Mythe d'Adapa

Article

Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 23 février 2011
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Disponible dans ces autres langues: anglais

Le Mythe d'Adapa (également connu sous le nom de Légende d'Adapa) est l'histoire mésopotamienne de la chute de l'homme, car il explique pourquoi les êtres humains sont mortels. Le dieu de la sagesse, Ea (alias Aya), créa le premier homme, Adapa, et le dota d'une grande intelligence et d'une grande sagesse, mais pas de l'immortalité. Lorsque le grand dieu Anu offrit l'immortalité à Adapa, Ea rusa pour qu'Adapa refuse le cadeau.

Bien qu'il ne soit pas exprimé directement dans le mythe, le raisonnement d'Ea semble similaire à celui de Yahvé dans le récit biblique de la Genèse où, après qu'Adam et Ève eurent été maudits pour avoir mangé de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, Yahvé les chassa avant qu'ils ne puissent également manger de l'arbre de vie:

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Voici, l'homme est devenu comme l'un de nous, pour la connaissance du bien et du mal. Empêchons-le maintenant d'avancer sa main, de prendre de l'arbre de vie, d'en manger, et de vivre éternellement. Et l'Eternel Dieu le chassa du jardin d'Eden, pour qu'il cultivât la terre, d'où il avait été pris. (Genèse 3:22-23).

Si Adam et Eve avaient été immortels, ils auraient été sur un pied d'égalité avec Yahvé et le dieu aurait perdu son statut; c'est d'ailleurs le même raisonnement que celui d'Ea dans le mythe d'Adapa. Dans le mythe de la Genèse, l'homme s'approprie la connaissance en mangeant dans l'arbre; dans le mythe mésopotamien, le dieu Ea accorde à l'homme la connaissance au cours du processus de création. Sachant qu'Adapa est déjà sage, Ea (comme Yahvé dans l'histoire ultérieure de la Genèse) doit maintenir l'homme à sa place.

Résumé

Adapa était le roi de la cité d'Eridu et, selon le mythe, il était parti pêcher un jour dans le golfe Persique lorsque le vent du sud fit soudain chavirer son bateau et le précipita dans la mer. Furieux, Adapa brisa l'aile du vent du sud et, pendant sept jours, le vent ne put plus souffler. Le dieu du ciel Anu fut irrité et envoya chercher Adapa pour qu'il s'explique. Adapa reçut les conseils d'Ea sur la façon dont il devait se comporter dans la cour des dieux. Comme Ea était le dieu-père et le créateur d'Adapa, ce dernier lui faisait confiance. Mais Ea craignait qu'Anu n'offre à Adapa la nourriture et la boisson de la vie éternelle et Ea voulait s'assurer qu'Adapa n'accepte pas cette offre.

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Dans le Mythe d'Adapa, le personnage central est dépeint comme un roi sage qui est dupé par un dieu, et non comme un demi-dieu lui-même.

Tout d'abord, Ea lui dit qu'il devait flatter les gardiens des portes, Tammuz et Gishida (deux divinités de la mort et de la renaissance) en faisant savoir qu'il se souvenait d'eux, qu'il savait qui ils étaient. Si Adapa faisait cela, les gardiens le laisseraient passer sans difficulté et parleraient favorablement de lui à Anu. Une fois Adapa en présence d'Anu, Ea lui dit qu'il devait refuser toute nourriture ou boisson offerte car ce serait la nourriture de la mort et la boisson de la mort qui seraient offertes comme punition pour avoir brisé l'aile du vent du sud. Cependant, Ea dit qu'Adapa pouvait accepter de l'huile pour s'oindre et accepter n'importe quel vêtement qui lui serait offert.

Adapa fit exactement ce qu'Ea avait suggéré, honorant respectueusement Tammuz et Gishida et refusant la nourriture et la boisson offertes par Anu (tout en s'oignant et en acceptant un vêtement). Anu, étonné que l'homme refuse la nourriture et la boisson de la vie ainsi que le don de l'immortalité, renvoya Adapa sur terre où il devrait vivre sa vie en tant que mortel. Le récit semble se conclure par la punition d'Anu envers Ea pour avoir trompé Adapa, mais comme la troisième tablette est fragmentaire, il est difficile de l'affirmer avec certitude.

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Une autre interprétation du mythe affirme qu'Ea agit sincèrement dans l'intérêt d'Adapa lorsqu'il le mit en garde contre le fait d'accepter de la nourriture ou de la boisson de la part d'Anu, car Ea croyait sincèrement qu'Anu punirait Adapa de mort pour avoir brisé l'aile du vent du sud. Cette interprétation prétend que la punition d'Ea à la fin du poème n'est pas pour avoir trompé Adapa mais pour l'avoir mis en garde contre les plans d'Anu. Cependant, le poème ne dit nulle part qu'Anu avait l'intention de tuer Adapa, mais seulement qu'il était contrarié par le fait que le vent du sud ne soufflait pas (que la vie sur terre ne fonctionnait pas comme elle le devrait) et qu'il voulait qu'Adapa s'explique.

Le poème prend tout son sens si l'on considère qu'Ea trompa Adapa pour empêcher les êtres humains d'accéder à l'immortalité et qu'Anu punit Ea pour cette tromperie. Anu, après avoir entendu les explications d'Adapa sur son action, demanda: " Pourquoi Ea a-t-il révélé à l'humanité impure/le cœur du ciel et de la terre ? " Cette réponse semble indiquer qu'Anu respectait la réponse d'Adapa et en fut impressionné, mais il se demandait pourquoi Ea avait rendu Adapa si intelligent tout en lui refusant la vie éternelle. C'est juste après avoir posé cette question et " Que pouvons-nous faire de lui ? " qu'Anu ordonna que la nourriture et l'eau de la vie éternelle soient apportées à Adapa. Anu souhaite corriger l'erreur d'Ea et accorder la vie éternelle à Adapa et semble sincèrement perplexe lorsqu'Adapa refuse son hospitalité. Anu tenta d'anticiper la question fondamentale que les êtres humains se posent depuis toujours : "Pourquoi devrais-je naître pour mourir et, sachant que je mourrai, à quoi bon vivre ?", en accordant l'immortalité, mais ce ne fut pas le cas.

The Ancient Near East c. 1500-1300 BCE
Le Proche-Orient ancien vers 1500-1300 avant notre ère
Simeon Netchev (CC BY-NC-SA)

Le mythe vient de la période babylonienne kassite du 14e siècle avant notre ère (lorsque la tribu kassite régnait sur Babylone). L'écrivain Bérose (alias Berossos), du IIIe siècle avant notre ère, appela Adapa "Oannes" et le décrivit comme un homme-poisson qui vivait dans le golfe Persique et enseignait la sagesse et la civilisation aux êtres humains. Bérose suivait la tradition selon laquelle Adapa était l'un des Abgal (ou Apkallu), les sept demi-dieux sages qui avaient apporté la civilisation aux êtres humains dans les temps anciens, avant le grand déluge. Dans le Mythe d'Adapa, cependant, le personnage central est dépeint comme un roi sage qui est dupé par un dieu, et non comme un demi-dieu lui-même.

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Texte

La traduction suivante du mythe se base sur celle de Robert W. Rogers dans son ouvrage de 1912, Cuneiform Parallels to the Old Testament (Parallèles cunéiformes à l'Ancien Testament) :

PREMIÈRE TABLETTE :

Il [Adapa] possédait l'intelligence [...].
Son commandement comme celui d'Anu ...
Il [le dieu Ea] lui accorda une grande oreille pour révéler le destin de la terre,
Il lui accorda la sagesse, mais il ne lui accorda pas la vie éternelle.
En ces jours, en ces années, le sage d'Eridu,
Ea l'avait créé comme chef parmi les hommes,
Un homme sage à qui personne ne pourrait s'opposer,
Il était le plus prudent, le plus sage des Anunnaki,
Sans reproche, aux mains pures, oint, observateur des lois divines,
Avec les boulangers, il faisait du pain
Avec les boulangers d'Eridu, il faisait du pain,
Il préparait chaque jour la nourriture et l'eau pour Eridu,
De ses mains propres, il préparait la table,
Et sans lui, la table n'était pas dressée.
Il dirigeait le navire, il pêchait et chassait pour Eridu.
Puis Adapa d'Eridu
Tandis qu'Ea, ... dans la chambre, sur le lit.
Il s'occupait quotidiennement de la fermeture d'Eridu.
Sur le barrage pur, le barrage de la nouvelle lune, il s'embarqua sur le navire,
Le vent souffla et son navire partit, Avec la rame, il dirigea son navire Sur la large mer ....

DEUXIÈME TABLETTE :

Le vent du sud ... quand
Il m'a conduit à la maison de mon seigneur, j'ai dit,
Ô vent du sud, sur le chemin, je te... tout cela,
Ton aile, je la briserai." Alors qu' il le disait avec sa bouche,
L'aile du Vent du Sud fut brisée, sept jours.
Le vent du sud ne souffla plus sur la terre. Anu
appela son messager Ilabrat :
Pourquoi le vent du sud n'a-t-il pas soufflé sur la terre pendant sept jours ?
Son messager Ilabrat lui répondit : "Mon seigneur,
Adapa, le fils d'Ea, l'aile du vent du sud
s'est brisée."
Quand Anu entendit ces mots
Il s'écria : "Au secours !" Il monta sur son trône,
"Que quelqu'un l'amène,"
De même Ea, qui connaît le ciel. Il le réveilla
... il lui fit porter. D'un vêtement de deuil
Il le revêtit, et lui donna des conseils
en disant : "Adapa, devant la face du roi Anu, tu iras
... au ciel
Quand tu monteras, et quand tu t'approcheras de la porte d'Anu,
A la porte d'Anu, Tammuz et Gishzida se tiennent,
ils te verront et te demanderont : "Monsieur".
Pour qui te montres-tu ainsi, Adapa ? Pour qui
Pour qui es-tu vêtu d'un vêtement de deuil ? " " Dans notre pays, deux dieux ont disparu, c'est pourquoi je suis ainsi.
Je suis ainsi. Qui sont les deux dieux qui dans le pays
Tammuz et Gishzida". Ils se regarderont l'un l'autre et
et s'étonneront. De bonnes paroles
Ils parleront à Anu. Un bon visage d'Anu
Ils te le montreront. Quand tu te tiendras devant Anu
Ils te présenteront une nourriture de mort,
Ne mange pas. On te présentera de l'eau de mort,
Ne bois pas. On mettra devant toi des vêtements,
Revêts-les. On te présentera de l'huile, oins-toi.
Le conseil que je t'ai donné, ne l'oublie pas. Les paroles
que j'ai prononcées, retiens-les. Le messager
D'Anu arriva : "Adapa a brisé
L'aile du vent du sud. Amène-le devant moi."
Il lui fit prendre le chemin du Ciel, et il monta au Ciel.
Quand il arriva au Ciel, il s'approcha de la porte d'Anu,
A la porte d'Anu, Tammuz et Gishida se tenaient.
Quand ils le virent, Adapa, ils s'écrièrent : "Au secours !
Monsieur, pour qui apparais-tu ainsi ? Adapa,
Pour qui es-tu vêtu d'un vêtement de deuil ?"
"Dans le pays, deux dieux ont disparu, c'est pourquoi je suis vêtu
Dans un vêtement de deuil." "Qui sont les deux dieux qui
ont disparu du pays ?"
"Tammuz et Gishzida." Ils se regardèrent l'un l'autre et
s'étonnèrent. Quand Adapa se présenta devant Anu, le roi,
s'approcha et qu'Anu le vit, il s'écria :
" Viens ici, Adapa. Pourquoi as-tu brisé les ailes
Du vent du sud ? "Adapa répondit à Anu : " Mon seigneur,
Pour la maison de mon seigneur au milieu de la mer,
je pêchais des poissons. La mer était comme un miroir,
Le vent du sud a soufflé et m'a fait chavirer.
Je fus conduit à la maison de mon seigneur. Dans la colère de mon coeur,
j'ai pris garde." Tammuz et Gishzida
Répondu ... "Tu es." A Anu
Ils parlent. Il se calma, son cœur était...
"Pourquoi Ea a-t-il révélé à l'humanité impure
Le cœur du ciel et de la terre ? Un cœur
... a créé en lui, lui a donné un nom ?
Que pouvons-nous faire de lui ? La nourriture de la vie
Apportez-le, qu'il mange". La nourriture de la vie
Ils l'ont amené, mais il n'a pas mangé. Eau de vie
On l'amena, mais il ne but pas. Vêtements
Ils l'ont apporté. Il s'est vêtu. Huile
On l'apporta. Il s'oignit.
Anu le regarda, il s'étonna de lui.
" Viens, Adapa, pourquoi n'as-tu pas mangé, pourquoi n'as-tu pas bu ?
Maintenant tu ne vivras plus." ... hommes ... Ea, mon seigneur
a dit : "Ne mange pas, ne bois pas."
Prends-le et ramène-le sur sa terre.
... le regarda.

TROISIÈME TABLETTE

Lorsque [Anu] entendit cela
Dans la colère de son coeur
Il envoya son messager.
Celui qui connaît le cœur des grands dieux
............
Au roi Ea de venir,
Il lui a fait porter des paroles.
... à lui, au roi Ea.
Il envoya un messager
Avec une oreille large, connaissant le coeur des grands dieux,
... des cieux soient fixés.
Il lui fit porter un vêtement souillé,
Il le revêtit d'un vêtement de deuil,
Il lui dit un mot.
"Adapa, tu iras devant le roi Anu.
Ne manque pas à l'ordre, garde ma parole
Quand tu monteras au ciel et que tu t'approcheras de la porte d'Anu,
Tammuz et Gishzida se tiennent à la porte d'Anu.

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Bibliographie

  • Anonymous. The King James Version of The Holy Bible. 1611
  • Robert W. Rogers. Cuneiform Parallels to the Old Testament. Eaton and Mains, New York, 1912

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2011, février 23). Mythe d'Adapa [The Myth of Adapa]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-216/mythe-dadapa/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Mythe d'Adapa." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le février 23, 2011. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-216/mythe-dadapa/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Mythe d'Adapa." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 23 févr. 2011. Web. 26 avril 2024.

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