
La loi sur les esclaves fugitifs de 1850 (Fugitive Slave Act 1850-1864) faisait partie du compromis de 1850, rédigé pour apaiser les tensions entre les "États esclavagistes" du Sud et les "États libres" du Nord. Le Fugitive Slave Act de 1793 permettait déjà aux propriétaires d'esclaves de récupérer leurs esclaves fugitifs dans les États du nord, mais comme de nombreux habitants du nord n'étaient pas disposés à les aider, la loi de 1793 n'avait que peu de pouvoir réel. Bien que le non-respect de la loi de 1793 fût passible de sanctions, les policiers du Nord pouvaient refuser de procéder à des arrestations et les juges pouvaient classer les affaires, car beaucoup considéraient cette "loi" comme une forme de kidnapping légalisé. La loi sur les esclaves fugitifs de 1850 obligeait les autorités, les forces de l'ordre et les citoyens ordinaires du Nord à signaler les fugitifs et à aider les chasseurs d'esclaves à les retrouver.
La loi sur les esclaves fugitifs de 1850 (tout comme celle de 1793) était extrêmement impopulaire dans le Nord. Les personnes qui n'avaient jamais eu à se préoccuper de la question de l'esclavage étaient désormais contraintes d'y participer sous peine de six mois de prison et d'une amende de 1 000 dollars (environ 37 000 dollars aujourd'hui). De nombreuses personnes dans le Nord continuèrent à héberger et à aider les esclaves fugitifs (aspirants à la liberté), et certaines, comme Harriet Tubman (vers 1822-1913), menèrent des actions directes défiant cette loi.
Au printemps 1860, alors qu'elle rendait visite à un cousin à Troy, dans l'État de New York, Tubman apprit qu'un aspirant à la liberté nommé Charles Nalle avait été retrouvé par son maître (qui était également son frère) et allait être renvoyé dans le Sud. Tubman réagit immédiatement et le sauvetage spectaculaire de Nalle devint l'un des plus célèbres de l'époque où elle était conductrice du chemin de fer clandestin. La réaction de la foule qui soutint Tubman lors du sauvetage est également célèbre, car elle illustre clairement la résistance du Nord à la loi sur les esclaves fugitifs de 1850.
Fugitive Slave Act de 1850
Le Fugitive Slave Act de 1850 était l'un des cinq projets de loi présentés par le sénateur Stephen A. Douglas (1813-1861) dans le cadre du compromis de 1850. La législation de Douglas était une refonte d'un compromis antérieur présenté par le sénateur Henry Clay (1777-1852) du Kentucky. La version de Douglas simplifiait les huit résolutions initiales de Clay en cinq projets de loi, qui devaient tous être votés séparément, et ceux-ci furent adoptés par le Congrès américain en 1850. La section 3 du Fugitive Slave Act de 1850 traite des responsabilités des autorités et des forces de l'ordre dans l'arrestation des aspirants à la liberté, tandis que la section 7 informe les citoyens des États du Nord de ce qu'on attendait d'eux et des sanctions qu'ils encourraient en cas de non-respect:
Et qu'il soit en outre décrété que toute personne qui, sciemment et volontairement, entrave, gêne ou empêche le demandeur, son agent ou son avocat, ou toute personne ou toutes personnes qui l'assistent légalement, d'arrêter un tel fugitif, avec ou sans mandat comme susmentionné, ou qui sauvera ou tentera de sauver un tel fugitif de la garde du demandeur, de son agent ou de son avocat, ou de toute autre personne ou personnes qui lui prêtent légalement assistance comme susmentionné, lorsqu'il est arrêté conformément à l'autorité conférée et déclarée dans les présentes; ou aidera, encouragera ou assistera, directement ou indirectement, la personne qui doit le service ou le travail susmentionné à échapper au demandeur, à son agent ou à son avocat, ou à toute autre personne légalement autorisée comme susmentionné; ou hébergera ou cachera un tel fugitif, de manière à empêcher la découverte et l'arrestation de cette personne, après avoir été informé ou avoir eu connaissance du fait que cette personne était un fugitif du service ou du travail comme susmentionné, sera passible, pour l'une ou l'autre de ces infractions, d'une amende ne dépassant pas mille dollars et d'une peine d'emprisonnement ne dépassant pas six mois, sur accusation et condamnation devant le tribunal de district des États-Unis pour le district dans lequel l'infraction a été commise, ou devant le tribunal pénal compétent si l'infraction a été commise dans l'un des territoires organisés des États-Unis; et sera en outre condamné à verser, à titre de dommages-intérêts civils à la partie lésée par ce comportement illégal, la somme de mille dollars pour chaque fugitif ainsi perdu, qui sera recouvrée par voie d'action en recouvrement de créance devant l'un des tribunaux de district ou territoriaux susmentionnés dans le ressort desquels l'infraction a été commise.
(American Battlefield Trust, section 7)
Le gouvernement fédéral des États-Unis s'était désormais engagé activement dans la traque des esclaves, ce qui, pour beaucoup dans le Nord, n'était pas de son ressort. Cependant, une fois la loi promulguée, même ceux qui s'opposaient activement à l'esclavage étaient censés la soutenir, ce qui créa un climat d'hostilité et de peur qui polarisa davantage les États libres et les États esclavagistes, exacerbant les tensions dans les années qui précédèrent la guerre de Sécession, comme le note le chercheur Andrew Delbanco:
C'était une loi sans pitié. Elle refusait aux personnes arrêtées en vertu de son autorité le droit le plus fondamental inscrit dans la tradition juridique anglo-américaine: l'habeas corpus, c'est-à-dire le droit de contester, devant un tribunal public, la légalité de leur détention. Elle interdisait aux accusés de témoigner pour leur propre défense. Elle excluait le procès devant jury. À l'exception des preuves de liberté, telles que les documents d'émancipation signés par un ancien propriétaire, la loi sur les esclaves fugitifs interdisait toute forme de preuve à décharge, y compris les preuves de coups, de viols ou d'autres formes d'abus subis par le défendeur pendant qu'il était esclave.
Elle criminalisait le fait d'héberger un fugitif et obligeait les autorités locales à aider le demandeur à récupérer son bien humain perdu... Tout dans la loi sur les esclaves fugitifs favorisait les propriétaires d'esclaves. Même les Noirs libres du Nord, y compris ceux qui n'avaient jamais été esclaves, vivaient dans la terreur d'être arrêtés et expulsés sous prétexte qu'ils avaient autrefois appartenu à quelqu'un dans le Sud.
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Malgré cela, de nombreux abolitionnistes défièrent la loi, comme William Still (1819-1902) et Passmore Williamson (1822-1895), qui, en 1855, participèrent à la libération de Jane Johnson et de ses deux enfants à Philadelphie. Harriet Tubman, comme on le voit ci-dessous, refusa également de se conformer au Fugitive Slave Act de 1850, tout comme la foule qu'elle rassembla pour l'aider à libérer Charles Nalle à Troy, dans l'État de New York, en 1860.
Le Fugitive Slave Act de 1850 resta en vigueur jusqu'à son abrogation en juin 1864, vers la fin de la guerre de Sécession (1861-1865). En 1865, l'esclavage fut aboli par le treizième amendement.
Texte
L'extrait suivant est tiré de Harriet, The Moses of her People ( 1886) de Sarah Hopkins Bradford, tel que publié sur le site Documenting the American South, pp. 119-128.
Au printemps 1860, Harriet Tubman fut chargée par M. Gerrit Smith de se rendre à Boston pour assister à une grande réunion contre l'esclavage. En chemin, elle s'arrêta à Troy pour rendre visite à un cousin, et pendant son séjour, les personnes de couleur furent un jour surprises par la nouvelle qu'un esclave fugitif, du nom de Charles Nalle, avait été suivi par son maître (qui était son jeune frère, et pas plus blanc que lui), et qu'il était déjà entre les mains des agents et allait être ramené dans le Sud.
Dès qu'Harriet eut appris la nouvelle, elle se précipita vers le bureau du commissaire des États-Unis, répandant la nouvelle sur son passage. Une foule excitée s'était rassemblée dans le bureau, à travers laquelle Harriet se fraya un chemin, et se précipita à l'étage jusqu'à la porte de la pièce où le fugitif était détenu.
Une voiture attendait déjà devant la porte pour emmener l'homme, mais la foule était si nombreuse et si agitée que les agents n'osaient pas faire descendre le fugitif. De l'autre côté de la rue, les Noirs observaient la fenêtre où ils pouvaient apercevoir le bonnet d'Harriet, convaincus que tant qu'elle resterait là, le fugitif serait encore dans le bureau. Le temps passait et il n'apparaissait pas. "Ils l'ont emmené par un autre chemin, c'est sûr", disaient certains Noirs. "Non, répondaient d'autres, "Moïse" est toujours là, et tant qu'elle est là, il est en sécurité."
Harriet, voyant qu'il fallait faire un effort considérable pour le sauver, envoya quelques petits garçons crier au feu. Les cloches sonnèrent, la foule grossit jusqu'à remplir toute la rue. Les policiers sortirent à plusieurs reprises pour essayer de dégager les escaliers et se frayer un passage afin de descendre leur prisonnier; d'autres furent repoussés, mais Harriet resta sur ses positions, la tête baissée et les bras croisés. "Allez, vieille femme, vous devez sortir de là", dit l'un des agents; "je dois dégager le passage; si vous ne pouvez pas descendre seule, quelqu'un va vous aider."
Harriet, feignant encore davantage la sénilité, se dégagea brusquement et resta à sa place. On proposa d'acheter Charles à son maître, qui accepta d'abord de le céder pour douze cents dollars, mais lorsque cette somme fut réunie, il augmenta immédiatement son prix à mille cinq cents dollars. La foule s'agita alors davantage. Un homme ouvrit une fenêtre et s'écria: "Deux cents dollars pour le sauver, mais pas un centime pour son maître!"
Cette proposition fut accueillie par un rugissement de satisfaction de la foule en contrebas. Finalement, les officiers apparurent et annoncèrent à la foule que s'ils ouvraient un passage jusqu'au chariot, ils promettraient de faire descendre l'homme par l'avant.
Le passage fut ouvert et l'homme fut amené: c'était un homme à la peau blanche, grand, beau et intelligent, les poignets menottés, marchant entre le marshal américain et un autre officier, suivi de son frère et maître, si semblables l'un à l'autre qu'il était difficile de les distinguer.
Dès qu'ils apparurent, Harriet se redressa brusquement, ouvrit une fenêtre et cria à ses amis: "Le voilà, attrapez-le!" Puis elle se précipita dans l'escalier comme une furie. Elle saisit un officier et le tira vers elle, puis un autre, et l'arracha à l'homme; tout en serrant l'esclave dans ses bras, elle cria à ses amis: "Sortez-nous d'ici! Traînez-le jusqu'à la rivière! Noyez-le! Mais ne les laissez mettre la main sur lui!"
Ils furent tous bousculés, et pendant qu'ils étaient à terre, elle arracha son bonnet et l'attacha sur la tête du fugitif. Quand il se releva, on ne voyait plus que sa tête, et dans la foule agitée, l'esclave n'était plus reconnaissable, tandis que le maître ressemblait à l'esclave.
Ils furent bousculés à plusieurs reprises, le pauvre esclave était complètement impuissant, les poignets menottés, couverts de sang. Les vêtements extérieurs d'Harriet furent déchirés, et même ses solides chaussures furent arrachées de ses pieds, mais elle ne lâcha pas son homme jusqu'à ce qu'elle l'eut traîné jusqu'à la rivière, où il fut jeté dans un bateau, Harriet le suivant dans un bac pour rejoindre l'autre rive.
Mais le télégraphe les avait devancés et, dès qu'ils débarquèrent, il fut saisi et emmené à toute vitesse hors de sa vue. Au bout d'un moment, des écoliers arrivèrent en courant et, à ses questions empruntes d'angoisse, ils répondirent: "Il est dans cette maison, au troisième étage." Harriet se précipita vers l'endroit. Des hommes tentaient de monter les escaliers. Les policiers tiraient des coups de feu vers le bas et deux hommes gisaient sur les marches, abattus.
Notre héroïne se précipita par-dessus leurs corps et, avec l'aide d'autres personnes, enfonça la porte de la pièce et traîna dehors le fugitif, qu'Harriet porta dans ses bras jusqu'en bas. Un homme qui passait à cheval s'arrêta pour demander ce que signifiait tout ce remue-ménage; lorsqu'il entendit l'histoire, il fut profondément ému; il sauta de son attelage en criant: "C'est un cheval de course, utilisez-le jusqu'à ce qu'il ne s'écroule." Le pauvre homme fut précipitamment embarqué; certains de ses amis sautèrent à bord à sa suite et roulèrent à toute vitesse vers Schenectady.
C'est l'histoire que Harriet raconta à l'auteur. Certaines personnes trouvèrent cette histoire trop incroyable pour être vraie et il fallut tenter de la corroborer. Le révérend Henry Fowler, qui se trouvait à Saratoga à ce moment-là, se porta volontaire pour se rendre à Troy afin de vérifier les faits.
Il rapporta avoir eu un long entretien avec M. Townsend, qui avait défendu l'esclave pendant le procès, et que celui-ci lui avait fait un "récit détaillé" qu'il mettrait par écrit la semaine suivante pour ce petit livre. Mais avant de pouvoir commencer son généreux travail, alors qu'il s'occupait avec bienveillance des prisonniers d'Auburn, il fut terrassé par la chaleur et fut longtemps incapable de travailler.
Ce brave homme décéda peu de temps après et le récit promis ne fut jamais écrit, mais M. Townsend m'envoya une déclaration que je copie ici:
Déclaration de Martin I. Townsend, Esq., de Troy, qui était l'avocat du fugitif Charles Nalle.
Nalle est un octavon; sa femme a le même sang caucasien. Elle était la fille de son maître et avait été élevée avec sa sœur dans sa famille, comme sa propre enfant. À la mort de leur père, les deux filles se marièrent et eurent de nombreuses enfants. En vertu des lois nationales très chrétiennes de la "vieille Virginie", ces enfants étaient les esclaves de leur grand-père. Le vieil homme mourut en laissant un testament dans lequel il affranchissait ses filles et leurs enfants et prévoyait l'achat de la liberté de leurs maris.
L'affranchissement des enfants et des petits-enfants prit effet, mais la succession était insuffisante pour racheter les maris de ses filles et les pères de ses petits-enfants. Les affranchis, en vertu d'une autre disposition chrétienne, "conservatrice" et "nationale" de la loi, furent contraints de quitter l'État, tandis que les maris esclaves restèrent en esclavage.
Nalle et son beau-frère furent autorisés pendant un certain temps à rendre visite à leurs familles en dehors de la Virginie environ une fois par an, mais ils finirent par recevoir l'ordre de se trouver de nouvelles épouses, car ils ne seraient plus autorisés à rendre visite à leurs anciennes épouses. C'est après cela que Nalle et son beau-frère partirent pour la terre de la liberté, guidés par la lumière constante de l'étoile polaire. Dieu merci, aucune des deux familles n'a plus à craindre un maître terrestre ou la gueule d'un chien de chasse à leurs trousses.
Nalle retourna à Troy avec sa famille vers juillet 1860 et y vécut avec eux pendant plus de sept ans. Ils résident tous aujourd'hui dans la ville de Washington, D.C. Nalle et sa famille sont des personnes aux manières raffinées et d'une grande respectabilité. Plusieurs de ses enfants sont roux, et un étranger ne découvrirait aucune trace de sang africain dans leur teint ou leurs traits. C'est le chef de cette famille que H. F. Averill avait proposé de condamner à retourner en exil et à une vie d'esclavage.
Lorsque Nalle fut conduit du bureau du commissaire Beach dans la rue, Harriet Tubman, qui se tenait parmi la foule en émoi, se précipita vers lui et, passant un bras autour de son bras menotté, le serra contre elle sans jamais lâcher prise pendant plus d'une demi-heure de lutte jusqu'au bureau du juge Gould, puis du bureau du juge Gould jusqu'au dock, où la libération de Nalle fut accomplie. Dans la mêlée, elle fut frappée à plusieurs reprises à la tête avec les matraques des policiers, mais elle ne lâcha pas prise un seul instant, encourageant Nalle et ses amis de sa voix et luttant contre les policiers jusqu'à ce qu'ils soient littéralement épuisés par leurs efforts et que Nalle soit séparé d'eux.
Certes, elle avait des aides solides et sincères dans sa lutte, dont certains avaient le visage blanc et le cœur humain, et qui sont maintenant au ciel. Mais elle s'exposa sans crainte à la fureur des partisans de l'esclavage et endura leurs coups sans broncher. Harriet traversa la rivière avec la foule, dans le bac, et lorsque les hommes qui avaient mené l'assaut contre la porte du bureau du juge Stewart furent abattus, Harriet et plusieurs autres femmes de couleur se précipitèrent sur leurs corps, sortirent Nalle et le mirent dans le premier chariot qui passait, puis le mirent en route vers l'Ouest.
Une équipe dynamique, conduite par un homme de couleur, fut immédiatement envoyée pour relever l'autre, et Nalle ne fut plus revu à Troy jusqu'à ce qu'il ne revienne en homme libre, racheté à son maître. Harriet disparut également, et la foule se dispersa. Comment elle s'était retrouvée à Troy ce jour-là est un mystère pour nos citoyens, tout comme l'endroit où elle se cacha après le sauvetage. Mais sa lutte fut vue par un millier, voire cinq mille spectateurs.