Feu de Saint Antoine

Définition

John Horgan
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 17 juillet 2020
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Disponible dans ces autres langues: anglais, grec, italien
Sufferer of St. Anthony's Fire (by The Yorck Project, Public Domain)
Personne atteinte du feu de Saint Antoine
The Yorck Project (Public Domain)

Le feu de Saint-Antoine (FSA) est une maladie provoquée par l'ingestion de grains de seigle contaminés par un champignon et provoquant un empoisonnement à l'ergot (ergotisme). Le nom commun de la maladie provient des moines bénédictins médiévaux qui se consacraient à ce saint et offraient un traitement aux malades, en utilisant parfois des reliques du saint. L'élément "feu" fait référence à la sensation de brûlure que les malades ressentent souvent aux extrémités du corps. Le FSA est moins connu que la peste noire, mais il était constamment présent tout au long du Moyen Âge. Aucun chiffre n'est disponible pour indiquer le nombre de personnes ayant succombé au FSA, mais lors d'un seul incident, une épidémie en France en l'an 994, la maladie causa de 20 000 à 40 000 décès dans tout le pays. Le FSA, avec ses symptômes fréquents de gangrène, de convulsions, de plaies et même d'hallucinations, était un fléau pour la société médiévale, et contribua à compliquer l'existence souvent misérable de nombreuses personnes.

Saint Antoine (251 - 356 de notre ère)

Fondateur du monachisme chrétien et saint patron des fossoyeurs, saint Antoine (alias Antoine le Grand) naquit au sein d'une une famille noble mais, à l'âge de 25 ans, il fit don de tous ses biens aux pauvres en suivant les conseils de saint Matthieu. Il se retira dans une région désertique d'Égypte, le long du Nil, près de la montagne de Pispir (aujourd'hui Der-el-Memum), où il vécut dans la solitude de 286 à 305 de notre ère. On raconte que, tout en menant une vie de moine, il lutta contre le diable en résistant à la tentation ; ces récits seraient plus tard intégrés à la théologie chrétienne.

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Les foyers épidémiques étaient dus à l'augmentation des quantités de seigle cultivées et à l'augmentation du nombre de personnes consommant de la farine de seigle contaminée.

En l'honneur de la vie et des combats de saint Antoine, l'ordre des Hospitaliers de saint Antoine fut créé en l'an 1100 à Grenoble, en France. Un centre fut créé pour soigner les personnes atteintes d'ergotisme. Les murs de l'hôpital étaient peints en rouge pour imiter la sensation de brûlure ressentie par les personnes souffrant de la maladie. Les moines portaient des robes noires ornées d'une croix bleue. D'autres hôpitaux furent fondés dans toute l'Europe médiévale pour venir en aide à d'autres malades. Le principal traitement pratiqué dans les hôpitaux consistait à nourrir les malades avec des céréales exemptes de spores d'ergot.

La maladie

Le feu de Saint-Antoine, également appelé "feu sacré" ou "feu interne", était une maladie courante au Moyen Âge. Des vagues épidémiques se produisirent tout au long de cette période, rendant malades des millions de personnes et faisant des dizaines de milliers de victimes. Ces foyers épidémiques étaient dues à l'augmentation des quantités de grains de seigle cultivés et au nombre croissant de personnes consommant de la farine de seigle contaminée. Les personnes malades étaient empoisonnées par un champignon de l'ergot de seigle, Claviceps purpurea. Ce champignon particulier se développait sur le seigle, un ingrédient majeur dans la fabrication du pain. Ce n'est qu'en 1596 qu'un médecin allemand, Wendelin Thelius, établit un lien entre le champignon de l'ergot et le seigle. Le champignon n'était cependant pas inconnu. En 1582, un autre médecin allemand, Adam Loncier, décrivait l'utilisation de petites doses (3 grains) d'ergot de seigle pour produire de fortes contractions pendant le travail des femmes enceintes

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Saint Anthony
Saint Antoine
Francisco de Zurbarán (Public Domain)

En tant que plus ancienne maladie végétale répertoriée, la première mention de l'ergot remonte à 1100 av. J.-C. dans des écrits chinois détaillant son utilisation en obstétrique. Une tablette cunéiforme assyrienne, datée de 600 avant notre ère, décrit des pustules sur des grains. La première épidémie documentée d'empoisonnement à l'ergot de seigle se produisit dans la région de l'Aquitaine en France en 944-945. Au cours de cette première épidémie, près de 20 000 personnes moururent. Une deuxième épidémie, 40 ans plus tard, entraîna près de 40 000 décès.

En l'absence de traitement, la circulation sanguine dans les extrémités de la personne infectée est limitée, ce qui provoque des sensations de brûlure.

Symptômes

L'ergotisme est une maladie causée par des grains de seigle moisis contenant de l'ergotamine, un champignon. L'ergotisme présente deux caractéristiques principales : la gangrène (dans l'ergotisme chronique) ou les convulsions (dans l'ergotisme aigu). La composition chimique de l'intoxication à l'ergot de seigle fait souvent paraître les personnes touchées "folles". Si elle n'est pas traitée, la circulation sanguine dans les extrémités de la personne infectée est limitée, ce qui provoque des sensations de brûlure, tandis qu'à un stade plus avancé, la gangrène s'installe, entraînant la perte des doigts, des orteils, des mains et des pieds. Hallucinations, agitation, plaies, crampes musculaires, nausées, insomnies et convulsions sont d'autres symptômes de l'ergotisme. Cette affection peut être à l'origine des "épidémies dansantes". Les épidémies dansantes (également appelées pestes dansantes ou tarantisme) se produisirent entre le 14e et le 17e siècle. Diverses chroniques médiévales décrivent des groupes de personnes se livrant à ce comportement parfois pendant des mois. Ces danses semblaient être involontaires et étaient peut-être le résultat d'un empoisonnement à l'ergot de seigle, d'esprits vengeurs, de peurs surnaturelles, de la morsure d'une tarentule ou d'un scorpion et de la détresse de la pauvreté et des difficultés de la vie quotidienne combinées aux occurrences de catastrophes naturelles. Ces symptômes, surtout au début de l'empoisonnement, amenèrent les gens à confondre l'affliction avec la peste bubonique.

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Attitudes et religion

De nombreuses personnes associaient les symptômes et la maladie à une entrée en enfer. C'est pourquoi, au début du Moyen Âge, la religion et la foi jouèrent un rôle important dans la lutte contre la maladie. L'effondrement des institutions de l'Empire romain en Occident permit à l'Église catholique de dominer la société, y compris la pratique de la médecine. Au Moyen Âge, les attitudes et les approches de la guérison des malades devinrent une combinaison de l'orthodoxie chrétienne, de la superstition et des textes médicaux grecs et romains.

L'Église déclara que la maladie était le résultat du péché. La souffrance était acceptée comme faisant partie de la vie. Les cures et les traitements reflétaient souvent un mélange de notions ignorantes issues de l'Antiquité, du destin et du plan de Dieu pour l'humanité. La tradition grecque consistant à maintenir un équilibre entre les quatre humeurs - bile jaune, flegme, bile noire, sang - ainsi que les choix alimentaires et les positions de la lune et des autres corps célestes influençaient la plupart des diagnostics et des traitements. Les plantes, en particulier les herbes et les fleurs, offraient aux médecins un remède pour soigner les affligés. L'Église médiévale soutenait qu'une telle approche reflétait la promesse de Dieu de fournir un remède approprié pour chaque affliction.

Saint Anthony, Isenheim Altarpiece
Saint Antoine, retable d'Isenheim
Stefano Merli (CC BY-SA)

En termes d'hôpitaux ou d'autres institutions pour traiter les malades, c'est Charlemagne (742-814) qui exigea que les cathédrales et les monastères construisent des hôpitaux et des écoles pour enseigner la médecine. Jusqu'en 1300, les monastères fournissaient l'essentiel des soins aux malades et aux pauvres en suivant les règles de saint Benoît qui donnaient la priorité aux soins des malades avant toute autre activité. Il était courant de trouver différents saints associés aux hôpitaux auxquels les patients et les moines faisaient appel dans l'espoir d'une guérison. Divers ordres militaires (Chevaliers Hospitaliers) et non militaires (Ordre du Saint-Esprit, Ordre de Saint-Jean-de-Dieu) créèrent des hôpitaux dans toute l'Europe et dans le monde méditerranéen pour soigner les soldats, les pèlerins et les pauvres.

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Traitements

Il n'est guère surprenant que, dans leur lutte contre le FSA, les moines bénédictins aient eu recours à des reliques de saint Antoine pour aider les malades, affirmant que ces reliques constituaient un remède divin. Cette approche fut validée par Guérin la Valloire, un noble français, au 11e siècle, qui affirmait que les reliques avaient permis de guérir sa propre maladie. Avec son père, Guérin fonda l'hôpital des Frères de Saint-Antoine en 1095 pour s'occuper spécifiquement des personnes atteintes d'ergotisme. À la fin du 15e siècle, près de 400 hôpitaux avaient été établis par les Frères dans toute l'Europe. Les traitements comprenaient des onguents topiques à base de saindoux, appelés eau de Saint-Antoine, des plantes médicinales et le vin de Saint-Antoine (fabriqué à partir de raisins près de Vienne, où les reliques étaient entreposées). On pensait que le vin possédait des propriétés curatives miraculeuses. Aux 15e et 16e siècles, la maladie apparut dans toute l'Allemagne, l'Italie et les Flandres, où les personnes atteintes dansaient de manière incontrôlée. Connue sous le nom de danse de Saint-Antoine, la maladie était associée aux démons et au diable. Le feu de Saint-Antoine diminua dans toute la population européenne lorsque le blé commença à remplacer le seigle comme céréale principale dans l'alimentation des gens.

Dans le monde moderne, l'ergotisme est un fait rare. Les historiens ont débattu du rôle de l'ergotisme dans les symptômes présentés par les jeunes filles (hallucinations, sensations de brûlure et de piqûre) qui conduisirent aux accusations, aux procès et aux exécutions lors du procès des sorcières de Salem (1692-1693) dans l'Amérique coloniale. Au début du XIXe siècle, des mesures préventives furent mises en œuvre pour combattre et prévenir l'ergotisme : plantation de semences propres, promotion de pratiques standard dans les techniques de plantation et de récolte, rotation appropriée des cultures et fertilisation adéquate des semences pendant la période de croissance. Malgré le caractère mortel de l'ergotisme, l'ergot était utilisé pour aider à déclencher le travail pendant les grossesses difficiles (jusqu'à ce que des médicaments plus sûrs soient mis au point) et pour combattre les migraines. La science médicale contemporaine a également exploré l'utilisation de l'ergot pour traiter la démence et la maladie de Parkinson.

Représentations culturelles

La prévalence du feu de Saint-Antoine en tant que maladie dans la société incita les artistes médiévaux à inclure des représentations de cette souffrance dans leurs œuvres. Parmi les représentations les plus connues, citons la gravure de Martin Schongauer intitulée La tentation de saint Antoine (1470-75) et La tentation de saint Antoine de Hieronymus Bosch (1501). La plus belle œuvre d'art est sans doute le Retable d'Isenheim de Matthias Grünewald et Nicolas de Haguenau, créé entre 1512 et 1516 qui se trouve au musée Unterlinden de Colmar, en France. Il s'agit d'une pièce à plusieurs panneaux créée pour la chapelle d'un hôpital du monastère d'Isenheim qui soignait les victimes du FSA. Grünewald vécut pendant un certain temps avec l'ordre monastique de Saint-Antoine. L'artiste créa le retable comme une sorte de cadeau de remerciement pour les soins et le logement qu'il avait reçus des frères. Pièce d'art chrétien renommée, il présente Jésus au centre des panneaux de la crucifixion et de la résurrection, tout en mettant en évidence saint Antoine. Les deux individus sont censés représenter les idées d'espoir et de consolation. Le message global de l'œuvre exprime l'idée que la douleur peut rapprocher de Dieu le croyant qui souffre. Un examen plus approfondi du retable révèle que les doigts de saint Antoine ont une couleur bleutée, ce qui est souvent le signe que le patient souffre d'un problème vasculaire périphérique. Les spéculations suggèrent que saint Antoine souffrait du syndrome de Raynaud, une affection dans laquelle les parties externes du corps, en particulier les doigts et les orteils, s'engourdissent et se refroidissent parce que le sang est limité aux petites artères. Dans certains cas, le syndrome de Raynaud est également lié à l'ergotisme, cause du feu de saint Antoine.

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Bibliographie

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

John Horgan
Professeur adjoint d'histoire à l'Université Concordia-Wisconsin, aux États-Unis. Ses cours et ses recherches en cours portent sur les fléaux et les maladies, ainsi que sur l'alimentation dans l'histoire du monde.

Citer cette ressource

Style APA

Horgan, J. (2020, juillet 17). Feu de Saint Antoine [St. Anthony's Fire]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-19015/feu-de-saint-antoine/

Style Chicago

Horgan, John. "Feu de Saint Antoine." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le juillet 17, 2020. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-19015/feu-de-saint-antoine/.

Style MLA

Horgan, John. "Feu de Saint Antoine." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 17 juil. 2020. Web. 17 avril 2024.

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