L'empire de Luba, situé en Afrique centrale, prospéra du 15e au 19e siècle de notre ère et fut le premier État de ce type dans le bassin du Congo. Les compétences dans le travail du fer et le commerce de métaux tels que le cuivre le long de la rivière Lualaba permirent à l'élite Luba de former un royaume qui s'étendait à travers et hors de la dépression de l'Upemba dans ce qui est aujourd'hui le sud de la République Démocratique du Congo. L'empire de Luba prospéra jusqu'à ce qu'il ne tombe aux mains des colonialistes belges à la fin du 19ème siècle.
Origines
Les origines de l'empire de Luba remontent à l'Afrique centrale vers 1300, dans les forêts pluviales méridionales du Shaba, qui s'étendent pour couvrir les prairies humides de la dépression du lac Upemba (dans la partie sud de l'actuelle République démocratique du Congo, anciennement appelée Zaïre). Les rois Luba et les traditions orales revendiquaient un lien passé avec la région du Shaba habitée par le peuple Lualaba de l'âge du fer. Les sites Lualaba, dont le plus ancien est Kamilamba, datent du 6e ou 7e siècle. Ils prospérèrent grâce aux gisements de métaux locaux, notamment le cuivre, qui leur permettaient de commercer avec d'autres peuples d'Afrique centrale en utilisant les rivières de la région.
La région présente des traces d'agriculture avant 1100, avec des cultures telles que le sorgho rouge, le millet, les ignames, les bananes, les haricots, la canne à sucre et les arachides. Les terres agricoles riches n'étaient disponibles que par poches, entre lesquelles se trouvaient de vastes zones inhabitées utilisées pour la chasse. Cette répartition naturelle explique pourquoi de nombreuses chefferies petites mais indépendantes virent le jour dans la région. On pratiquait également la pêche dans les lacs et les rivières, ainsi que l'élevage d'animaux tels que les porcs et les bovins à cornes. L'exploitation des gisements locaux de fer et de cuivre se poursuivait. L'artisanat comprenait la poterie, la vannerie, le tissage et la production de sel, de bière de palme et de bijoux en cuivre. Il existe des preuves de commerce et même des monnaies primitives sous la forme de lingots de cuivre en forme de croix, de coquillages, de carrés de palmiers en raphia et de sel (au XIXe siècle, les perles importées devinrent la monnaie dominante). Le commerce luba s'étendait aux forêts d'Afrique centrale, jusqu'au sud du Zimbabwe, et à l'est jusqu'à la côte, d'où les marchandises allaient et venaient à travers l'océan Indien.
L'Histoire générale de l'Afrique de l'UNESCO (Vol. IV) dit ceci sur les origines du royaume :
Selon la tradition, le royaume luba fut fondé par un certain Kongolo, qui établit sa capitale près de Kalongo ... Par estimation, on situe vaguement avant 1500 l’apparition de l’État luba. Il résulte de la fusion de plusieurs clans sous l’autorité d’un chef unique... les populations étaient organisées en patrilignages. Chaque lignage avait ses villages et les chefs possédaient des esclaves. Le kiloto ou chef de lignage reconnaissait l’autorité du roi. Celui-ci était entouré de fonctionnaires ; du moins, deux personnages sont connus : le gardien des emblèmes, appelé inabanza, et le chef militaire ou twite. La royauté luba était fondée sur le principe de bulopwe ou sacralité. Cette sacralité se situait dans le sang régnant, ce que les Luba appelaient mpifo.
Selon les légendes orales, le premier roi Luba Kongolo (qui signifie Arc-en-ciel) était plutôt cruel mais il est civilisé par les enseignements d'un chasseur, un certain Kalala Ilunga arrivé de l'est. Ce chasseur couche avec deux sœurs du roi et l'un des enfants de cette union, une fois adulte, quitte Luba et part à la recherche de son père qui avait alors quitté le royaume. Le chasseur donne une armée au prince, qui revient donc pour déposer son oncle cruel et établir une règle juste dans le royaume de Luba. Dans certaines versions du mythe, Kongolo est tué par Kalala Ilunga et, bien qu'il n'y ait pas de neveu, il y a deux tribus rivales dirigées par des femmes à l'ouest. Le mariage ou l'abdication explique la réunion de ces micro-royaumes au sein du grand royaume Luba.
L'histoire du roi fondateur de Luba peut refléter le commerce régional et la diffusion des idées qui l'accompagnent, peut-être même la migration bantoue qui propagea une langue et une technologie hautement développées depuis ses origines dans le sud-ouest de l'Afrique jusqu'au reste de l'intérieur du continent. L'un des emblèmes du pouvoir royal luba était les cloches doubles en fer qui témoignent de la capacité à fabriquer des feuilles de fer et à souder des métaux. Ces cloches, produites dans toute l'Afrique centrale, sont un autre indicateur de la diffusion des idées dans la région.
La royauté et le gouvernement
Avant environ 1500, la lignée des Luba était matrilinéaire, contrairement à presque toutes les autres sociétés d'Afrique centrale équatoriale, mais après cette date, les Luba adoptèrent eux aussi la coutume patrilinéaire. Les rois se développèrent à partir des propriétaires terriens dont les plus influents étaient également des prêtres des esprits de la terre. Grâce à l'acquisition de terres voisines et à l'union de petites chefferies par le biais de mariages, ces figures dirigeantes se transformèrent en une noblesse avec un roi à sa tête. Comme les rois continuaient à combiner pouvoir et fonctions religieuses, ils devinrent des figures sacrées. Plus l'agriculture et le commerce prospéraient, plus les excédents de production étaient importants, ce qui permettait aux citoyens les plus riches de se libérer du travail et de se consacrer à la construction de systèmes de gouvernance étatique. Les terres étaient confisquées aux voisins les plus faibles, des tributs réguliers (en biens ou en travail) étaient extorqués aux tribus conquises, et des esclaves étaient capturés pour augmenter encore la production agricole et libérer davantage de Lubans de la nécessité de travailler. Les criminels peuvent également avoir été transformés en esclaves. C'est ainsi que naquit le jeune royaume de Luba.
L'Histoire générale de l'Afrique de l'UNESCO (Vol. V) décrit la pyramide de pouvoir établie dans le royaume de Luba :
L’organisation de l’État était conçue comme une pyramide de pyramides. À l’échelon du village, les liens entre les familles étaient patrilinéaires. Par ailleurs, les relations entre les villages étaient conçues sur le modèle des relations entre lignées, encore que chacun de ces villages eût un chef en titre... À l’échelon supérieur, le Royaume était gouverné de la capitale ... dont le tracé même reflétait cette structure : résidence royale, résidences des fonction-naires titrés des deux sexes, séparées selon la fonction (militaire, civile). En son centre, on distinguait aisément le lieu dévolu au bulopwe (charge royale). Le tracé de la ville révélait ensuite, bien que moins clairement, la présence du Bambudye, l’association fermée qui aidait le roi à gouverner. Le roi était censé ne pas avoir de lignée ou de clan, même si normalement la fonction se transmettait de père à frère ou à fils... Ainsi, le roi était à la fois au-dessus du combat politique et lié par parenté à nombre des différents chefs. Il se trouvait au sommet de la pyramide des pyramides de la parenté. Le titre de mulopwe signifie l’indivisibilité du pouvoir, le pouvoir qui ne peut être partagé.
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Religion
Les pratiques religieuses, comme ailleurs en Afrique, se développèrent au fur et à mesure que les prêtres promettaient de favoriser le succès de l'agriculture et la fertilité. Les prêtres utilisaient la magie et la divination pour impressionner leurs fidèles et il existait une vénération généralisée pour les ancêtres morts et les esprits locaux associés aux caractéristiques et aux phénomènes naturels. Les rois étaient vénérés en tant que personnages sacrés, mais aussi toute personne détenant une autorité, notamment les chefs de famille. L'autorité était encore renforcée par l'appartenance à des sociétés secrètes dont les membres étaient les seuls à avoir accès à certains rites et rituels. En effet, les groupes secrets tels que les bambudye, qui conseillaient le roi, étaient si efficaces pour garder leurs secrets que nous ne connaissons pas aujourd'hui les détails précis de leur rôle et de leur fonction.
L'art luban indique des aspects de sa religion. Les artistes du royaume produisaient des masques métalliques distinctifs avec des cornes de bovins, probablement un signe de pouvoirs magiques et donc associés aux souverains. Un autre support était le bois dur, utilisé pour produire les manches des haches rituelles qui sont couverts de nodules et tiennent une lame métallique allongée. D'autres objets d'art montrent que les Luba portaient de grandes coiffes et avaient des cicatrices rituelles bien visibles.
Expansion
Le royaume de Luba, dont le cœur se situe autour du lac Boya, s'étendit considérablement au 18ème siècle grâce à l'armée du roi et à un roi en particulier, le roi Kadilo, qui régna à partir de 1700 environ. Par conséquent, l'État absorba progressivement le royaume de Kikondja au sud, le royaume de Kalundwe à l'ouest et un certain nombre de tribus au sud-est de la région. Cette conquête militaire conduisit des populations à quitter la région pour conserver leur indépendance, notamment les peuples du bassin inférieur de la rivière Luvua qui fondèrent l'État Shila près du lac Mweru. Une autre poussée d'expansion territoriale se produisit dans la première moitié du 19e siècle, en particulier à l'est, vers le lac Tanganyika et les tronçons plus septentrionaux de la rivière Lualaba. Le royaume connut un tel succès que les peuples de toute la région du centre et de l'est de la Zambie et du Malawi affirmèrent que leurs propres rois descendaient de ceux des Luba. Un royaume voisin, situé dans le Shaba occidental fut particulièrement influencé en termes de traditions, d'institutions et de symboles, il s'agit du royaume de Ruund, fondé vers 1500. Les deux royaumes finiront par établir une relation bilatérale en termes d'échanges interculturels.
Déclin
Le royaume se maintint jusqu'à la fin du 19e siècle, mais il fut submergé, comme tant de cultures africaines, par l'arrivée des colons européens. Dans le cas de Luba, leur ennemi juré était les Belges, qui prirent le contrôle de cette partie de l'Afrique vers 1885 et créèrent ce qui devint le Congo belge (1908-1960). Cette région, constamment troublée par des guerres civiles, accéda à l'indépendance en 1960 et connut plusieurs changements de nom au gré des régimes qui se succédèrent. Elle devint la République du Congo (alias Congo-Léopoldville) de 1960 à 1964, la République démocratique du Congo de 1964 à 1971, la République du Zaïre de 1971 à 1997 et enfin la République démocratique du Congo que nous connaissons aujourd'hui.