Montpellier pendant la Réforme

Article

Stephen M Davis
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 18 mai 2023
X
translations icon
Disponible dans ces autres langues: anglais

À l'aube des guerres de religion (1562-1598), Montpellier, dans le sud de la France, comptait une importante minorité protestante qui contrôlait les institutions de la ville. L'édit de Nantes de 1598 mit fin aux guerres et les protestants conservèrent la possession territoriale de Montpellier en tant que ville fortifiée. En 1622, après un long siège mené par Louis XIII de France (r. de 1610 à 1643), la ville revint sous le contrôle des catholiques selon les termes de la Paix de Montpellier.

Montpellier, 1622
Montpellier, 1622
Michel de Mathoniere (Public Domain)

Histoire de Montpellier

La région de Montpellier est une ancienne terre de peuplement et de passage où les Phéniciens, les Grecs, les Ibères et les Celtes laissèrent leur empreinte. La domination et l'influence romaines commencèrent en 123 avant notre ère, lorsque le Languedoc devint une colonie romaine. Le général et sénateur romain Cnaeus Domitius Ahenobarbus (mort vers 104 av. J.-C.) marqua le pays de son empreinte en créant la route qui porte son nom, la Voie Domitienne. Cet axe est-ouest structura les échanges et la vie de la région en unissant l'Italie à l'Espagne. Montpellier, fondée en 985, occupait une position stratégique sur la voie romaine. Guilhem Ier de Montpellier reçut du comte de Melgueil un domaine agricole qui s'agrandit sous la maison de Guilhem. À partir du début du XIe siècle, les seigneurs de Guilhem devinrent plus puissants que les comtes de Melgueil. En 1156, Guilhem VII de Montpellier épousa une descendante d'Hugues Capet (r. de 987 à 996), Mathilde de Bourgogne. En 1174, Guilhem VIII de Montpellier épousa Eudoxie, nièce de l'empereur byzantin Manuel Ier Comnène (r.de 1143 à 1180).

Supprimer la pub
Advertisement
Montpellier devint la deuxième ville de France après Paris.

De Guilhem Ier à Guilhem IX, dernier seigneur de la dynastie des Guilhem de 1202 à 1204, Montpellier connut une longue période de paix et un développement spectaculaire. Par le mariage de Marie de Montpellier (1182-1213), fille de Guilhem VIII, avec Pierre II d'Aragon (1178-1213), la ville fut rattachée au royaume d'Espagne jusqu'à son retour au royaume de France au XIVe siècle. Au XIIIe siècle, Montpellier devint une importante ville universitaire et commerçante. En 1289, une bulle du pape Nicolas IV créa une université où les étudiants venaient de loin pour suivre les cours de maîtres renommés dans une ville ouverte aux influences des savants arabes et juifs. Avec 35 000 à 40 000 habitants, Montpellier devint la deuxième ville de France après Paris. L'activité commerciale passait par Lattes, le port de la ville, et de nouveaux remparts unirent la ville seigneuriale de Montpellier à la ville épiscopale de Montpellier.

Guerres de religion au XVIe siècle

Les registres de la ville datant de 1560 montrent la progression rapide du protestantisme parmi les étudiants étrangers et les professeurs influents tels que Guillaume Rondelet (1507-1566) et Jean Bocaud (1511-1561). Les protestants se renforcèrent et commencèrent à s'emparer des églises catholiques en 1561. Ils consolidèrent leur pouvoir après l'édit de janvier 1562 qui accordait la tolérance religieuse aux protestants. L'évêque et le gouverneur fuirent la ville. Les monastères et les couvents furent pillés et détruits, les prêtres et les religieuses furent expulsés de la ville. Montpellier fut secouée par ces conflits et déchirée politiquement entre catholiques et protestants. La noblesse était également divisée entre l'Église catholique et la nouvelle religion. Le roi de France Charles IX (r. de 1560 à 1574) dénonça l'influence des chefs réformés, Louis Ier de Bourbon, prince de Condé (1530-1569), et Gaspard de Coligny (1519-1572), amiral de France. Le premier mourut à la bataille de Jarnac en 1569; l'assassinat du second déclencha le massacre de la Saint-Barthélemy en août 1572.

Supprimer la pub
Advertisement

St. Bartholomew Day Massacre
Massacre de la Saint-Barthélemy
François Dubois (Public Domain)

Après le massacre des huguenots à Vassy en mars 1562, le parti politique réformé se dota d'une nouvelle organisation pour mener l'effort de guerre. Les huguenots tenaient les villes de Rouen, Lyon et Orléans, cette dernière étant prise par Condé le 2 avril 1562. En Languedoc, Condé nomma Jacques de Crussol (1540-1584) à la tête du parti réformé. De nombreux catholiques furent contraints de fuir les villes acquises par les huguenots: Montpellier, Béziers, Nîmes, Uzès, Agde et Beaucaire. Le vicomte Guillaume de Joyeuse (1520-1592), lieutenant général du Languedoc, leva une armée catholique pour reconquérir la vallée de l'Hérault et s'empara de Pézenas et de Montagnac. En septembre, l'armée de Joyeuse campa devant Montpellier et affronta l'armée de Jacques de Crussol composée de contingents dauphinois et provençaux. Les deux camps se replièrent après de nombreuses escarmouches et les huguenots conservèrent le contrôle de la ville. Craignant un siège entrepris par Joyeuse, des églises et des couvents furent détruits dans les environs de la ville.

Édit de Nantes

Henri IV et l'Édit de Nantes en 1598 mirent fin au conflit armé des guerres de religion françaises et instaurèrent une coexistence difficile. L'application de cet édit de pacification fut compliquée dans de nombreuses régions car l'autorité du roi était limitée dans les villes éloignées de Paris et contrôlées par les protestants. Le rétablissement du culte et des fêtes catholiques à Montpellier se heurta à des résistances. À la demande du lieutenant-gouverneur du Languedoc, Henri de Montmorency (1534-1614) et des commissaires royaux furent envoyés en 1601 pour négocier l'exécution de l'édit de Nantes. Lorsque Henri IV (r. de 1589 à 1610) fut assassiné en 1610, son jeune fils Louis XIII (r. de 1610 à 1643) et son épouse Marie de Médicis (1575-1642), qui fut reine régente pendant la minorité de son fils, lui succédèrent. Ensemble, ils commencèrent à saper l'édit de Nantes.

Supprimer la pub
Advertisement

Edict of Nantes
Édit de Nantes
National Archives of France (Public Domain)

Les États généraux, composés de membres du clergé, de la noblesse et de roturiers, se réunirent en 1614 et 1615. Les protestants perçurent rapidement que la noblesse et le clergé étaient prêts à considérer les édits de pacification comme provisoires. Ils s'inquiétèrent également du projet de mariage de Louis XIII avec Anne d'Autriche (1601-1666). Trois provinces, le Languedoc, la Guyenne et le Poitou, prirent part à un soulèvement mené par des seigneurs mécontents. Leurs négociations avec Marie aboutirent au traité de Loudun en 1616 qui accorderait six années supplémentaires de protection aux places fortes protestantes.

La présence des fiefs protestants devint intolérable pour Louis XIII. Sous son règne, la domination du clergé catholique s'accrut rapidement. Le nouveau ministre du roi, Charles d'Albert, duc de Luynes (1578-1621), s'engagea à exterminer les hérétiques et lança une campagne militaire contre les huguenots. Le cardinal de Richelieu (1585-1642) fut premier ministre de 1624 à 1642 sous le règne de Louis XIII. C'était un homme de grande ambition et de grandes capacités, un défenseur rigoureux de la cause catholique en France. Louis XIII, le duc de Luynes et Richelieu cherchèrent à forcer la soumission des protestants à l'autorité royale et à renforcer l'unité du royaume.

Les campagnes militaires de Louis XIII

Louis XIII mena une expédition punitive contre le Béarn protestant en 1620 et rompit la fragile paix religieuse du royaume. Il ordonna la restitution des biens à l'Église catholique et rétablit le catholicisme dans les régions protestantes. En réponse aux actions du roi, en décembre 1620, l'assemblée générale huguenote de La Rochelle, bastion protestant de la Réforme française, divisa la France en huit régions quasi-militaires avec des commandants issus de la noblesse. Montpellier devint la capitale huguenote du Languedoc, avec une minorité protestante occupant des postes de pouvoir, ce qui provoqua des tensions sociales. Henri II, duc de Rohan (1579-1638) et cousin d'Henri IV, devint très vite le chef de la rébellion. Trois guerres de religion eurent lieu entre 1621 et 1629. La première guerre dura de 1621 à 1622 et se termina par la paix de Montpellier. La dernière guerre se termina en 1628 avec la chute de La Rochelle en 1628 et la paix d'Alès en 1629.

Supprimer la pub
Advertisement

Henry II, Duke of Rohan
Henri II, duc de Rohan
Jean-Pierre Franque (Public Domain)

En avril 1621, Louis XIII et le duc de Luynes conduisirent une armée de 20 000 hommes contre Saumur, première place forte protestante à tomber. L'armée royale poursuivit sa route vers le sud et, en juin 1621, rencontra une forte résistance huguenote à Saint-Jean d'Angély avant sa capitulation après un siège de trois semaines. L'attaque suivante porta sur Clairac, bastion protestant de l'Agenais dont la devise était "Ville sans roi, soldats sans peur". La ville se rendit après douze jours de siège, du 23 juillet au 4 août. La campagne du roi se poursuivant, Montauban subit trois mois de siège au cours desquels l'armée royale subit la perte de 14 000 hommes et ne parvint pas à franchir les fortifications. Louis XIII leva le siège et quitta les lieux le 14 novembre; une victoire éclatante pour les huguenots. En décembre, pendant la retraite de l'armée royale, le duc de Luynes assiégea, pilla et brûla la petite ville de Monheurt, avant de mourir d'une épidémie.

Les batailles se poursuivirent lorsque Louis XIII affronta l'armée huguenote dans les marais de l'île de Ré en avril 1622. Les huguenots vaincus se replièrent sur La Rochelle et le roi, profitant de cette victoire, s'empara facilement du port de Royan le 11 mars. De Royan, le roi marcha sur la petite ville de Négrepelisse en juin. Le 11 juin, la garnison se rendit et l'armée royale massacra toute la population et les soldats pour servir d'exemple aux autres rebelles. Le même mois, Saint-Antonin-Noble-Val, où s'était réfugiée l'armée huguenote, fut assiégée par Louis XIII. Après de violents combats, les rebelles rendirent les armes.

Siège de Montpellier

Louis XIII arriva dans le Bas-Languedoc au début du mois de juillet 1622 pour préparer le siège de Montpellier.

Louis XIII arriva dans le Bas-Languedoc au début du mois de juillet 1622 pour préparer le siège de Montpellier. L'armée commença à resserrer son emprise sur les régions environnantes. Béziers, Bédarieux, Mauguio, Marsillargues, Sommières et Aigues-Mortes tombèrent devant les troupes royales. Lunel offrit la plus grande résistance et la bataille se termina dans un bain de sang. Louis XIII se présenta devant Montpellier le 30 août 1622 et campa sur une hauteur dominant la vallée du Lez. Le siège de Montpellier commença le lendemain et fut accueilli par une vaillante défense. Avec 2 000 recrues du Languedoc, Rohan forma trois régiments à partir des habitants de la ville. Les femmes apportèrent les vivres et les munitions, soignèrent les blessés et engagèrent le combat avec l'ennemi. La ville était protégée par d'impressionnantes fortifications composées de murs et de fossés, ainsi que par une ligne de terrassements. Pendant des semaines, des milliers de boulets de canon s'abattirent sur les 4 000 habitants.

Supprimer la pub
Advertisement

Les troupes du roi concentrèrent leurs efforts sur le côté nord de la ville, entre les portes de la Pila-Saint-Gély et des Carmes, et creusèrent des tranchées au plus près des défenses. L'armée royale, qui comptait 20 000 fantassins et 3 000 cavaliers, subit de lourdes pertes. Bien que chaque camp ait tendance à exagérer les pertes de l'adversaire, selon le Journal du Siège, il y eut plus de morts parmi les assiégeants, la mort par maladie étant classée comme la première cause. Marqué par le siège de Montauban l'année précédente et désireux d'éviter un nouveau fiasco, le roi négocia une reddition honorable avec le duc de Rohan.

Une trêve fut déclarée le 12 octobre après 40 jours de bombardements intenses. L'ancien protestant François de Bonne (1543-1626), duc de Lesdiguières, et deux autres négocièrent au nom du roi avec Rohan et les députés des Cévennes, d'Uzès, de Nîmes et de Montpellier. Les articles de la paix furent acceptés par les huguenots le 18 octobre 1622 et Rohan se rendit en personne sous la tente de Louis XIII pour demander le pardon. Le lendemain, les représentants protestants s'agenouillèrent devant le roi qui accepta leur soumission. L'après-midi, le duc de Lesdiguières entra dans la ville avec 4 000 hommes. La ville fut démilitarisée avant l'arrivée du roi. Seules deux places fortes protestantes subsistaient: La Rochelle et Montauban.

François de Bonne
Francois de Bonne
Joseph-Nicolas Robert-Fleury (Public Domain)

Le 20 octobre, Louis XIII entra triomphalement dans la ville par la porte de Lattes. Le roi fut accueilli aux cris de "Vive le roi !" et "Miséricorde !". Une semaine plus tard, le roi quitta la ville en laissant deux régiments sous le commandement de Lesdiguières avec l'ordre de démolir les murailles construites pour résister au siège. La paix de Montpellier mit fin à la première guerre de religion entre Louis XIII et ses sujets de la "religion prétendue réformée", expression qui caractériserait par la suite les sujets de confession protestante. Le siège affaiblit le parti huguenot et, bien que la paix de Montpellier ait été renouvelée en 1626, les hostilités furent ravivées par le siège de La Rochelle en 1627.

Vous aimez l'Histoire?

Abonnez-vous à notre newsletter hebdomadaire gratuite!

Conclusion

La capitulation de Montpellier marqua l'intégration de la ville dans la monarchie française, passant d'un bastion huguenot à la capitale du Languedoc, fidèle au roi et au catholicisme. La paix signée entre les deux parties confirma l'édit de Nantes, avec un retour au statu quo religieux où les réunions politiques étaient interdites sans autorisation royale. Le duc de Rohan fut dédommagé pour la perte du Poitou et de Saint-Jean d'Angély. Ce traitement de faveur conduisit certains dans le camp protestant à l'accuser de trahison.

Louis XIII Crowned by Victory
Louis XIII couronné par la victoire
Philippe de Champaigne (Public Domain)

Louis XIII rentra à Paris en triomphe, avec de grandes célébrations dans les villes sur son parcours. L'année suivante, le roi fit frapper une médaille commémorative pour célébrer sa victoire. Au revers, le roi était à cheval, l'épée à la main, dans une posture de guerrier écrasant ses ennemis. Quatre bourgeois agenouillés lui remettaient les clés de la ville. L'inscription latine se lisait comme suit : "Vainqueur par les armes et la clémence". Les fortifications de la ville furent démolies entre novembre 1622 et novembre 1623. Avec les élections consulaires de février et mars 1623, Montpellier passa définitivement sous le contrôle du pouvoir royal et ne se soulèverait plus contre le roi. Louis XIV et la Révocation de l'Édit de Nantes de 1685 interdirent la religion réformée et le Grand Temple fut détruit.

Supprimer la pub
Publicité

Questions & Réponses

Quand eut lieu le siège de Montpellier ?

Montpellier, place forte protestante, fut assiégée par Louis XIII en 1622.

Pourquoi le siège de Montpellier était-il important ?

Le siège et la reddition de Montpellier marquèrent l'intégration de la ville dans la monarchie française. Ancien bastion huguenot, Montpellier passa définitivement sous le contrôle du pouvoir royal et ne se soulèverait plus contre le roi.

Bibliographie

World History Encyclopedia est un associé d'Amazon et perçoit une commission sur les achats de livres sélectionnés.

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Stephen M Davis
Docteur Stephen M. Davis est doyen de Grace Church à Philadelphie. Il est l'auteur de plusieurs livres, dont "Rise of French Laïcité" et "The French Huguenots and Wars of Religion".

Citer cette ressource

Style APA

Davis, S. M. (2023, mai 18). Montpellier pendant la Réforme [Montpellier during the French Reformation]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-2236/montpellier-pendant-la-reforme/

Style Chicago

Davis, Stephen M. "Montpellier pendant la Réforme." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le mai 18, 2023. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-2236/montpellier-pendant-la-reforme/.

Style MLA

Davis, Stephen M. "Montpellier pendant la Réforme." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 18 mai 2023. Web. 25 avril 2024.

Adhésion