif de défense qui verrouillait l'accès à la côte sud-est et à l'intérieur du royaume.

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Guillaume se présenta devant Douvres le 21 octobre, mais il s'avéra que la nouvelle de la dévastation de Romney était parvenue au burh et les défenseurs se rendirent sans combattre; la ville voisine n'eut pas la même chance et n'échappa pas au pillage et aux incendies. Douvres fut ensuite refortifiée et dotée d'une garnison pour protéger les arrières de Guillaume lors de sa marche vers l'intérieur des terres. La motte castrale normande en bois serait reconstruite en pierre au XIIe siècle et resterait un élément majeur des défenses côtières de Douvres jusqu'au XXe siècle.

William the Conqueror, Bayeux Tapestry
Guillaume le conquérant, tapisserie de Bayeux
Myrabella (Public Domain)

Bien qu'obligé de retarder sa campagne en raison d'une épidémie de dysentrie qui s'abattit sur son armée à Douvres entre le 21 et le 28 octobre, Guillaume le Conquérant tourna ensuite son attention vers Canterbury. La ville de la célèbre cathédrale était non seulement importante en tant que siège de l'archevêché - la plus haute fonction religieuse en Angleterre - mais elle était également réputée pour sa grande richesse et offrait donc à Guillaume la possibilité d'enfin fournir à ses hommes une partie du butin de guerre qu'il leur avait promis. L'archevêque Stigand n'était pas à Canterbury à ce moment-là, mais après avoir pris le contrôle de la ville, Guillaume était enfin prêt à marcher vers Londres pour y briser dans l'œuf toute velléité de résistance anglo-saxonne.

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Wallingford et Winchester

L'armée de Guillaume arriva en vue de Londres en novembre mais se trouva immédiatement confrontée au problème de l'accès à la ville. Londres étant en effet protégée par la Tamise, le seul point d'accès était un pont fortifié facile à défendre avec une force réduite. Décidant de ne pas prendre le risque de traverser la rivière, Guillaume préféra incendier le faubourg de Southwark, bien qu'il soit possible qu'il y ait eu une escarmouche de faible importance entre les deux camps. La résistance de la ville était organisée par Eadwine, comte de Mercie, et Morcar, comte de Northumbrie. Cette résistance se cristallisait autour de l'adolescent Édouard Aetheling, petit-neveu d'Édouard le Confesseur (r. de 1042 à 1066). Au même moment, pour plus de sécurité, la veuve d'Harold II, la reine Édith, fut conduite à Chester.

Le temps travaillait en faveur de Guillaume, qui ne semblait pas particulièrement disposé à prendre des risques militaires superflus avec les forces limitées dont il disposait : Londres pouvait attendre. Vers la fin du mois d'octobre, Guillaume vit ses forces décuplées par l'arrivée de renforts en provenance de France. Débarqués près de Portsmouth, ils marchèrent vers le nord, avançant jusqu'à Winchester, alors siège du gouvernement anglais, site du trésor royal et capitale de l'important comté de Wessex. Guillaume marcha vers l'ouest à la rencontre de sa seconde armée et Winchester fut prise à la fin du mois d'octobre, la ville se soumettant sans résistance à la condition du paiement d'un lourd tribut. Le duc normand marcha ensuite plus au nord et attaqua Wallingford, qui constituait un point de franchissement facile de la Tamise. Là, un autre château fut construit et l'archevêque Stigand jura de façon officielle sa soumission à son nouveau souverain.

Les Normands contrôlant la côte sud et les routes menant à Londres, la grande cité se vit coupée de toute force de secours éventuelle.

La prise de Londres

Marchant à nouveau vers le nord jusqu'aux environs de Luton, Guillaume se tourna ensuite directement vers le sud : les envahisseurs avaient en effet effectué une gigantesque boucle enveloppant tout le sud de l'Angleterre, et Londres était désormais menacée depuis le nord. Les Normands contrôlant la côte sud et les routes menant à Londres, la grande cité se vit coupée de toute force de secours éventuelle. Pour isoler davantage Londres et l'avertir des conséquences d'une résistance vouée à l'échec, les terres situées entre Bedford et Hertford (entre les grands axes routiers nord-sud des rues Ermine et Watling) furent durement ravagées, les villes incendiées et leurs habitants massacrés. Un autre château fut également construit à Berkhamsted, à environ 50 kilomètres de Londres, complétant ainsi l'énorme encerclement territorial de Londres que Guillaume avait méticuleusement planifié tout au long des deux mois ayant suivi sa victoire à Hastings.

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Coin of William the Conqueror
Pièce à l'effigie de Guillaume le conquérant
PHGCOM (Public Domain)

À Londres, la situation se détériora davantage lorsque, du moins selon certaines sources contemporaines, Eadwine et Morcar prirent la fuite vers leurs comtés du nord. Considérés comme de vils traîtres pour leur désertion, les deux jeunes comtes se sentirent peut-être obligés de fuir avant que l'encerclement de Guillaume ne soit complet pour ainsi préserver au moins une lueur d'espoir en une future riposte anglo-saxonne. Ainsi, dans la première moitié du mois de décembre et face à la perspective d'un blocus impitoyable, privés de la puissance militaire nécessaire pour s'opposer à l'armée de Guillaume, les chefs militaires anglais, les évêques et Edgar marchèrent tous vers Berkhamsted et présentèrent leur reddition collective à Guillaume. Le Conquérant se montra clément envers les nobles anglais vaincus, et la ville de Londres se vit garantir tous les droits dont elle avait bénéficié sous Édouard le Confesseur, y compris le droit successoral (il subsiste encore aujourd'hui une ordonnance royale de 1067 en faisant état). Trois nouveaux châteaux normands furent immédiatement construits dans la ville, dont l'un, lorsque la pierre remplacera le fort en bois d'origine, deviendra la célèbre Tour de Londres. Ces fortifications et leurs garnisons eurent pour effet immédiat de faire en sorte que toute trace d'agitation soit effectivement éteinte à l'arrivée de Guillaume en personne.

Le sacre de Guillaume

Le duc normand fut couronné Guillaume Ier, roi d'Angleterre, le jour de Noël 1066 à l'abbaye de Westminster, mettant ainsi fin à 500 ans de règne saxon. Le jour même, quelques incidents se produisirent lorsque les gardes normands, postés à l'extérieur de l'abbaye par un Guillaume encore méfiant, prirent les cris d'acclamation provenant de l'intérieur pour un mouvement de foule hostile et se mirent illico à incendier les bâtiments situés à proximité immédiate. Cette histoire n'étant peut-être que la dissimulation d'un acte de pillage inopportun de la part des troupes de Guillaume. Elle rappelle cependant que si Guillaume possédait la couronne, il n'avait pas encore pour autant gagné la loyauté du peuple. Le nouveau roi ne contrôlait encore que le sud-est de l'Angleterre, mais cela ne l'empêcha pas de distribuer présents et trésors à ses partisans et de donnner les richesses des églises anglaises aux églises de Normandie. Il faudrait encore au Conquérant cinq années de lutte acharnée - passées en selle à remporter des batailles contre les rebelles dans le nord de l'Angleterre et à construire partout des mottes castrales normandes - avant qu'il ne soit en mesure de contrôler complètement son nouveau royaume.

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Traducteur

Yves Palisse
Linguiste passionné d'Histoire, Yves P Palisse est un traducteur indépendant possédant des années d’expérience dans les domaines de la traduction, de l’analyse des médias et du service à la clientèle. Après avoir beaucoup voyagé dans toute l'Europe, Il a fini par poser ses bagages à londres en 1999. Il a une passion pour les sciences humaines, le droit et la justice sociale.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

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Cartwright, M. (2019, janvier 16). La marche de Guillaume le conquérant vers Londres [William the Conqueror's March on London]. (Y. Palisse, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1318/la-marche-de-guillaume-le-conquerant-vers-londres/

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Cartwright, Mark. "La marche de Guillaume le conquérant vers Londres." Traduit par Yves Palisse. World History Encyclopedia. modifié le janvier 16, 2019. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1318/la-marche-de-guillaume-le-conquerant-vers-londres/.

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Cartwright, Mark. "La marche de Guillaume le conquérant vers Londres." Traduit par Yves Palisse. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 16 janv. 2019. Web. 25 avril 2024.

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