Le parc archéologique de Mehrauli est situé à Delhi, juste à côté du complexe de Qutb (historiquement, Mehrauli était la première des sept villes de Delhi). S'étendant sur une superficie de plus de 80 hectares, le site présente le riche patrimoine de l'Inde, depuis la période préislamique jusqu'à la période coloniale. Le parc archéologique de Mehrauli comprend plusieurs monuments importants d'un point de vue historique, notamment les vestiges de la première ville de Delhi, la capitale des souverains Tomar au XIe siècle.
Lal Kot
La plupart des monuments situés dans le parc archéologique de Mehrauli sont d'importance nationale, comme le fort de Lal Kot. Le fort de Lal Kot fut construit par Anang Pal au XIe siècle. En 1060, les souverains Tomar déplacèrent leur capitale de Surajkund à Mehrauli, l'ancienne Yognipura, et sécurisèrent leur territoire en construisant un fort, Lal Kot, également connu sous le nom de Qila Rai Pithora, ou fort de Rai Pithora. La structure fut construite avec des moellons et agrandie par la suite; certains murs agrandis font aujourd'hui partie du parc archéologique de Mehrauli. Selon certaines sources, l'extension serait l'œuvre du souverain chauhan Prithviraj III (r. c. 1178-1192), mais des fouilles récentes suggèrent que les murs de Lal Kot dateraient du XIVe siècle et auraient été construits pour repousser la menace mongole.
Jain Mandir Dadabari
Dans le complexe du parc archéologique de Mehrauli se trouve une autre structure importante, le Jain Mandir Dadabari. Il pourrait avoir été construit en 1167 sous le règne de Madanpala (1144-1162). Situé à côté du Madhi Masjid, le temple était dédié au saint jaïn du XIIe siècle, Siri Jinchandra Suri. Asher pense que ce temple témoigne du fait que les souverains islamiques ne détruisaient les temples que pour des raisons politiques ou économiques et non religieuses, car il n'y a aucun signe d'interférence avec ce temple, bien qu'il soit adjacent à une mosquée.
Hauz-e-Shamsi
Le déplacement de la capitale de Surajkund à Mehrauli était inhabituel et la raison en est encore inconnue. La nouvelle capitale se trouvait à 18 km de la rivière Yamuna, et il est peu probable que la rivière soit passée à proximité de cette zone. Tout au long de l'histoire, Delhi fut confrontée à une crise de l'eau, notamment en raison de sa géographie et d'autres facteurs écologiques. Sous le règne de Shams Îltutmish (r. de 1211 à 1236), ce problème devint très préoccupant car la population croissante de la ville augmenta la demande en eau. Pour résoudre ce problème, Îltutmish fit construire le Hauz-e-Shamsi en 1230. La légende veut que le prophète Mahomet soit apparu dans le rêve d'Îltutmish une nuit et lui ait ordonné de le construire. Ce lieu est donc considéré comme thaumaturgique tandis que l'eau du réservoir, elle, est sacrée.
Le voyageur Ibn Battuta, qui visita le Hauz-e-Shamsi, rapporte que l'eau de pluie était conservée dans ce réservoir. Considéré comme une structure qui couvrait autrefois près de 100 acres (40 ha), Hauz-e-Shamsi est un réservoir d'eau rectangulaire. Au milieu du réservoir se trouvait une tour de deux étages. Bien que la capitale de Delhi ait été déplacée à plusieurs reprises, ce quartier de Mehrauli ne s'est jamais dépeuplé, principalement grâce aux structures environnantes et surtout au Hauz-e-Shamsi, qui offrait une source d'eau sûre. Alauddin Khaljî (r. de 1296 à 1316) répara le Hauz-e-Shamsi en 1311-1312. Plus tard, Fîrûz Shâh Tughlûq (1351-1388) construisit un barrage pour canaliser l'eau vers la ville de Tughlaqabad.
En 1700, le Nabab Ghiyasuddin Khan Firoz Jang fit construire une chute d'eau (Jharna) devant le Hauz-e-Shamsi. Les pavillons de forme carrée et rectangulaire situés près du réservoir d'eau sont également des ajouts ultérieurs.
Le Jahaz Mahal se trouve à l'angle nord-est du Hauz-e-Shamsi. La date de sa construction fait l'objet d'un débat. Certains spécialistes pensent que le Jahaz Mahal aurait été construit pendant la période Lodi par un marchand pour un saint, tandis que d'autres pensent qu'il aurait tout d'abord été construit en tant qu'auberge pour les pèlerins. Comme l'a souligné Rana Safvi, les mihrabs, certains murs et la chambre penchent en faveur de la première hypothèse. Les moghols l'utilisaient comme palais d'été, en particulier pendant le festival Phool Waloon ki Sair. La structure comporte une cour rectangulaire au centre et des chambres voûtées et en dôme tout autour. On peut reconnaître un mihrab (niche semi-circulaire) sur le mur ouest. Les angles sont meublés de pavillons en forme de dôme. La salle de prière possède également un pavillon octogonal. Construit en grès gris et rouge local, le Jahaz Mahal est décoré de tuiles bleues vernissées.
Dargah de Kaki
On pense que lorsqu'Îltutmish construisit le Hauz, Qutbuddin Bakhtiyar Kaki l'accompagna pour trouver l'emplacement exact. Qutbuddin Bakhtiyar Kaki (1173-1235), connu sous le nom de Qutb Sahib, était un saint soufi et le maître spirituel d'Îltutmish. À 750 km au sud-ouest du complexe de Qutb se trouve le Dargah de Kaki. Auparavant, il s'agissait de sa résidence et de sa khanqa, c'est-à-dire de son lieu d'enseignement. Après la mort de Kaki, il fut converti en dargah, un sanctuaire construit sur sa tombe. Le disciple de Kaki, Baba Farid, décédé en 1235, fut également enterré ici. Sa tombe en terre battue ne porte aucune inscription, mais une porte située au nord du dargah en porte une. Selon cette inscription, la porte fut construite en 1541-1542 sous le règne de Sher Shah Suri (r. de 1540 à 1545) par Sheikh Khalilul Haq. Il avait également construit un vaste mur autour de la tombe. À l'ouest, la porte Ajmeri présente des signes d'architecture moghole tardive. Certaines sources affirment que l'empereur moghol Aurangzeb (r. de 1658 à 1707) aurait réparé certaines structures, y compris le mur occidental.
En tant qu'adepte de Kaki, Îltutmish construisit un bâoli (puits en escalier) à côté de la dargah de Kaki, connu aujourd'hui sous le nom de bâoli de Gandhak ki ou puits de plongée. Construite en moellons de forme rectangulaire, cette structure à cinq étages se compose d'un puits circulaire de 105 marches et de galeries à l'est et à l'ouest. À 400 mètres au sud du bâoli de Gandhak ki se trouve un autre puits à marches connu sous le nom de bâoli de Rajon Ki. Il est possible que ce puits ait été utilisé par des maçons et que le nom de l'endroit provienne de ce fait. Le bâoli de Rajon ki fut construit sous le règne d'Ibrahim Lodi (r. de 1517 à 1526), le dernier sultan Lodi de Delhi, en 1516. Une mosquée attenante au puits d'escalier pourrait avoir été utilisée par les maçons. Une tombe à douze piliers se trouve également près de la mosquée. Une inscription nous informe que le tombeau fut construit en 1506 à l'époque de Sikandar Lodi (r. de 1489 à 1517). Le tombeau, construit en maçonnerie de moellons, est décoré de plâtre calcaire.
Près de la dargah de Kaki se trouve Zafar Mahal (également connu sous le nom de Lal Mahal ou Mahal Sarai), un bâtiment en grès rouge décoré de marbre. Cette structure fut construite à l'origine par Akbar II (r. de 1806 à 1837). Plus tard, la structure fut agrandie par Bahâdur II (r. de 1837 à 1857), qui changea le nom de la structure en Zafar Mahal, d'après son nom de plume "Zafar". Cette structure à trois étages est l'une des dernières grandes réalisations des Moghols. L'extension comprenait une porte de 15 mètres et des balcons fermés. Asher pense qu'en construisant une structure adjacente au dargah de Kaki, les Moghols auraient essayé de tirer leur autorité du dargah en temps de crise.
Dar-ul Aman
La tombe du sultan de Delhi Ghiyâs ud-Dîn Balbân (r. de 1266 à 1287) est également située dans le parc archéologique de Mehrauli. L'entrée du tombeau ressemble au style architectural indien pré-turc. Réalisée en moellons, elle est percée d'ouvertures arquées sur tous ses côtés. Ibn Battuta et Barani ont mentionné que le corps de Balbân avait été enterré dans cette tombe. Battuta écrit que Balbân avait lui-même construit cette structure et l'avait nommée Dar-ul Aman. Il ajoute que quiconque cherchait un refuge trouvait la sécurité dans cet endroit. La structure de forme carrée possède des pièces spacieuses de chaque côté, qui pourraient avoir fait partie du Dar-ul Aman. La tombe carrée de 11,5 mètres de côté ne porte aucune inscription.
L'importance de cette structure réside dans le fait que le tombeau de Balbân fut le premier vrai arc et vrai dôme construit en Inde. Cependant, le dôme n'a pas survécu. Bien qu'Aibak ait essayé de construire un véritable arc, il n'y est pas parvenu. Bien que les arcs et les dômes véritables soient célèbres dans l'architecture islamique, les premiers sultans n'étaient pas en mesure de remplir les conditions requises. La plupart des artisans étaient indiens et n'avaient aucune idée de la construction d'un véritable arc. D'autre part, les matériaux utilisés pour la construction n'étaient pas non plus adaptés à un tel édifice. Asher pense que le concept d'arcs en encorbellement et l'architecture indienne préislamique n'étaient pas étrangers aux premiers sultans. Elle souligne qu'il existe des preuves que des travailleurs indiens ont construit des structures à Ghazni. Elle affirme que puisque les premiers sultans ont un lien direct ou indirect avec Ghazni, il est probable qu'ils connaissaient ce type d'architecture indienne, et cette familiarité peut être une autre raison pour laquelle ils auraient construit des arcs en encorbellement dans les années de formation du sultanat de Delhi.
À côté de la tombe de Balbân se trouve une structure rectangulaire que l'on pense être la tombe du fils de Balbân, Mohammed. Le fils de Balbân mourut en 1285-86 en combattant les Mongols. Sa mort sur le champ de bataille lui valut le titre de Khan-e Shahid. Aujourd'hui encore, la tombe est connue sous le nom de tombe de Khan-e Shahid. Cependant, les tombes sont généralement carrées ou polygonales et non rectangulaires, ce qui suggère la possibilité que la tombe de Khan-e Shahid ne soit pas une tombe du tout. Non loin de là, une autre structure ressemblant à un tombeau, située au nord, est généralement considérée comme le véritable tombeau de Khan-e Shahid.
Mosquée Jamali Kamali
À 300 mètres au sud de la tombe de Balbân se trouve la mosquée Jamali Kamali. Sa construction débuta sous le règne de l'empereur moghol Babur (r. de 1526 à 1530) en 1528-1529 et s'acheva sous Humâyûn en 1536. On pense que la structure fut construite sur la demeure de Qutbuddin Bakhtiyar Kaki par Shaikh Jamali Kamboh, également connu sous le nom de Jalal Khan, un célèbre saint soufi. La mosquée est à nef unique, contrairement aux grandes mosquées de congrégation construites par les premiers sultans du sultanat de Delhi. Ce type de mosquée à nef unique était populaire à l'époque de Lodi et sous les Moghols. La mosquée est construite en grès rouge et décorée de marbre blanc et de quartzite. Le mur ouest porte des inscriptions coraniques. La salle de prière de la mosquée possède également un écran voûté. Citant Percy Brown, le professeur Salim Zaweed a affirmé que la mosquée Jamali Kamali faisait le lien entre les styles moghol et lodi. La structure comporte également cinq mihrabs.
La tombe de Jamali se trouve à côté de la mosquée. On pense que la construction du tombeau aurait commencé en 1528-1529, avant sa mort. Cependant, certaines sources suggèrent que son tombeau aurait été construit par son fils après sa mort. Le nom de Jamali a souvent été associé à celui d'un autre personnage appelé Kamali. Mais selon Salim Zaweed, Kamali est peut-être un mythe du XIXe siècle. La structure à un étage est décorée avec du plâtre peint et des tuiles colorées, tandis que l'extérieur est décoré avec des tuiles vernissées. La tombe porte des inscriptions contenant des poèmes de Jamali en persan et en écriture naksh.
À 500 mètres au sud de la mosquée de Jamali Kamali se trouve la mosquée Madhi Masjid. Cette mosquée est unique en ce sens que sa salle de prière présente à la fois des éléments d'une mosquée à murs ouverts et d'une mosquée couverte. La structure fut construite au début de la période moghole et fut ornée de tuiles colorées. À l'est, on trouve une porte carrée en forme de dôme, construite en pierre grise. Elle possède également des fenêtres en saillie en pierre rouge.
Tombes mogholes
Au nord de la route Qutb-Mehrauli se trouve la tombe d'Adham Khan (1531-1562), un général de l'armée moghole qui fut enterré ici en 1567 avec sa mère Maham Anga. Également connu sous le nom de bhulbhuliya, le bâtiment comporte une chambre octogonale et un porche de chaque côté. Selon certains spécialistes, cette structure ressemble au style Pathan, introduit sous le règne de Fîrûz Shâh Tughlûq (r. de 1351 à 1388).
À 150 mètres au sud-est du Qutb Minar se trouve la tombe de Muhammad Quli Khan, fils de Maham Anga et frère d'Adham Khan. La structure octogonale à deux étages comporte huit piliers, un dôme islamique et était décorée de tuiles vernissées. La chambre funéraire est dotée d'ouvertures arquées sur tous les côtés; il s'agit d'une réplique de la tombe d'Adham Khan. Plus tard, Thomas Metcalfe, commissaire de Delhi entre 1835 et 1853, acheta et agrandit la structure et la renomma Dilkhusa. Il y ajouta un hangar à bateaux et une chute d'eau et en fit sa résidence d'été. Trois-quatre chambres ont été ajoutées à la structure à cette époque. L'extension de Metcalf comprenait également des tours extrapyramidales à deux marches connues sous le nom de Garhgas et une folie.
Conclusion
Le parc archéologique de Mehrauli comprend de nombreuses structures allant du pré-sultanat à la période coloniale. Il retrace également l'évolution de l'architecture indienne, des styles architecturaux hindous du pré-sultanat à l'architecture sultanienne et moghole, puis coloniale. Ce site archéologique ne raconte pas seulement l'histoire de l'évolution de l'architecture, mais aussi l'histoire politique, économique et sociale de la ville de Delhi. Cependant, le manque de protection et les empiètements illégaux restent une menace pour le patrimoine et le passé de l'Inde.