Le Groenland à l'Ère Viking

Article

Emma Groeneveld
de , traduit par Yves Palisse
publié le 03 avril 2018
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Disponible dans ces autres langues: anglais

Le Groenland est entré dans l'ère Viking après avoir été colonisé par des explorateurs norvégiens à la fin des années 980. Leur présence devait se prolonger jusqu'au XVe siècle. En dépit d'un climat glacial, les Norvégiens ont réussi à survivre sur ces terres impitoyables en exploitant des zones fertiles situées le long de la côte sud-ouest. C'est ainsi qu'ils ont fondé la colonie orientale (qui se trouve, de façon surprenante, au sud du Groenland occidental) et la colonie occidentale, quelque 650 km plus au nord, le long de la côte ouest, dans la région de l'actuelle Nuuk.

Reconstructed Church at Brattahlíð, Greenland
Église reconstituée à Brattahlíð, Groenland
claire rowland (CC BY)

Environ 75 % de l'immense surface du Groenland - qui totalise environ 1 350 000 km2, ce qui en fait la plus grande île du monde - est recouverte par un glacier, qui se combine à des plaques de banquise dérivante flottant le long des côtes, de quoi faire réfléchir toute personne saine d'esprit désireuse de venir s'installer dans cette région pour le plaisir. Les glaciers et les montagnes font office de frontières naturelles, ce qui rend les déplacements à l'intérieur des terres particulièrement difficiles. Avec un climat essentiellement arctique affichant des températures moyennes inférieures à 10 degrés Celsius au cours des mois les plus chauds et ne dépassant cette température que dans certaines régions, le Groenland n'est pas exactement l'endroit idéal pour cultiver des denrées de base telles que les céréales, sans compter qu'il n'y a que très peu d'arbres.

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Pour pouvoir survivre dans des conditions aussi hostiles, les Norvégiens combinaient l'élevage - le pâturage du bétail - et la chasse de gibier tels que les phoques et les caribous, tout en entreprenant des expéditions de chasse plus au nord, dans les zones de chasse septentrionales (à Nordsetur, dans la baie de Disko), pour abattre des morses, des narvals et même des ours polaires. La société groenlandaise de l'âge des Vikings était tributaire des nombreuses exploitations agricoles qui parsemaient les lieux de peuplement. La présence d'églises au sein de ces communautés témoigne par ailleurs d'une présence durable du christianisme. Ces exploitations agricoles exportaient directement au-delà des mers leurs marchandises précieuses telles que les peaux, les cuirs et l'ivoire de morse, tout en important des produits de luxe ainsi que le fer, matériau indispensable entre tous. La concurrence entre producteurs a favorisé la répartition du pouvoir parmi un groupe d'acteurs privilégiés sans que la moindre forme de gouvernement officiel n'ait pu se mettre en place, ce qui n'empêcha pas le Groenland de passer officiellement sous autorité norvégienne en 1261.

ERIk LE ROUGE - FONDATEUR DU GROENLAND NORVÉGIEN - INVENTa LE NOM DE GROENLAND PARCE QU'IL PENSAIT QUE 'LES GENS AURAIENT ENVIE DE S'Y RENDRE SI LE TERRITOIRE PORTAIT UN NOM ATTRActif'.

Cette stratégie permit aux Norvégiens du Groenland de survivre jusqu'au moment où les communications avec l'extérieur cessèrent de façon mystérieuse au cours du XVe siècle et que l'on n'entende plus jamais parler d'eux. Le refroidissement climatique (une conséquence du petit âge glaciaire, de 1300 à 1850) est généralement considéré comme l'un des facteurs ayant potentiellement joué un rôle dans leur disparition. Lorsqu'en 1721, le missionnaire norvégien Hans Egede, le premier homme à triompher de la banquise depuis le début du grand silence, atteignit l'ancienne colonie occidentale du Groenland. Il y rencontra des Inuits, mais aucune trace des Norvégiens.

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Découverte et première vague de colonisation

Après leur installation en Islande au cours du IXe siècle, les Vikings norvégiens commençaient à bien connaître l'Atlantique Nord. Peu de temps après, des rumeurs concernant l'existence de nouvelles terres plus à l'ouest commencèrent à circuler, tout d'abord par l'intermédiaire de Gunnbjörn Ulfsson, que le vent avait fait dériver jusqu'à proximité des îles du Groenland (à une date inconnue). Par ailleurs, nous savons qu'en 978, Snæbjörn Galti entreprit une expédition dans la même direction. Elle se solda par un désastre.

Le premier Viking à avoir débarqué de son vivant au Groenland - pour autant que nous le sachions - fut Erik le Rouge. Après avoir été banni d'Islande pour meurtre vers 982, il longea la pointe sud du Groenland pour débarquer dans ce qui allait devenir la colonie orientale (Eystribyggð en vieux norrois), dans un fjord qu'il n'hésita pas à baptiser Eriksfjord. La Saga d'Erik le Rouge lui attribue la paternité du nom Groenland, car il pensait que 'les gens auraient envie de s'y rendre si le territoire portait un nom attractif' (2, tel que rapporté dans Les sagas des Islandais, 654). Il retourna en Islande en 985 ou 986, après avoir recruté suffisamment de volontaires pour une seconde expédition au Groenland. Ce fut un voyage éprouvant de plusieurs jours de navigation dans des conditions difficiles, comme en témoigne le Landnámabók (Le Livre de la Colonisation): 'sur vingt-cinq navires partis de Breiðafjörður et Borgarfjörður pour le Groenland, quatorze l'atteignirent, certains durent faire demi-tour et d'autres furent perdus.' (Histoire illustrée des Vikings, Oxford, 118). La colonisation avait commencé.

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Si la côte orientale du Groenland n'était rien d'autre qu'un désert glacé et inhospitalier, les fjords intérieurs du sud-ouest du Groenland et les terres côtières environnantes se révélèrent en revanche véritablement fertiles et accueillants, pour peu que l’on y ait appliqué des stratégies de subsistance appropriées avec suffisamment de détermination. En outre, ces portions du nouveau territoire n’étaient pas sans ressembler à la Norvège en termes de paysage, voire de climat. À une époque où l'Islande devenait un peu trop petite au goût de nombreux propriétaires terriens, les vastes étendues sauvages du Groenland ont dû séduire ceux d'entre eux qui cherchaient à se tailler un domaine.

Erik the Red
Erik le rouge
Arngrímur Jónsson (Public Domain)

La première vague de colons vikings se composait principalement de chefs et de riches cultivateurs qui possédaient leurs propres navires. On pense qu'elle comptait environ 500 individus. À une époque connue sous le nom de colonisation (landnám), ils créèrent des fermes d'élevage avec les animaux domestiques qu'ils avaient amenés avec eux à bord de leurs navires dans les fjords intérieurs, où la terre était relativement fertile. Dans la colonie occidentale (vieux norrois : Vestribyggð), fondée à peu près à la même époque dans ce qui est aujourd'hui la région de Nuuk, plus au nord le long de la côte ouest, l'environnement était un peu trop hostile pour une véritable économie de pâturage, mais offrait de nombreuses terres ainsi que la possibilité de chasser en mer, par exemple des malheureux phoques qui n'avaient rien demandé à personne. Cette région devait plus tard devenir le point de départ d'expéditions vers l'Amérique du Nord ('Vinland'), où Leif Erikson, le fils d'Erik le Rouge, fonda une colonie viking à Terre-Neuve.

L'agriculture

Il existe des preuves de la présence d'environ 500 exploitations agricoles dans la colonie orientale, alors que la colonie occidentale n'en comptait qu'une centaine. Ces exploitations ne fonctionnaient pas nécessairement en continu, de fait, certaines n'étaient utilisées que périodiquement, en fonction de l'état de la végétation. On estime actuellement que la communauté norvégienne du Groenland comptait en moyenne 1 400 personnes, avec un pic de plus de 2 000 individus vers l'an 1200.

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En ce qui concerne les exploitations, le facteur prépondérant était l'emplacement. En effet, les colons recherchaient en priorité des plaines morainiques proches des fjords ainsi que des vallées abritées aux terres fertiles. Erik le Rouge, qui fut, bien entendu, le premier à choisir son terrain, bâtit son domaine à Brattahlíð (dans la colonie de l'Est) dans ce qui est encore aujourd'hui l'un des meilleurs sites agricoles du Groenland, douillettement blotti à l'intérieur d'un fjord, à l'abri du brouillard côtier et des eaux glaciales. En revanche, les régions plus élevées n'étaient guère épargnées par les éléments, mais il était possible d'y survivre en se concentrant davantage sur la chasse.

L'ÉCONOMIE DES NORVÉGIENS DU GROENLAND ÉTAIT FONDÉE SUR UN MÉLANGE D'AGRICULTURE PASTORALE, DE CHASSE ET DE PÊCHE, SOUTENU PAR L'EXPORTATION DE PRODUITS ARCTIQUES TELS QUE LES PEAUX, LES CUIRS ET L'IVOIRE.

Les bovins, les ovins et les caprins, tous transportés par bateau, s'adaptèrent aux conditions groenlandaises et étaient élevés principalement pour leur lait, ainsi que pour le fromage et le beurre qui en découlaient, la laine des moutons étant également très appréciée. Les bovins devaient rester à l'abri pendant de nombreux mois, mais les moutons et les chèvres parvenaient à survivre à l'extérieur. Les fermes étaient exploitées selon un système d'assolement et de pâturage, le bétail paissant dans les pâturages pendant l'été, tandis que les champs étaient fumés ou même irrigués pendant la saison de production. La viande provenait essentiellement de la chasse au caribou et au phoque. Toutefois, certaines des exploitations parmi les plus grandes mettaient à contribution leurs troupeaux de bovins.

Après une période de colonisation plus uniforme, les exploitations agricoles se sont diversifiées: les grandes exploitations à statut élevé privilégiaient les maisons longues et leurs bâtiments étaient assez dispersés, tandis que les petites exploitations étaient plus centralisées et conservaient leurs maisons, étables, écuries et granges si proches les unes des autres que l'on pouvait passer de l'une à l'autre sans avoir à sortir, en réponse au changement climatique. Les propriétaires les plus affluents s'emparaient souvent des parcelles offrant les meilleurs rendements. Ceci, en contribuant à l'augmentation de leur richesse, leur permettait d'entretenir un bétail prestigieux, mais par ailleurs assez peu utile. Ils parvenaient ainsi à cimenter leur place au sein de l'élite par des ajouts tels que des salles de fêtes et des églises. Cependant, les fermes de toutes tailles semblent avoir été autosuffisantes, faisant bon usage des opportunités de chasse plutôt que de compter uniquement sur leur bétail.

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Chasse et commerce

Le système économique des Norvégiens du Groenland reposait sur un mélange d'agriculture pastorale, de chasse et d'un peu de pêche. Outre les chasses de proximité et les expéditions vers la côte pour chasser les phoques migrateurs au printemps et à l'automne, les fermes individuelles et les groupes de fermiers organisaient des expéditions de chasse estivales vers le nord du pays, dans la baie de Disko, où l'on pouvait trouver des morses, des narvals et des ours polaires. C'est là qu'ils se procuraient des peaux, des cuirs et de l'ivoire précieux. Ces produits servaient à fabriquer des vêtements et des chaussures échangés au sein de la société locale, mais aussi de monnaie d'échange. Ils constituaient également les principaux produits d'exportation, comme le montre le Miroir du roi, datant du XIIIe siècle, qui décrit les contacts du Groenland avec le monde extérieur au début de ce siècle :

Ils doivent acheter ailleurs tous les articles qui pourraient aider le pays, aussi bien le fer que tout le bois avec lequel ils construisent des maisons. C'est de là que les gens exportent ces marchandises: peaux de chèvre, peaux de bœuf, peaux de phoque et la corde... qu'ils découpent dans le poisson appelé morse et qui est appelée corde de peau, ainsi que leurs défenses... (Le miroir du roi 17)

Le bois dont il est question n'était utilisé que pour construire les parties des maisons qui ne pouvaient pas être construites en pierre; en particulier dans les dernières colonies, les bâtiments étaient soit entièrement construits en pierre, soit en pierre et en herbe taillée. D'après les sagas islandaises, il semble que le commerce ait été une activité décentralisée: les marchands étrangers débarquaient près des grandes fermes, y logeaient et établissaient des relations commerciales directement avec les habitants, par l'intermédiaire desquels les marchandises étaient ensuite distribuées. Les grands exploitants disposaient ainsi d'un pouvoir de négociation encore plus grand, et il existe des preuves de paiements effectués aux plus grandes exploitations, par exemple à Gardar, à Brattahlíð d'Erik et à Sandnes. Ainsi, l'économie monétaire n'a jamais existé au Groenland norvégien; le contrôle du commerce était la clé de l'accès au pouvoir.

Viking Settlements in Greenland
Colonies viking au Groenland
Finn Bjørklid (GNU FDL)

L'ivoire de morse, en particulier, se vendait exceptionnellement bien sur les marchés d'Europe du Nord et, pendant la période de colonisation, les Groenlandais se rendaient en Europe avec leurs marchandises à bord de leurs propres bateaux. Cependant, lorsqu'à partir de 1261, le Groenland fut rattaché à la Norvège, ce sont les marchands norvégiens qui prirent le relais. Dans un premier temps, le trafic entre la Norvège et le Groenland se poursuivit, mais à partir de la fin du XIVe siècle, le nombre de navires norvégiens faisant route vers le Groenland diminua fortement, pour cesser entièrement à la fin du XVe siècle.

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L'église

Les colonies norvégiennes du Groenland semblent avoir été chrétiennes pratiquement dès le départ; aucune tombe païenne n'a été découverte et il existe des preuves de la construction d'églises au cours de la période ayant immédiatement suivi la colonisation. La Saga d'Erik le Rouge confirme les données archéologiques dans la mesure où elle affirme que Leif Erikson avait été chargé par le roi norvégien Olaf Tryggvason (r. de 995 à 1000) d'apporter le christianisme au Groenland vers l'an 1000. Étant donné que le Groenland a été colonisé à partir de l'Islande, devenue officiellement Chrétienne en l'an 1000, et que le rythme de conversion s'était accéléré depuis l'accession d'Olaf Tryggvason au trône norvégien, il n'est pas exagéré de supposer que les pionniers norvégiens ayant fait voile vers le Groenland aient apporté le christianisme dans leurs bagages.

Dans la société groenlandaise tardive, les églises et les cimetières étaient toujours connectés aux exploitations, et l'on suppose que même les premières familles qui s'installèrent au Groenland adhéraient à cette pratique. Comme en Islande, les églises étaient très probablement la propriété privée des fermiers, ce qui devait permettre à leurs propriétaires de disposer d'une source de revenus supplémentaire. Au fil du temps, on observe une évolution de la multitude de petites églises vers des églises moins nombreuses mais plus grandes, ce qui témoigne peut-être d'une concentration accrue du pouvoir entre les mains de l'élite des propriétaires terriens.

D'importantes églises paroissiales ont été découvertes à Sandnes, undir Höfða et Herjólfsnes, tandis qu'une église monastique ou un couvent s'élevait à Narsarsuaq, mais ce n'est qu'au XIIe siècle qu'un évêché fut établi au Groenland, à Gardar, où une église cathédrale fut construite sur ce qui était déjà le plus grand domaine agricole de l'île. Il ne faut y voir que la conséquence d'une ingérence norvégienne dans les affaires groenlandaises et, d'après les sources écrites, l'évêché en question a toujours été détenu par des personnes étrangères au territoire.

Hvalsey Church, Greenland
Église de Hvasley, Groenland
Number 57 (Public Domain)

Probablement gênée par l'isolation flagrante de la région et par le grand nombre d'églises privées, l'Église romaine a eu bien du mal à gagner de l'influence au Groenland, en particulier pendant la période de la colonisation. En Islande, où la situation présentait quelques similitudes, l'Église établie accentua la pression au XIIIe siècle, mais le sort du Groenland à cet égard reste entouré de mystère.

Contact avec les cultures de Dorset et de Thulé

Bien entendu, les Norvégiens n'étaient pas les seuls à être suffisamment tenaces et habiles pour s'adapter aux conditions très particulières du Groenland. En effet, dès le VIIIe siècle, les Paléo-Esquimaux de la fin de l'ère Dorsétienne s'étaient frayé un chemin jusqu'au côté groenlandais de la région du détroit de Nares et du détroit de Smith, située entre le Groenland et l'île d'Ellesmere au Canada. Vers 1200, le peuple de la culture Thulé (les ancêtres des Inuits) se joignit à eux, partant de l'Alaska, traversant le Canada jusqu'au Groenland et rencontrant le peuple du Dorset dans la région du détroit de Smith entre 1200 et 1300. La culture dorsétienne était alors en déclin et fut remplacée par la culture thuléenne, alors en plein essor.

Durant cette période, les Norvégiens entreprirent également des expéditions vers les territoires de chasse septentrionaux et rencontrèrent peut-être ces deux cultures, comme l'explique Jette Arneborg :

Les découvertes archéologiques et les sources écrites indiquent une certaine interaction entre les Dorsétiens, les Thuléens et les Scandinaves; la nature de ces contacts est cependant peu connue, mais les sources écrites indiquent l'intérêt des Scandinaves pour les skrælings [terme vieux norrois désignant ces peuples], ce qui pourrait s'expliquer par l'échange de marchandises. Les Norvégiens ont peut-être acquis de l'ivoire de morse auprès des chasseurs paléo-esquimaux et inuits en échange de métaux. La majorité des objets d'origine norvégienne trouvés dans le contexte de la culture de Thulé sont des métaux. (Viking World, 594)

Des artefacts de ces cultures ont été trouvés dans des contextes vikings, et vice versa, ce qui indique probablement qu'il existait des échanges commerciaux entre eux, mais il est difficile de savoir dans quelle mesure. Il semble que les marchandises acquises auprès des cultures du Dorset et de Thulé se soient bien vendues à l'étranger et qu'elles aient été principalement exportées par les Vikings.

Le peuple de Thulé étendit graduellement sa présence dans l'ensemble du Groenland, atteignant le détroit de Scoresby sur la côte est vers 1300 et se déplaçant par la suite plus au sud et au sud-ouest au cours du XIVe siècle. Il atteignit l'établissement occidental des Vikings vers le milieu du XIVe siècle. Le fait que cette date coïncide à peu près avec les derniers signes de présence des Norvégiens dans cette région a donné lieu à des théories selon lesquelles le peuple de Thulé aurait joué un rôle dans la disparition des Norvégiens, théories réfutées depuis. Le peuple de Thulé se rapprocha également de la colonie orientale à cette époque, vivant peut-être le long de la zone côtière extérieure de la région tandis que les Norvégiens occupaient les fjords intérieurs, mais seulement pendant une ou deux générations.

Disko Bay, Greenland
Baie de Disko, Groenland
Algkalv (CC BY-SA)

Une disparition mystérieuse

Au cours des XIVe et XVe siècles, quelque chose de désatreux frappa les Groenlandais de Norvège. La dernière trace écrite que nous ayons d'eux remonte à 1424, lorsqu'un prêtre groenlandais écrivit une lettre dans laquelle il affirmait avoir assisté au mariage d'un jeune couple dans le fjord de Hvalsey (colonie orientale) en 1408, après quoi un silence assourdissant s'installa. Les vestiges de sépultures montrent des signes de vie jusqu'à environ 1450 pour la colonie orientale, tandis que les archives écrites et archéologiques suggèrent que la colonie occidentale s'était transformée en une ville fantôme un siècle plus tôt, au milieu du XIVe siècle.

Vers cette époque, la banquise dérivante encerclant le Groenland était devenue d'une hostilité si féroce que personne ne parvint à atteindre l'île avant que le missionnaire norvégien Hans Egede ne débarque dans l'ancienne colonie occidentale en 1721. Il n'y trouva que des Inuits et pas le moindre Norvégien. Selon les premières théories visant à expliquer leur disparition, les Vikings auraient été victimes de conflits avec les Inuits, le Groenland aurait été coupé d'une Europe lui servant de ligne de vie, et la consanguinité aurait même détérioré les beaux spécimens physiques qu'étaient les Vikings, mais ces théories ont depuis été réfutées par manque de preuves.

Vint ensuite l'argument du changement climatique, qui est devenu l'explication unique la plus durable et qui attribue au petit âge glaciaire qui affecta le Groenland à partir du XIVe siècle (jusqu'à environ 1850) la responsabilité du cataclysme. Les glaciers se sont étendus, les températures ont chuté et des vents de plus en plus violents ont commencé à souffler, ce qui, compte tenu de l'état de surexploitation de la végétation, a contribué à l'érosion, tandis que l'élévation du niveau de la mer a également fait disparaître de précieux pâturages. La banquise se serait également étendue sur les rivages et au-delà des côtes du Groenland, affectant à la fois le commerce et la chasse. Son effet se fit même ressentir au plus profond des fjords les mieux abrités du sud du Groenland, normalement protégés par des courants marins chauds. Des ossements découverts sur place montrent que les Norvégiens auraient été directement affectés par ce changement de climat et l'on observe par ailleurs qu'ils adoptèrent un régime alimentaire plus marin. Dans l'ensemble, le petit âge glaciaire dut avoir un impact considérable sur les Norvégiens du Groenland.

Cependant, il est peu probable que les causes de ce phénomène aient vraiment été aussi simple dans la mesure où le petit âge glaciaire n'a pas été un état de refroidissement constant, mais s'est produit par vagues. De plus, les Inuits se sont bien portés tout au long de cette période, ce qui indique que, là aussi, la culture a pu faire une différence. En effet, contrairement aux Norvégiens, les Inuits chassaient également le phoque annelé par des trous de respiration dans la banquise hivernale grâce à leur technologie avancée de chasse au harpon et mettaient à contribution une plus grande partie du territoire du Groenland que les Norvégiens, qui restèrent toujours tributaires de leur agriculture et de leurs pâturages. Ceux-ci étaient bien sûr plus vulnérables aux vagues de froid et les archives archéologiques démontrent que les occupants d'au moins quelques exploitations agricoles auraient préféré mourir de faim plutôt que d'émigrer. Il se peut toutefois que certains aient émigré, car d'une façon générale, l'Europe disposait de plus de terres en raison de la dépopulation (en partie à cause de la peste de 1348, qui affecta probablement le Groenland, ne serait-ce qu'indirectement, par la chute des prix à l'exportation, et peut-être même directement). Les chercheurs s'accordent cependant à dire que la fin de l'ère viking au Groenland n'est pas due à un seul facteur, mais plutôt à une combinaison de ces éléments.

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Bibliographie

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Traducteur

Yves Palisse
Linguiste passionné d'Histoire, Yves P Palisse est un traducteur indépendant possédant des années d’expérience dans les domaines de la traduction, de l’analyse des médias et du service à la clientèle. Après avoir beaucoup voyagé dans toute l'Europe, Il a fini par poser ses bagages à londres en 1999. Il a une passion pour les sciences humaines, le droit et la justice sociale.

Auteur

Emma Groeneveld
Emma a étudié l'histoire et l'histoire ancienne. Pendant sa maîtrise, elle s'est concentrée sur Hérodote, ainsi que sur les anecdotes croustillantes de la politique des cours antiques. Plus récemment, elle s'est plongée dans la préhistoire au sens large.

Citer cette ressource

Style APA

Groeneveld, E. (2018, avril 03). Le Groenland à l'Ère Viking [Viking Age Greenland]. (Y. Palisse, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1208/le-groenland-a-lere-viking/

Style Chicago

Groeneveld, Emma. "Le Groenland à l'Ère Viking." Traduit par Yves Palisse. World History Encyclopedia. modifié le avril 03, 2018. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1208/le-groenland-a-lere-viking/.

Style MLA

Groeneveld, Emma. "Le Groenland à l'Ère Viking." Traduit par Yves Palisse. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 03 avril 2018. Web. 27 avril 2024.

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