En réponse aux 95 Thèses de Martin Luther, ainsi qu'à ses autres œuvres, le pape Léon X envoya une bulle papale le menaçant d'excommunication en juin 1520. Luther brûla publiquement la bulle à Wittenberg le 10 décembre 1520, et fut officiellement excommunié en janvier 1521.
Les 95 Thèses de Martin Luther contre la dépendance de l'Église à la théologie scolastique, affichées en octobre 1517, furent ignorées par les autorités ecclésiastiques jusqu'à ce que ce qu'elles ne soient popularisées et que le pape ne s'intéresse à lui. Cela conduisit alors à un examen des autres œuvres de Luther, lesquelles furent condamnées comme étant hérétiques. Un examen de Luther à Augsbourg en 1518, et un débat avec le théologien Johann Eck (1486-1543) à Leipzig en 1519, accentuèrent le fossé entre Luther et l'Église, aboutissant à la bulle de 1520.
Le rejet de l'autorité papale par Luther en décembre 1520 creusa encore davantage ce fossé, entraînant son excommunication en janvier 1521 et les événements ultérieurs, notamment sa comparution à la Diète de Worms, qui inspirèrent la Réforme protestante.
Conflit de Luther avec l'Église
Martin Luther (1483-1546) avait affiché ses 95 Thèses, en latin, à Wittenberg le 31 octobre 1517, comme un simple appel à un débat scientifique au sein du clergé sur la question des indulgences. Une copie, envoyée à son archevêque, Albert de Brandebourg, fut transmise au pape, élevant ainsi les Thèses au rang de question officielle de l'Église. Les disciples de Luther les traduisirent ensuite en allemand et les publièrent à l'intention d'un large public, qui les perçut comme une contestation de l'autorité papale.
En 1520, les Thèses – ainsi que les autres œuvres et sermons publiés de Luther – avaient également été traduits et avaient circulé hors d'Allemagne, ce qui lui avait valu un soutien important dans le pays et à l'étranger. La bulle de 1520, Exsurge Domine ("Lève-toi, Seigneur"), était la tentative du pape de reprendre le contrôle d'une situation qui devenait rapidement incontrôlable: une contestation généralisée de l'autorité ecclésiastique et de l'unité de l'Église.
À cette époque, l'Église était considérée comme l'unique représentante de Dieu sur terre. Soit on était dans la grâce de Dieu et assuré du salut selon la politique de l'Église, soit on était en dehors et complice avec le diable. L'excommunication signifiait que l'on avait transgressé les enseignements de l'Église et que l'on était désormais exclu de la grâce de Dieu et de la communion chrétienne, ce qui signifiait que l'on était ainsi coupé de sa famille, de son travail et de ses amis, en tant qu'hérétique impénitent. Un membre de l'Église en règle ne pouvait fréquenter quelqu'un qui n'était pas sous la grâce de Dieu.
Bulle de 1520
L'excommunication était donc une affaire sérieuse, et une assemblée fut convoquée pour instruire un dossier contre Luther en 1520. Johann Eck, ancien ami de Luther mais ennemi déclaré après Leipzig, prôna la condamnation globale de l'homme et de ses œuvres. D'autres membres du clergé impliqués dans la vérification des écrits de Luther pour hérésie – dont le cardinal Cajetan, qui l'avait interrogé à Augsbourg – préconisèrent un examen systématique des œuvres de Luther afin de constituer un dossier solide contre lui.
Eck, cependant, exigea que toutes les œuvres soient condamnées rapidement, sans précision de points, en raison de la menace que représentait Luther. D'après Eck, il n'y avait pas de temps à perdre pour réduire au silence un hérétique manifeste dont la popularité grandissait de jour en jour. Et son argument prévalut. La bulle de 1520 ne fournissait donc aucune justification détaillée pour la condamnation.
Le pape Léon X ordonna à ses subordonnés d'afficher la bulle de 1520 dénonçant publiquement Luther comme hérétique, et il ordonna que ses œuvres soient brûlées. La tâche s'avéra difficile en raison de la popularité de Luther, notamment en Allemagne, en tant qu'homme ayant défié le pape. Le clergé en règle avec l'Église hésita à afficher la bulle de 1520, par crainte de représailles, mais aussi parce qu'elle ne donnait aucune raison de condamner Luther.
Excommunication de 1521
Luther lui-même souligna cela dans sa réfutation écrite de la bulle, et lorsqu'il la brûla publiquement en décembre, sa défiance ne fit qu'accroître sa popularité. Il fut excommunié par la bulle ci-dessous, le 3 janvier 1521. Mais celle-ci, comme celle de 1520, n'eut aucun effet sur l'admiration populaire pour Luther, et ne fit qu'élever son statut à un niveau encore plus élevé, car certains commencèrent à se qualifier de "Luthériens" et à rejeter ouvertement l'autorité de l'Église catholique.
Son excommunication, en janvier 1521, amena à sa comparution à la Diète de Worms en avril de la même année. Il y défendit ses œuvres et sa vision, se présentant comme un Chrétien en dehors de l'autorité de l'Église. Le discours de Luther à la Diète de Worms encouragea d'autres à s'opposer à l'orthodoxie catholique et finalement, en tentant de le réduire au silence, l'Église encouragea en fait ce qui allait devenir la Réforme protestante.
Le Texte
Le texte suivant est traduit de la Bulle Papale d'Excommunication de Martin Luther et de ses Disciples Decet Romanum Pontificem (Papal Encyclicals Online). La bulle est référencée dans des passages des ouvrages Martin Luther: Renegade and Prophet de Lyndal Roper, et Here I Stand: A Life of Martin Luther de Roland H. Bainton. Elle est présentée ici sans commentaire.
Préambule
Par le pouvoir conféré par Dieu, le Pontife romain a été nommé pour administrer les châtiments spirituels et temporels, selon ce que chaque cas mérite. L'intention de cela est de réprimer les desseins malveillants d'hommes égarés, tellement captivés par l'impulsion dépravée de leurs projets maléfiques qu'ils oublié la crainte du Seigneur, laissé de côté avec mépris les décrets canoniques et les commandements apostoliques, et osé formuler de nouveaux et faux dogmes et introduire le mal du schisme dans l'Église de Dieu - ou encore soutenir, aider et à adhérer à de tels schismatiques qui s'emploient à séparer la tunique sans couture de notre Rédempteur et l'unité de la foi orthodoxe. Il appartient donc au Pontife, de peur que la barque de Pierre ne paraisse naviguer sans pilote ni rameur, de prendre des mesures sévères contre de tels hommes et leurs partisans, et, par la multiplication des mesures punitives et d'autres remèdes appropriés, de veiller à ce que ces mêmes hommes dominateurs, voués comme ils le sont à des intentions maléfiques, ainsi que leurs partisans, ne trompent pas la multitude des simples par leurs mensonges et leurs ruses trompeuses, ni ne les entraînent à partager leur propre erreur et leur ruine, les contaminant par ce qui s’apparente à une maladie contagieuse. Il appartient également au Pontife, après avoir condamné les schismatiques, de les confondre encore davantage en montrant publiquement et en déclarant ouvertement à tous les Chrétiens fidèles combien sont redoutables les censures et les châtiments auxquels une telle faute peut mener; afin que, par cette déclaration publique, ils puissent eux-mêmes revenir, confus et le repentants, à leur véritable nature, se retirant sans réserve des conversations prohibées, de la compagnie et (surtout) de l'obéissance interdites à ces maudits excommuniés; par ce moyen, ils pourraient échapper à la vengeance divine et à toute participation à leur damnation.
I. [Ici, le Pape rappelle sa bulle précédente Exsurge Domine et poursuit]
II. Nous avons été informés qu’après que cette missive précédente eut été rendue publique et que le ou les délais qu’elle prescrivait eurent expiré [60 jours] — et nous donnons par la présente un avis solennel à tous les Chrétiens fidèles que ces délais sont écoulés — beaucoup de ceux qui avaient suivi les erreurs de Martin ont pris connaissance de notre missive et de ses avertissements et injonctions; l’esprit d’un conseil plus sain les a ramenés à eux-mêmes, ils ont confessé leurs erreurs et abjuré l’hérésie sur notre instance, et, en revenant à la vraie foi catholique, obtinrent la bénédiction de l’absolution dont les mêmes messagers avaient été investis; et, dans plusieurs États et localités de ladite Allemagne, les livres et écrits dudit Martin ont été publiquement brûlés, comme nous l’avions ordonné.
Néanmoins, Martin lui-même — et c’est avec une grande peine et perplexité que nous le disons — esclave d’un esprit dépravé, a dédaigné de révoquer ses erreurs dans le délai prescrit et de nous en informer, ou de venir lui-même à nous; oui, et c'est une pierre d’achoppement, il n’a pas craint d’écrire et de prêcher des choses pires qu’auparavant contre nous, contre ce Saint-Siège et la foi catholique, et d’entraîner d’autres à faire de même.
Il a maintenant été déclaré hérétique; de même que d’autres, quelle que soit leur autorité ou leur rang, qui ne se sont souciés en rien de leur propre salut et qui sont devenus publiquement et aux yeux de tous des hommes des partisans de la secte pernicieuse et hérétique de Martin, lui apportant ouvertement et publiquement leur aide, conseil et faveur, l’encourageant parmi eux dans sa désobéissance et son obstination, ou entravant la publication de notre missive sus-citée: de tels hommes ont encouru les châtiments énoncées dans cette missive, et doivent être traités à juste titre comme des hérétiques et évités par tous les Chrétiens fidèles, comme le dit l’Apôtre (Tite 3:10-11).
III. Notre intention est que de tels hommes soient à juste titre rangés avec Martin et les autres maudits hérétiques et excommuniés, et que, de même qu’ils se sont associés à l’obstination dans le péché dudit Martin, ils partagent également ses châtiments et son nom, en portant partout avec eux le titre de "Luthérien" et les châtiments qui en découlent.
Nos instructions précédentes étaient si claires et ont été si efficacement publiées, et nous adhérerons si strictement à nos présents décrets et déclarations, qu’ils ne manqueront d’aucune preuve, avertissement ou citation.
Nos décrets qui suivent sont prononcés contre Martin et ceux qui le suivent dans l’obstination de son dessein dépravé et condamnable, ainsi que contre ceux qui le défendent et le protègent par une garde militaire, et n’hésitent pas à le soutenir de leurs propres ressources ou de toute autre manière, et qui se sont permis et se permettent encore de lui offrir et lui prodiguer aide, conseil et faveur. Nous souhaitons que tous leurs noms, prénoms et rangs - aussi élevée et ébouissante que soit leur dignité - soient inclus dans ces décrets, avec le même effet que s'ils étaient énumérés individuellement et pouvaient l'être dans leur publication, laquelle doit être promue avec une énergie à la hauteur de leurs contenus.
Nous décrétons sur tous ceux-ci les sentences d'excommunication, d'anathème, de notre condamnation et d'interdit perpétuels; de privation de dignités, d'honneurs et de propriétés pour eux et leurs descendants, et de déclaration d'inaptitude à de telles possessions; de confiscation de leurs biens et du crime de trahison; et celles-ci et les autres sentences, censures et châtiments infligés par le droit canon aux hérétiques et énoncés dans notre missive précitée, nous décrétons qu'elles sont tombées sur tous ces hommes pour leur damnation.
IV. Nous ajoutons à notre présente déclaration, par notre Autorité Apostolique, que les États, territoires, camps, villes et lieux dans lesquels ces hommes ont temporairement résidé ou qu'ils ont eu l'occasion de visiter, ainsi que leurs biens – villes abritant des cathédrales et des métropolitains, monastères et autres lieux religieux et sacrés, privilégiés ou non – sont tous et chacun placés sous notre interdit ecclésiastique. Tant que durera cet interdit, aucun prétexte d'Indulgence Apostolique (sauf dans les cas permis par la loi, et même là, pour ainsi dire, à huis clos et excluant ceux qui sont sous excommunication et interdit) ne pourra être invoqué pour permettre la célébration de la messe ou des autres offices divins. Nous prescrivons et enjoignons que les hommes en question soient publiquement dénoncés partout comme excommuniés, maudits, condamnés, interdits, privés de possession et incapables d'en posséder. Ils doivent être strictement évités par tous les Chrétiens fidèles.
V. Nous tenons à faire connaître à tous le peu de cas que Martin, ses partisans et les autres rebelles ont fait de Dieu et de son Église par leur témérité obstinée et éhontée. Nous voulons protéger le troupeau d'un animal infectieux, de peur que son infection ne se propage à ceux qui sont sains. C'est pourquoi nous adressons l'injonction suivante à chaque patriarche, archevêque, évêque, aux prélats des églises patriarcales, métropolitaines, cathédrales et collégiales, et aux religieux de tout Ordre – même les mendiants – privilégiés ou non privilégiés, où qu'ils soient établis: qu'en vertu de leur vœu d'obéissance et sous peine de sentence d'excommunication, ils devront, si l'exécution des présentes l'exige, annoncer publiquement et faire annoncer par d'autres dans leurs églises que ce même Martin et les autres sont excommuniés, maudits, condamnés, hérétiques, endurcis, interdits, privés de possessions et incapables d'en posséder, et ainsi inscrits dans l'application des présentes. Trois jours seront accordés: nous prononçons un avertissement canonique et accordons un jour de préavis le premier jour, un autre le deuxième, mais le troisième jour sera celui de l'exécution péremptoire et finale de notre ordre. Ceci aura lieu un dimanche ou lors d'une autre fête, lorsqu'une grande assemblée se réunit pour le culte. La bannière de la croix sera levée, les cloches sonnées, les cierges allumés, puis au bout d'un moment éteints, jetés à terre et piétinés, les pierres seront jetées trois fois, et les autres cérémonies habituelles en pareils cas seront observées. Les Chrétiens fidèles, tous et chacun, seront strictement enjoints d'éviter ces hommes.
Nous confondrons encore davantage ledit Martin et autres hérétiques que nous avons mentionnés, ainsi que leurs adeptes, disciples et partisanss: c'est pourquoi, en vertu de leur vœu d'obéissance, nous enjoignons chaque et tout patriarche, archevêque et tous les autres prélats, de même qu'ils ont été nommés par l'autorité de Jérôme pour apaiser les schismes, ainsi maintenant, dans la crise actuelle, comme leur charge les y oblige, ils feront d'eux-mêmes un rempart pour leur peuple chrétien. Ils ne garderont pas le silence comme des chiens muets qui ne peuvent aboyer, mais ils crieront et éleveront sans cesse leur voix, prêchant et faisant prêcher la parole de Dieu et la vérité de la foi catholique contre les articles condamnables et les hérétiques susmentionnés.
VI. À tous les recteurs des églises paroissiales, aux recteurs de tous les Ordres, même les mendiants, privilégiés ou non privilégiés, nous enjoignons dans les mêmes termes, en vertu de leur vœu d'obéissance, que, nommés par le Seigneur pour être comme des nuages, ils répandent des pluies spirituelles sur le peuple de Dieu, et n'aient aucune crainte à donner la plus large publicité à la condamnation des articles susmentionnés, comme leur charge les y oblige. Il est écrit que l'amour parfait bannit la crainte. Que chacun d'entre vous prenne sur lui le fardeau d'un devoir aussi méritoire avec une dévotion totale; montrez-vous si scrupuleux dans son exécution, si zélés et empressés en paroles et en actes, que de vos labeurs, par la faveur de la grâce divine, la moisson espérée arrivera, et que par votre dévotion vous gagnerez non seulement cette couronne de gloire qui est la juste récompense de tous ceux qui promeuvent les causes religieuses, mais aussi obtiendrez de nous et dudit Saint-Siège les éloges sans bornes que votre diligence prouvée méritera.
VII. Cependant, comme il serait difficile de remettre la présente missive, avec ses déclarations et annonces, en personne à Martin et aux autres excommuniés déclarés, en raison de la force de leur faction, nous souhaitons que l'affichage public de cette missive sur les portes de deux cathédrales — soit deux métropolitaines, soit une cathédrale et une métropolitaine des églises de ladite Allemagne — par un de nos messagers en ces lieux, ait une force contraignante telle que Martin et les autres que nous avons déclarés soient montrés comme condamnés en tout point aussi décisivement que si la missive leur avait été personnellement signifiée et présentée.
VIII. Il serait également difficile de transmettre cette missive en tous les lieux où sa publication pourrait être nécessaire. C'est pourquoi notre souhait et décret faisant autorité est que ses copies, scellées par quelque prélat ecclésiastique ou par un de nos susdits messagers, et contresignées de la main d'un notaire public, aient partout la même autorité que la production et la présentation de l'original lui-même.
IX. Aucune objection ne s'oppose à nos désirs de la part des constitutions et ordres apostoliques, ni de quoi que ce soit dans notre susdite missive antérieure que nous ne souhaitons pas entraver, ni d'aucun autre prononcé contraire.
X. Personne ne peut enfreindre en aucune manière cette présente décision écrite, déclaration, précepte, injonction, assignation, volonté, décret; ni la contredire témérairement. Si quelqu'un osait tenter une telle chose, qu'il sache qu'il encourra la colère de Dieu Tout-Puissant et des bienheureux Apôtres Pierre et Paul.
Écrit à Saint-Pierre de Rome, le 3 janvier 1521, la huitième année de notre pontificat.