Les Métiers du Moyen Âge

Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 06 décembre 2018
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Disponible dans ces autres langues: anglais, afrikaans, portugais, espagnol
Medieval Baker & Apprentice (by Unknown Artist, Public Domain)
Boulanger et apprenti du Moyen-Âge
Unknown Artist (Public Domain)

De nombreux métiers à l'époque médiévale étaient essentiels au bien-être quotidien de la communauté et ceux qui avaient acquis une compétence par l'apprentissage pouvaient s'attendre à gagner un revenu plus élevé et plus régulier que les agriculteurs ou même les soldats. Des professionnels tels que les meuniers, les forgerons, les maçons, les boulangers et les tisserands se regroupaient par métier pour former des guildes qui cherchaient à protéger les droits de leurs membres, à garantir des prix équitables, à maintenir les normes de l'industrie et à empêcher toute concurrence illicite. Alors que les petites villes se développaient en villes de taille plus conséquente à partir du XIe siècle, les métiers se diversifièrent et les rues commerçantes médiévales commencèrent à s'enorgueillir de toutes sortes de travailleurs qualifiés et de leurs marchandises, des selliers aux orfèvres et tanneurs en passant par les tailleurs. Naturellement, les métiers et les pratiques commerciales varièrent au fil du temps et selon le lieu, tout au long du Moyen Âge. Voici donc un aperçu général de certaines des caractéristiques communes et intéressantes des métiers en Europe médiévale.

Apprentissage

De nombreux enfants apprenaient le métier de leurs parents en observant de façon informelle et en aidant aux menues tâches, mais il y avait aussi des apprentissages complets, payés par les parents, où les jeunes vivaient avec un ouvrier qualifié ou un maître et apprenaient leur métier. Très souvent, le maître qui prenait un apprenti assumait également le rôle de parent, fournissant tous ses besoins et son orientation morale, tandis qu'à son tour, l'apprenti devait obéir à son maître dans tous les domaines. Un apprenti n'était habituellement pas rémunéré, mais recevait nourriture, logement et vêtements. Les garçons et les filles devenaient généralement des apprentis dès le début de l'adolescence, mais parfois aussi dès l'âge de sept ans lorsqu'ils entreprenaient la longue route pour apprendre un métier particulier. Il y eut de nombreux cas d'apprentis qui prirent la fuite et des règles furent établies selon lesquelles le maître et le père de l'apprenti devaient passer une journée chacun à chercher le jeune disparu. Il y avait un délai d'un an, après quoi le maître n'était plus obligé d'accepter l'évadé comme apprenti.

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Un apprenti se qualifie habituellement en produisant un «chef-d'œuvre» qui démontrait ses compétences acquises.

La durée de l'apprentissage dépendait du métier et du maître (le bénéfice de travail gratuit était une tentation pour prolonger la formation aussi longtemps que possible) mais environ sept ans semble avoir été une bonne moyenne. Un apprenti cuisinier n'avait besoin que de deux ans de formation, alors qu'à l'autre bout du spectre, un métallurgiste comme un orfèvre pouvait apprendre son métier pendant dix ans avant de pouvoir s'établir à son compte. Un apprenti se qualifiait habituellement en produisant un «chef-d'œuvre» qui démontrait ses compétences acquises. L'acquisition du titre de maître coûtait de l'argent en plus des compétences, et un apprenti qualifié qui n'avait pas les moyens de se payer son propre établissement était connu comme compagnon car il voyageait habituellement et trouvait du travail auprès d'un maître avec des locaux là où ils pouvait.

Guildes médiévales

Une fois leur propre entreprise opérationnelle, à partir du XIIe siècle, les maîtres artisans devinrent membres de guildes. Ces organisations, gérées par un noyau de professionnels chevronnés connus sous le nom de maîtres de guildes, cherchaient à protéger les conditions de travail de leurs membres, à veiller à ce que leurs produits soient à un niveau de qualité élevé et à minimiser la concurrence extérieure. Des inspections régulières permettaient de s'assurer (du moins dans une certaine mesure) que les marchandises étaient exactement conformes à la publicité qui en était faite, que les mesures réglementaires et les poids étaient respectés, que les prix étaient corrects et que les membres ne se livraient pas à une concurrence déloyale. En imposant des règlements sur l'apprentissage, les guildes pouvaient également réglementer l'offre de main-d'œuvre et veiller à ce qu'il n'y ait pas trop de maîtres en même temps et que les prix de la main-d'œuvre et des biens ne s'effondrent pas.

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Winemakers, Zodiac Window Chartres
Les vignerons, vitrail du zodiaque, Chartres, France
Lawrence OP (CC BY-NC-ND)

Les femmes dans les métiers

Bien qu'il y ait eu très peu de guildes spécifiquement destinées aux femmes ou gérées par elles, et bien que la plupart des apprentis aient été des hommes et donc également leurs maîtres l'étaient, il y avait une minorité importante de femmes dans certains métiers. Les veuves, en particulier, jouaient un rôle important dans les métiers, car si elles n'avaient pas de proche parent masculin et qu'elles demeuraient célibataires, elles étaient autorisées à gérer les affaires de leur mari décédé. Il y avait cependant certaines restrictions; par exemple, elles n'étaient pas en mesure de former elles-mêmes un apprenti. Certains métiers tels que les volaillers de Paris permettaient à n'importe quelle femme en ayant les moyens de posséder sa propre entreprise, tandis que de nombreux métiers tels que la production de soie et les fabricants de voile étaient dominés par des ouvrières. Il existe donc des registres (notamment de cotisations fiscales) de toutes sortes de métiers gérés par des femmes, des dentellières aux bouchères.

Le Meunier

Chaque château ou manoir avait son propre moulin pour répondre aux besoins de son domaine, non seulement pour le grain des terres du seigneur, mais aussi pour les serfs qui étaient habituellement obligés de moudre leur grain au moulin du seigneur. Les moulins pouvaient être alimentés par le vent, l'eau, les chevaux ou les personnes. Un élément essentiel pour s'établir en tant que tel était une meule de bonne qualité qui ne s'userait pas rapidement, mais, malheureusement, c'était une marchandise coûteuse. La Rhénanie acquit une grande renommée pour la qualité des meules qu'elle produisait et l'une d'entre elles pouvait coûter jusqu'à 40 shillings ou l'équivalent de dix chevaux en Angleterre. Avec un investissement aussi lourd et parce qu'un château ou un manoir n'avait pas besoin d'utiliser son moulin très souvent (même si les grains moulus ne se conservaient pas très longtemps), le moulin était souvent loué à un meunier qui pouvait alors en tirer profit.

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Le meunier jouissait d'un statut social élevé dans la collectivité parce qu'il y était essentiel, qu'il avait un revenu stable et que ce n'était pas un travail désagréable à faire. Pourtant, parce qu'un meunier devait gagner de l'argent pour payer le loyer du moulin, il était parfois considéré avec méfiance par les autres villageois qui craignaient de ne jamais récupérer la quantité réelle de farine que leur grain avait produit. Une énigme médiévale commeçait ainsi:

Quelle est la chose la plus courageuse au monde ?

Une chemise de meunier, car elle serre un voleur à la gorge tous les jours.

( Gies, 155)

Le Forgeron

Au Moyen-Âge, les matériaux les moins coûteux étaient le bois et l'argile, mais certains articles nécessitaient du métal, généralement du fer, ce qui était beaucoup plus cher. Ainsi, le forgeron était aussi essentiel que le meunier pour toute communauté médiévale. Beaucoup d'outils agricoles avaient besoin de pièces de fer, ne fût-ce que pour leurs lames, et les forgerons étaient donc occupés à produire de nouveaux outils et à réparer les anciens. Les casseroles et les fers à cheval étaient d'autres produits recherchés auprès du forgeron à l'habileté quasi magique qui possédait la forge, le marteau et l'enclume. Cependant, telle était la nécessité médiévale de faire durer les choses aussi longtemps que possible qu'un forgeron de village ne pouvait pas gagner sa vie avec cette seule activité, et il avait aussi besoin d'une gamme impressionnante et coûteuse d'outils et d'équipements pour exécuter les commandes. Par conséquent, les forgerons héritaient habituellement de l'entreprise de leurs pères et beaucoup cultivaient également des terres pour pouvoir joindre les deux bouts. Un forgeron dans un manoir ou un château était mieux placé car il pouvait recevoir gratuitement du charbon de bois fabriqué à partir des arbres de la forêt du seigneur et bénéficier d'un ou de deux serfs du seigneur qui travaillaient sa petite parcelle de terres agricoles pendant qu'il était occupé avec son marteau et ses pinces.

Il pouvait arriver que les boulangers complétent la teneur en farine du pain avec quelque chose d'un peu moins cher comme le sable.

Le Boulanger

Avec le pain constituant une partie si importante du régime médiéval, surtout pour les classes inférieures, les boulangers étaient un autre exemple de commerçant toujours présent mais ils étaient, pour la même raison, l'un des plus réglementés. Des inspections régulières, du moins dans les villes, permettaient de garantir que les boulangers servaient la qualité, la taille et le poids conforme des pains. Pour cette raison, le pain était typiquement estampillé d'une marque d'identification de celui qui l'avait cuit. Malgré ces précautions, il pouvait arriver que les boulangers complétent la teneur en farine du pain avec quelque chose d'un peu moins cher comme le sable. Ceux qui tentaient d'escroquer leurs clients et qui étaient pris en flagrant délit se retrouvaient souvent enchaînés à un pilori avec le pain incriminé attaché autour du cou. Pour que le pain frais soit disponible le matin, les boulangers étaient l'un des rares commerçants autorisés à travailler la nuit.

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Medieval Butcher
Boucherie médiévale
Unknown Artist (Public Domain)

Le Boucher

Le boucher préparait des morceaux de choix de porc, de mouton et de bœuf ainsi que de volaille et de gibier. Vendant une marchandise coûteuse et occupant la partie la plus sale et la plus malodorante de la ville, les bouchers se trouvaient tout en bas de l'échelle avec les marchands de poisson en terme de popularité parmi les consommateurs urbains. En outre, comme avec les boulangers, beaucoup de gens se méfiaient de ce qu'un boucher mettait dans ses saucisses pour économiser de l'argent. Une blague racontait:

Un homme demande un rabais à son boucher parce qu'il est bon client depuis plus de sept ans. « Sept ans ! » s'écrie le boucher. « Et tu es toujours en vie ! »

( Gies, 49)

Pour maintenir la confiance des consommateurs, des règles supplémentaires furent imposées par la guilde des boucheries qui interdisaient la vente de viande provenant d'animaux tels que les chats, les chiens et les chevaux, ainsi que l'interdiction de mélanger le suif et le saindoux.

De nombreux métiers furent regroupés dans certaines zones des villes afin que les guildes puissent mieux réglementer leurs membres.

Le Tisserand

Beaucoup de paysannes filaient le fil chez elles et le vendaient ensuite à un tisserand, qui était habituellement un homme. Bien que certaines femmes aient continué à tisser sur un métier à tisser droit, au Haut Moyen Âge, le tissage était généralement fait à plus grande échelle par un tisserand qualifié utilisant un métier horizontal bien trop coûteux pour les poches d'un paysan. L'Angleterre et le Pays de Galles jouissaient d'une grande réputation pour leur laine à l'époque médiévale tandis que la Flandre devint un centre majeur de production de tissus de laine. La laine était lavée pour enlever la graisse, puis séchée, battue, peignée et cardée. La laine était ensuite filée et travaillée sur le métier à tisser pour fabriquer un tissu rugueux qui était ensuite foulé (trempé, rétréci puis généralement teint), parfois à l'aide d'un moulin à eau ou foulé aux pieds. Le tissu était ensuite cisaillé et brossé, peut-être plusieurs fois, afin de produire un tissu très fin et lisse.

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Les Constructeurs

Tout le monde avait besoin d'un toit au-dessus de la tête. Au fur et à mesure que les sociétés devenaient plus prospères, les villes s'aggrandirent et les techniques de construction s'améliorèrent à partir du XIIIe siècle, en conséquence de quoi les gens privilégièrent des maisons plus grandes et de meilleure qualité pour y vivre. Les paysans prospères souhaitaient améliorer leurs maisons traditionnelles faites de boue et de bois tandis que les seigneurs voulaient impressionner avec des manoir qui pouvaient ressembler au château que la plupart d'entre eux ne pouvaient pas se permettre. Par conséquent, de nombreux nouveaux métiers spécialisés apparurent pour prendre part à chaque facette de la construction d'un bâtiment, tels que les maçons, les carreleurs, les charpentiers, les chaumiers, les verriers et les plâtriers. Les charpentiers, en particulier, participaient également à l'entretien des maisons et d'autres structures comme les granges, les greniers, les églises et les ponts.

Au sommet de la profession de construction se trouvaient le maître constructeur et le maître maçon, qui avaient tous deux besoin d'être qualifiés en mathématiques et en géométrie pour créer leurs modèles et réaliser les plans en parchemin à desquels les travailleurs moins qualifiés dépendaient afin que les pièces réelles d'un bâtiment s'intègrent correctement ensemble. Comme ils levaient rarement le petit doigt, ils devaient aussi être de bons gestionnaires de cette grande équipe de travailleurs qualifiés sous leur commandement sur des projets spécifiques, en particulier les plus grands comme la construction d'un château ou d'une église.

Medieval Spice Merchant
Marchand d'épices du Moyen-Âge
Lawrence OP (CC BY-NC-ND)

Commerçants de Ville

Les grandes villes, bien sûr, comptaient des gens de métier particulièrement nombreux et diversifiés. Il y avait des tailleurs, des drapeurs, des teinturiers, des selliers, des fourronniers, des tanneurs, des armuriers, des fabricants d'épées, des fabricants de parchemin, des vanniers, des orfèvres et, de loin, le plus grand secteur industriel, toutes sortes de vendeurs alimentaires. Beaucoup de ces métiers pouvaient être regroupés dans certaines zones des villes afin que les guildes puissent mieux réglementer leurs membres ou attirer des visiteurs comme par exemple près des portes de la ville ou parce qu'une zone particulière était traditionnellement destinée à un métier précis (comme le quartier Notre-Dame à Paris pour les livres, ce qu'il est encore aujourd'hui).

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Les Médecins

Les médecins du Moyen-Âge, du moins à la fin de la période, apprenaient leur expertise dans une université et jouissaient d'un statut élevé, mais leur rôle pratique dans la société se limitait au diagnostic et à la prescription. Un patient était effectivement traité par un chirurgien et recevait les médicaments préparés par un apothicaire, tous deux considérés des métiers parce qu'ils avaient acquis leurs compétences par le biais du système d'apprentissage. Comme un chirurgien pouvait être fort coûteux, nombre de personnes issues de la classe la plus pauvre présentaient leurs petits problèmes physiques à une option beaucoup moins chère: le barbier du coin. Lorsqu'il ne coupait pas les cheveux et ne taillait pas les moustaches, le barbier effectuait des petits actes chirurgicaux et arrachait également les dents. Les pauvres pouvaient aussi avoir recours aux compétences d'un revendeur de remèdes populaires qui dispensait des conseils et des lotions basées sur des remèdes traditionnels et naturels qui, malgré leurs origines douteuses, devaient fonctionner dans une certaine mesure car ils continuèrent leur pratique tout au long du Moyen Âge.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2018, décembre 06). Les Métiers du Moyen Âge [Medieval Trades]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-17647/les-metiers-du-moyen-age/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Les Métiers du Moyen Âge." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le décembre 06, 2018. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-17647/les-metiers-du-moyen-age/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Les Métiers du Moyen Âge." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 06 déc. 2018. Web. 18 avril 2024.

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