Les contes de Glooscap sont des légendes des nations algonquines orientales de la Confédération Wabanaki - les Abénaqui, les Mi'kmaq, les Passamaquoddy, les Penobscot et les Wolastoqiyik - mettant en scène l'entité surnaturelle Glooscap, qui est décrite tantôt comme un dieu, tantôt comme un personnage rusé. Les contes de Glooscap sont encore racontés aujourd'hui dans ces communautés, ainsi que dans d'autres.
Les contes de Glooscap présentent souvent des similitudes avec les contes de Coyote des Apaches, les contes de Wihio des Cheyennes, les contes de Nih'a'ca des Arapahos, les contes d'Iktomi des Sioux et ceux de nombreux autres peuples autochtones d'Amérique du Nord. Glooscap est généralement dépeint comme extrêmement puissant et, contrairement aux autres, comme un dieu créateur doté d'un pouvoir incroyable. Il est également le plus souvent représenté comme une force du bien ultime et de la justice cosmique - par opposition à son jeune frère, Malsumsis, le Loup, champion du désordre - contrairement aux autres figures mentionnées ci-dessus, qui sont présentées uniquement comme des figures de filou. Glooscap, héros culturel, a exercé une influence considérable sur les gens qui racontaient ses histoires, et plusieurs sites de la région de la Confédération Wabanaki lui sont associés. La Première nation Glooscap des Mi'kmaq est nommée en son honneur. L'universitaire Jennifer Atwin commente:
Les histoires de Glooscap servaient à enseigner les valeurs, les traditions et les modes de vie. Étant donné que les cultures des Abénaquis étaient contenues dans la langue et les traditions, les histoires de Glooscap étaient probablement omniprésentes dans leur vie quotidienne.
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Les contes de Glooscap divertissaient tout en transmettant des valeurs culturelles essentielles. Dans Glooscap's Gifts (Les cadeaux de Glooscap), par exemple, la valeur de l'humilité est soulignée, et ce même thème est exploré, de façon comique, dans Glooscap and the Baby (Glooscap et le bébé), où le grand Glooscap se rend compte qu'il ne peut pas plier un enfant à sa volonté.
Texte
Le texte suivant est extrait de The Algonquin Legends of New England or Myths and Folklore of the Micmac, Passamaquoddy, and Penobscot Tribes de Charles Godfrey Leland (How Glooscap Made Elves Fairies, Man and Beasts, and the Last Day et Glooscap's Great Deeds) et de Myths of the North American Indians de Lewis Spence (Glooscap's Gifts et Glooscap and the Baby). Les deux premiers contes sont attribués aux Passamaquoddy, les derniers ne sont pas attribués mais sont racontés par les tribus de la confédération Wabanaki ainsi que par d'autres nations amérindiennes.
Comme le fait remarquer Atwin, Leland avait une compréhension assez médiocre de la culture abénaqui et les commentaires de Spence sur les mythes et légendes amérindiens sont également contestés par les chercheurs modernes, mais, malgré tout, ils ont préservé, en anglais, les contes des peuples amérindiens qu'ils côtoyaient à une époque où la politique du gouvernement américain visait à les éliminer. Bien que des écrivains comme Leland et Spence commentent souvent de manière inappropriée, voire incorrecte, les croyances et les coutumes des Autochtones, leur œuvre conserve une valeur historique, non seulement parce qu'elle préserve les mythes et les légendes des nations amérindiennes, mais aussi parce qu'elle illustre clairement la manière dont les Européens et les Euro-Américains considéraient les peuples autochtones d'Amérique du Nord à l'époque où ces hommes écrivaient.
Comment Glooscap a créé les elfes, les fées, les hommes et les bêtes, et le dernier jour
Glooscap arriva tout d'abord dans ce pays, en Nouvelle-Écosse, dans le Maine, au Canada, sur la terre des Abénaquis, près du lever du soleil. Il n'y avait pas d'Indiens ici à l'époque (seulement des Indiens sauvages très loin à l'ouest).
Les premiers nés furent les Mikumwess, les Oonabgemessũk, les petits Elfes, les petits hommes, les habitants des rochers.
Et c'est ainsi qu'il fit l'Homme: il prit son arc et ses flèches et tira sur les arbres, les arbres à paniers, les Frênes. Des Indiens sortirent alors de l'écorce des frênes. Le Mikumwess dit alors ... ... appelé l'homme-arbre. ... . . [Glooscap a fabriqué tous les animaux. Il les fit d'abord très grands. Puis il dit à l'orignal, le grand orignal qui était aussi grand que Ketawkqu, [un géant]: "Que ferais-tu si tu voyais un Indien arriver? L'orignal répondit: "J'abattrais les arbres sur lui." Glooscap vit que l'orignal était trop fort et le rendit plus petit pour que les Indiens puissent le tuer.
Puis il dit à l'Écureuil, qui avait la taille d'un Loup: "Que ferais-tu si tu rencontrais un Indien?" L'écureuil répondit: "Je gratterai les arbres pour qu'ils lui tombent dessus." Glooscap dit alors: "Toi aussi, tu es trop fort", et il le rendit petit.
Il demanda ensuite au grand Ours blanc ce qu'il ferait s'il rencontrait un Indien, et l'Ours répondit: "je le mangerai." Le maître lui dit d'aller vivre parmi les rochers et la glace, là où il ne verrait pas d'Indiens.
Il interrogea toutes les bêtes, changeant leur taille ou leur vie en fonction de leurs réponses.
Il prit un plongeon huard pour être son chien; mais le Plongeon s'absenta tellement qu'il choisit pour ce service deux loups, l'un noir et l'autre blanc. Mais les Plongeons huards sont toujours ses porteurs de contes.
Il y a de nombreuses années, un homme qui vivait très loin dans le Nord voulait traverser une baie, sur une grande distance, pour se rendre d'un point à un autre. Alors qu'il montait dans son canoë, il vit un homme accompagné de deux chiens, un noir et un blanc, qui demanda à ce qu'on l'aide à traverser. L'Indien dit: "Vous pouvez y aller, mais que deviendront vos chiens?". L'étranger répondit: "Qu'ils fassent le tour par la terre." "Non", répondit l'Indien, "c'est beaucoup trop loin". Mais l'étranger ne disant rien et le fit traverser. Lorsqu'ils atteignirent le débarcadère, les chiens se tenaient là. Mais lorsqu'il tourna la tête pour s'adresser à l'homme, celui-ci avait disparu. Il se dit alors: "J'ai vu Glooscap."
Encore une fois, - mais il n'y a pas si longtemps - loin dans le Nord, il y avait à un certain endroit beaucoup d'Indiens rassemblés. Il y eut une effroyable agitation, causée par le soulèvement et le grondement du sol; les rochers tremblèrent et tombèrent, ils furent très alarmés, et voici que Glooscap se tint devant eux et leur dit: "Je m'en vais maintenant, mais je reviendrai; quand vous sentirez le sol trembler, vous saurez que c'est moi." C'est ainsi qu'ils sauront quand aura lieu la dernière grande guerre, car Glooscap fera alors trembler le sol dans un bruit épouvantable.
Glooscap n'était pas l'ami des Castors; il tua beaucoup d'entre eux. Sur la Tobaie se trouvent deux rochers d'eau salée (c'est-à-dire des rochers au bord de l'océan, près d'un ruisseau d'eau douce). Le Grand Castor, qui se tenait là un jour, fut vu par Glooscap à des kilomètres de là, qui lui avait interdit cet endroit. Il ramassa alors un gros rocher à l'endroit où il se tenait sur le rivage et le lança sur toute la distance vers le Castor, qui l'esquiva; mais lorsqu'un autre vint, la bête s'enfonça dans une montagne et n'en est jamais ressortie jusqu'à aujourd'hui. Mais les rochers que le maître a lancés sont encore visibles.
Les grandes actions de Glooscap: Comment il a nommé les animaux et sa famille
Woodénit atók-hagen Gloosekap [ceci est une histoire de Glooscap]. Les traditions de l'ancien temps racontent que Glooscap est né dans le pays des Abénaquis, qui est le plus proche du lever du soleil; mais une autre histoire dit qu'il est venu par la mer dans un grand canoë de pierre, et que ce canoë était une île de granit recouverte d'arbres. Lorsque le grand homme, chef de tous les hommes et de toutes les bêtes, fut descendu de l'arche, il se rendit chez les Abénaquis. Il appela tous les animaux et leur donna à chacun un nom: à l'Ours, mooin, et lui demanda ce qu'il ferait s'il rencontrait un homme. L'ours répondit: "Je le crains et je m'enfuirais". Or, en ce temps-là, l'Écureuil (mi-ko) était plus grand que l'Ours. Glooscap le prit dans ses mains et, en l'aplanissant, il devint de plus en plus petit, jusqu'à ce qu'il devienne tel que nous le voyons aujourd'hui. Par la suite, l'écureuil fut le chien de Glooscap et, lorsqu'il le voulut, il redevint grand et tua ses ennemis, aussi féroces fussent-ils. Mais cette fois, lorsqu'on lui demanda ce qu'il ferait s'il rencontrait un homme, Mi-ko répondit: "Je monterais en courant dans un arbre".
L'orignal, interrogé, répondit, en restant immobile et en regardant vers le bas: "Je courrais à travers les bois." Il en fut de même pour Kwah-beet, le castor, et Glooscap vit que de tous les êtres créés, le premier et le plus grand était l'homme.
Avant d'être instruits par lui, les hommes vivaient dans les ténèbres; il faisait si sombre qu'ils ne pouvaient même pas voir pour tuer leurs ennemis. Glooscap leur apprit à chasser, à construire des huttes, des canoës et des barrages pour le poisson. Avant sa venue, ils ne savaient ni fabriquer des armes ni des filets. Le Grand Maître leur montra les vertus cachées des plantes, des racines et des écorces, et leur indiqua les légumes qui pouvaient servir de nourriture, ainsi que les espèces d'animaux, d'oiseaux et de poissons qu'il fallait manger. Il leur apprit ensuite le nom de toutes les étoiles. Il aimait l'humanité et, où qu'il se trouve dans le désert, il n'était jamais très loin d'un Indien. Il habitait une terre isolée, mais chaque fois qu'ils le cherchaient, ils le trouvaient. Il voyagea très loin: il n'y a pas un endroit dans toute la terre des Abénaquis où il n'a pas laissé son nom; les collines, les rochers et les rivières, les lacs et les îles en témoignent.
Glooscap ne s'est jamais marié, mais bien qu'il ait vécu comme les autres hommes, il n'a pas vécu seul. Une vieille femme habitait avec lui et gardait sa hutte; il l'appelait Noogumee, "ma grand-mère". (Micmac). Elle était accompagnée d'un jeune homme nommé Abistariaooch, ou Martin. Martin pouvait se transformer en bébé ou en petit garçon, en jeune ou en jeune homme, selon l'époque à laquelle il devait agir, car tout ce qui arrivait Glooscap était très merveilleux. Martin mangeait toujours dans un petit plat en écorce de bouleau, appelé witch-kwed-lakuncheech, et lorsqu'il le laissait quelque part, Glooscap était sûr de le trouver et pouvait dire, d'après son apparence, tout ce qui était arrivé à sa famille. Glooscap appelait Martin Uch-keen, "mon jeune frère". Le Seigneur des hommes et des bêtes avait une ceinture qui lui donnait un pouvoir magique et une force infinie. Lorsqu'il la prêtait à Martin, le jeune frère pouvait lui aussi accomplir de grands exploits, comme on en faisait autrefois. Martin a beaucoup vécu avec les Mikumwess, les Elfes ou les Fées, et on dit qu'il a été l'un d'entre eux.
Les cadeaux de Glooscap
Quatre Indiens qui se rendirent à la demeure de Glooscap y trouvèrent un lieu de délices magiques, une terre plus belle que l'esprit ne pouvait le concevoir. Interrogé par le dieu sur ce qui les avait amenés ici, l'un d'eux répondit que son cœur était mauvais et que la colère l'avait rendu esclave, mais qu'il souhaitait être doux et pieux. Le deuxième, un homme pauvre, désirait être riche, et le troisième, qui était de condition modeste et méprisé par les gens de sa tribu, souhaitait être universellement honoré et respecté.
Le quatrième était un homme vaniteux, conscient de sa beauté, dont l'apparence était éloquente de vanité. Bien qu'il fût grand, il avait fourré de la fourrure dans ses mocassins pour paraître encore plus grand, et son souhait était de devenir plus grand que n'importe quel homme de sa tribu et de vivre éternellement.
Glooscap tira quatre petites boîtes de son sac de médecine et en donna une à chacun, en leur demandant de ne pas les ouvrir avant d'être rentrés chez eux. Lorsque les trois premiers arrivèrent à leurs huttes respectives, chacun ouvrit sa boîte et y trouva un onguent très parfumé et très riche, avec lequel il se frotta.
Le méchant devint doux et patient, le pauvre s'enrichit rapidement, et l'homme méprisé devint majestueux et respecté. Mais l'homme vaniteux s'était arrêté sur le chemin du retour dans une clairière et, prenant sa boîte, s'était oint de l'onguent qu'elle contenait.
Son vœu fut également exaucé, mais pas exactement de la manière dont il s'y attendait, car il fut transformé en pin, le premier de l'espèce, et l'arbre le plus haut de la forêt.
Glooscap et le bébé
Glooscap, après avoir conquis les Kewawkqu', une race de géants et de magiciens, les Medecolin, qui étaient d'habiles sorciers, et Pamola, un méchant esprit de la nuit, en plus d'une foule de démons, de gobelins, de cannibales et de sorcières, se sentit vraiment grand et se vanta auprès d'une certaine femme qu'il ne lui restait plus rien à conquérir.
Mais la femme se mit à rire et lui dit: "Vous en êtes bien sûr, Maître? Il y en a encore un qui reste invaincu, et rien ne peut le vaincre."
Surpris, Glooscap demanda le nom de ce puissant individu.
"Il s'appelle Wasis, répondit la femme, mais je vous conseille vivement de ne pas avoir affaire à lui."
Wasis n'était que le bébé qui, assis sur le sol, suçait un morceau de sucre d'érable et chantonnait une petite chanson. Glooscap ne s'était jamais marié et ignorait tout de la façon dont les enfants étaient élevés, mais avec une parfaite assurance, il sourit au bébé et lui demanda de venir à lui.
Le bébé lui sourit en retour, mais ne bougea pas. Glooscap imita alors le beau chant d'un certain oiseau. Wasis, cependant, n'y prêta pas attention et continua à sucer son sucre d'érable. Glooscap, qui n'était pas habitué à un tel traitement, entra dans une rage furieuse et, avec des accents terribles et menaçants, ordonna à Wasis de venir à lui en rampant, sur-le-champ.
Mais Wasis se mit à pousser des hurlements épouvantables qui couvrirent complètement les accents tonitruants du dieu et, malgré toutes les menaces de la divinité, il ne bougea pas. Glooscap, maintenant bien énervé, mit toutes ses ressources magiques à son service. Il récita les sorts les plus terribles, les incantations les plus redoutables. Il chanta les chants qui ressuscitent les morts et qui envoient le diable se précipiter dans les profondeurs de la fosse.
Mais Wasis semblait croire qu'il s'agissait d'un jeu, car il se contentait de sourire avec lassitude et d'avoir l'air de s'ennuyer. Enfin, Glooscap, désespéré, se précipita hors de la hutte, tandis que Wasis, assis sur le sol, criait "Goo-Goo" et chantait triomphalement. Aujourd'hui encore, les Indiens disent que lorsqu'un bébé crie "Goo", il se souvient de l'époque où il a conquis le puissant Glooscap.