Guerres d'Apostasie

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Définition

Syed Muhammad Khan
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 05 juin 2020
Disponible dans ces autres langues: anglais, indonésien
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Artistic Representation of the Rashidun Army (by Middle East Broadcasting Centre (MBC), Copyright, fair use)
Représentation artistique de l'armée de Rashidun
Middle East Broadcasting Centre (MBC) (Copyright, fair use)

Les guerres d'apostasie (alias guerres de ridda 632-633) furent une série d'engagements militaires entre les armées du califat Rashidun (632-661) et les tribus renégates d'Arabie. Les rebelles avaient renoncé à leur allégeance à l'empire islamique naissant après la mort du prophète islamique Mahomet (570-632), certains chefs de tribus étant même allés jusqu'à revendiquer la prophétie pour eux-mêmes, ce qui les mit en conflit avec l'islam et le califat. En un an, le califat cimenta son contrôle sur l'ensemble de l'Arabie en utilisant un puissant mélange de guerre active et de diplomatie ; tout signe de rébellion fut maîtrisé. Une fois le contrôle établi sur le territoire national, Abou Bakr lança des invasions réussies en Syrie et en Irak.

Prélude

La mort de Mahomet fut perçue par beaucoup comme une occasion de revenir au mode de vie préislamique, tandis que d'autres recherchèrent la gloire en se déclarant prophètes.

Après avoir établi une base à Médine en 622, le prophète de l'islam et premier souverain de la communauté musulmane, Mahomet, unifia la plupart des tribus arabes sous sa coupe en une décennie. Une foi commune et un sentiment national renforcèrent la cause de l'oumma (communauté) musulmane, qui se répandit rapidement dans la majeure partie de l'Arabie. La mort de Mahomet, en 632, fut toutefois perçue par beaucoup comme une occasion de revenir à leur mode de vie tribal préislamique, tandis que d'autres cherchèrent à obtenir la même gloire en se déclarant prophètes. De son vivant, Mahomet avait clairement affirmé qu'il était le dernier d'une longue série de messagers d'Allah (Dieu), et donc, pour les musulmans, ces personnes étaient des imposteurs.

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La question de gouvernement faisait l'objet d'un débat acharné. Alors que beaucoup souhaitaient revenir au système de gouvernement local de l'époque préislamique, d'autres, comme Abou Bakr (573-634), un proche compagnon du Prophète, ne voulaient pas que ses efforts aient été vains. Un autre groupe mettait en avant la revendication d'Ali ibn Abi Talib (601-661), cousin et gendre du Prophète, pour la direction de la communauté. Cette impasse, qui persista pendant un certain temps et aurait pu aller dans un sens ou dans l'autre (gouvernement centralisé comme à l'époque du Prophète ou décentralisation de la période préislamique), fut rompue lorsque Omar ibn al-Khattâb (584-644), un musulman réputé, donna ouvertement son allégeance à Abou Bakr en public et déclencha un phénomène de boule de neige. Abou Bakr, qui obtint très vite le soutien de la population, se proclama premier Khalifa (calife ; ce qui signifie adjoint) du Prophète et chef suprême de l'Islam, le premier des califes Rashidun (titre accordé aux quatre premiers par les musulmans sunnites).

Prophetic Mosque in Medina, Ottoman Era
Mosquée du Prophète, Époque Ottomane
Unknown (GNU FDL)

Bien que les Arabes de la riche région du Hedjaz aient offert leur soutien total, Abou Bakr ne réussit pas à étendre son autorité sur les différentes tribus bédouines qui habitaient la péninsule. Ces gens détestaient les règles centralisées et ne souhaitaient pas faire partie d'une nation qu'ils n'avaient pas contribué à construire. Au moment même où il prenait ses fonctions, Abou Bakr envoya un corps expéditionnaire pour effectuer quelques raids mineurs dans le territoire Ghassanide (vassal byzantin) aux confins de la Syrie en représailles d'une défaite antérieure lors de la bataille de Mu'tah (629). Au moment du départ de cette force, le nouveau dirigeant avait également une rébellion totale sur les bras.

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Causes de la rébellion

Les tribus arabes rebelles déclarèrent que leur pacte avec Mahomet était de nature personnelle et qu'elles ne se sentaient aucunement obligées de servir le nouvel empire ; elles refusèrent de soumettre leur collecte de la zakat (aumône payable par tous les musulmans ayant une certaine situation financière) à Médine. Ces personnes furent qualifiées d'apostats et Abou Bakr lança rapidement un djihad contre elles (guerre sainte - contextuellement) afin de ramener la région à l'ordre. Les motifs socio-économiques et politiques des guerres d'apostasie peuvent être résumés comme suit :

  • Divers individus, chacun soutenu par les membres de sa tribu, commencèrent à déclarer leur propre prophétie, alors que Mahomet avait clairement déclaré la finalité de sa mission et avait même prédit la montée de tels imposteurs.
  • Les communautés autonomes souhaitaient conserver leur indépendance et refusaient d'être une petite partie d'une plus grande communauté, quels que soient les avantages qu'elles pouvaient en retirer. Le Yémen, par exemple, fit le premier pas en se déclarant indépendant de la communauté islamique et de l'influence perse de l'Empire sassanide.
  • Les Arabes avaient vécu en mode tribal pendant longtemps et n'avaient aucun sens du nationalisme ou de fierté nationale ; un changement aussi soudain fut sans doute choquant pour certains.
  • Un petit sous-ensemble de ces rebelles étaient les partisans d'Ali qui refusaient tout simplement de prêter allégeance à quelqu'un d'autre que lui, mais en raison d'un mauvais timing, ils se mêlèrent aux apostats et aux rebelles.

Bien que ces personnes n'aient pas toutes désapprouvé leur foi, leur rébellion représentait une menace imminente pour l'Islam, et l'utilisation du terme "apostat" dans un sens politique, en plus du sens religieux, est donc compréhensible. Les plus dangereux de ces groupes étaient ceux dirigés par des prophètes imposteurs, dont le plus fort était Musaylima (mort en décembre 632), "l'archi-menteur" comme l'appellent les musulmans. Abou Bakr, qui était un ami proche et un compagnon loyal de Mahomet, ne pouvait pas permettre que la foi de son prophète soit déformée en différentes versions, et sa décision de recourir principalement à l'action militaire pour écraser cette rébellion pourrait donc avoir eu des raisons sentimentales mêlées à des raisons pratiques.

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Soumission des renégats

L'une après l'autre, les tribus rebelles furent soumises, soit par les armes, soit par la diplomatie, et en un an, la menace avait été réduite au minimum.

Médine se dressa en tant que seul bastion de l'Islam, comme à l'époque du Prophète, mais cette fois-ci, elle bénéficia de soutiens divers. Au retour des troupes musulmanes du royaume des Ghassanides, Abou Bakr rassembla ses partisans et les appela à se battre pour une Arabie unifiée. Les armées rassemblées sous la bannière du djihad furent divisées en onze corps, chacun destiné à la soumission d'une région particulière. Si le calife avait utilisé une seule grande armée pour combattre les tribus désunies une par une, il aurait laissé Médine exposée à l'attaque de ses ennemis, mais en les engageant simultanément, non seulement il les empêchait de riposter, mais il les isolait.

L'une après l'autre, les tribus rebelles furent soumises, soit par les armes, soit par la diplomatie, qui avait toujours été le point fort d'Abou Bakr, et en un an, la menace avait été réduite au minimum. Al-Yamâma , dans la province de Nedjd, continuait cependant à représenter une menace sérieuse. Là, Musaylima de la tribu Bani Hanifa, tirant les leçons des erreurs de ses contemporains, s'était allié par mariage avec une autre fausse prophétesse nommée Sajâh et avait amassé de nombreux partisans. Deux commandants, Ikrimah et Shuhrabil, l'un après l'autre, furent envoyés pour tenir Musaylima à distance avec des instructions de ne pas s'engager jusqu'à ce qu'on ne leur ordonne; les deux chefs, cependant, cédèrent à leur témérité et furent vaincus.

À ce stade, alors qu'une aura d'invincibilité entourait l'imposteur, Abou Bakr envoya son meilleur commandant. Khalid ibn al-Walid (m. 642) était un fidèle subordonné d'Abou Bakr et contribua à assurer sa domination sur les tribus rebelles de la péninsule où il employa souvent des mesures sévères pour les soumettre, ce qui lui fut reproché par la suite. Son plus grand défi dans la guerre fut de vaincre les forces de Musaylima qui étaient beaucoup plus nombreuses que les siennes, mais ses tactiques ne lui firent jamais défaut et, comme il était sur le point de le montrer, il n'était pas étranger à l'art de renverser le cours d'une bataille. C'est lui qui, en 625, alors que la nation islamique de Médine était en guerre contre la Mecque, avait infligé aux musulmans une défaite cuisante à la bataille de Uhud, en tant que commandant de cavalerie mecquois. Sa conversion, plus tard, devint une victoire pour l'Islam; ses services militaires, étendus à la cause islamique, lui valurent le titre de Saif Allah, qui signifie "l'épée de Dieu".

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Khalid ibn al-Walid's Campaign in Arabia
Campagne de Khalid ibn al-Walid en Arabie
Mohammad adil (GNU FDL)

Il est difficile de séparer les faits des mythes concernant l'engagement décisif de Al-Yamâma (décembre 632), car il n'existe pas de documents contemporains, mais les pertes en vies humaines furent importantes. Les musulmans étaient largement supérieurs en nombre si l'on en croit les sources, et la bataille donna lieu à de nombreux massacres des deux côtés ; le site fut nommé plus tard Shueib ud-Dam (vallée du sang). Après de nombreux combats, l'armée de l'imposteur fut réduite à un quart de sa force initiale et, lorsque Musaylima tomba sur le champ de bataille, le reste de ses forces fut immédiatement mis en déroute et Khalid prit le contrôle de la ville. La guerre se poursuivit pendant quelques mois après cette victoire, mais l'issue était claire. Avec la soumission des derniers rebelles à Hadhramaout (Arabie méridionale) en mars 633, le calife pouvait soupirer de soulagement car il avait réussi à unir l'Arabie sous la bannière de l'islam.

Conséquences et conclusion

Abou Bakr utilisa un puissant mélange de guerre active et de diplomatie (en recherchant des alliances contre les rebelles) pour assurer son contrôle sur la péninsule arabique. Al-Muthanna ibn Haritha, un chef arabe local de la région irakienne, qui s'était rallié au calife, commença à faire des incursions dans les territoires sassanides et informa Abou Bakr de leur vulnérabilité, ce qui incita le calife à envoyer Khalid en Irak, où l'armée rashidun connut un grand succès.

Khalid ibn al-Walid's Invasion of Iraq
Invasion de l'Irak par Khalid ibn al-Walid
Mohammad Adil (GNU FDL)

Abou Bakr envoya également des forces de raid en Syrie, et sur les deux fronts, les raids se transformèrent en conquêtes rapides et permanentes. Khalid se rendit ensuite en Syrie sur ordre d'Abou Bakr, où il assura de multiples victoires au califat contre l'armée numériquement supérieure de l'Empire byzantin, notamment à Ajnadayn (634) et à la bataille de Yarmouk (636).

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L'unification de la nation arabe avait été la mission de Mahomet et, pendant les guerres d'apostasie, Abou Bakr veilla à son accomplissement. Pour garantir leur bonne conduite, Abou Bakr fit des prisonniers parmi les tribus soumises, mais ne tenta pas de les punir. Ces personnes furent libérées lorsque Omar (r. de 634 à 644), son successeur, prit ses fonctions. Après la guerre, la société devint politiquement stratifiée : les partisans du califat faisaient partie de l'élite dirigeante ; ceux qui restaient neutres étaient tenus à l'écart du cercle dirigeant ; la position la plus basse, en revanche, était celle des rebelles châtiés.

Les guerres d'apostasie virent s'épanouir le talent d'Abou Bakr qui se révéla être un leader capable grâce à sa nature résolue et calme. Il exploita la désunion de ses ennemis pour les isoler et les soumettre, et par ses actes, assura sa position qui devint incontestée par la suite. La perte d'effectifs à Al-Yamâma, dont la plupart étaient des huffaz (singulier : hafiz, signifiant protecteur ; contextuellement - ceux qui mémorisent le Coran par cœur), incita Abou Bakr à ordonner la compilation du Saint Coran, sur l'ordre d'Omar. Au lendemain de sa mort, en 634, Abou Bakr avait laissé un empire à peine né, que les futurs souverains allaient continuer à étendre et à agrandir.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Syed Muhammad Khan
Muhammad est biologiste, passionné d'Histoire et écrivain indépendant. Il contribue activement à l'Encyclopédie depuis 2019.

Citer cette ressource

Style APA

Khan, S. M. (2020, juin 05). Guerres d'Apostasie [Ridda Wars]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18661/guerres-dapostasie/

Style Chicago

Khan, Syed Muhammad. "Guerres d'Apostasie." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le juin 05, 2020. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18661/guerres-dapostasie/.

Style MLA

Khan, Syed Muhammad. "Guerres d'Apostasie." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 05 juin 2020. Web. 12 déc. 2024.

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