Hérodote: Des Coutumes des Perses

Article

Joshua J. Mark
de , traduit par Pierre-Henri Larcher
publié le 18 janvier 2012
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Disponible dans ces autres langues: anglais, persan

Hérodote (484-425 av. JC), historien grec qui a beaucoup écrit sur l'Empire perse, décrit ici les coutumes perses telles qu'elles auraient été pratiquées vers 430 av. JC à Suse et dans d'autres communautés perses. Ce passage, tiré du livre I de ses Histoires, est intéressant dans la mesure où Hérodote oppose le comportement et les valeurs des Perses à ceux des Grecs, les Perses semblant s'en sortir plus favorablement:

131. Voici les coutumes qu'observent, à ma connaissance, les Perses. Leur usage n'est pas d'élever aux dieux des statues, des temples, des autels ; ils traitent au contraire d'insensés ceux qui le font : c'est, à mon avis, parce qu'ils ne croient pas, comme les Grecs, que les dieux aient une forme humaine. Ils ont coutume de sacrifier à Jupiter (61) sur le sommet des plus hautes montagnes, et donnent le nom de Jupiter à toute la circonférence du ciel. Ils font encore des sacrifices au Soleil, à la Lune, à la Terre, au Feu, à l'Eau et aux Vents, et n'en offrent de tout temps qu'à ces divinités. Mais ils y ont joint dans la suite le culte de Vénus Céleste ou Uranie, qu'ils ont emprunté des Assyriens et des Arabes. Les Assyriens donnent à Vénus le nom de Mylitta, les Arabes celui d'Alitta, et les Perses l'appellent Mitra.

IL N'Y A PAS DE NATION QUI ADOPTE AUSSI FACILEMENT LES COUTUMES ÉTRANGÈRES QUE LES PERSES.

132. Voici les rites qu'observent les Perses en sacrifiant aux dieux dont je viens de parler. Quand ils veulent leur immoler des victimes, ils ne dressent point d'autel, n'allument point de feu, ne font pas de libations, et ne se servent ni de flûtes, ni de bandelettes sacrées, ni d'orge mêlée avec du sel. Un Perse veut-il offrir un sacrifice à quelqu'un de ces dieux, il conduit la victime dans un lieu pur, et, la tête couverte d'une tiare couronnée le plus ordinairement de myrte, il invoque le dieu. Il n'est pas permis à celui qui offre le sacrifice de faire des voeux pour lui seul en particulier ; il faut qu'il prie pour la prospérité du roi et celle de tous les Perses en général, car il est compris sous cette dénomination. Après qu'il a coupé la victime par morceaux, et qu'il en a fait bouillir la chair, il étend de l'herbe la plus tendre, et principalement du trèfle. Il pose sur cette herbe les morceaux de la victime, et les y arrange. Quand il les a ainsi placés, un mage, qui est là présent (car sans mage il ne leur est pas permis d'offrir un sacrifice), un mage, dis-je, entonne une théogonie ; c'est le nom qu'ils donnent à ce chant. Peu après, celui qui a offert le sacrifice emporte les chairs de la victime, et en dispose comme il juge à propos.

Empire of Cyrus the Great
Empire de Cyrus le Grand
SG (CC BY-SA)

133. Les Perses pensent devoir célébrer plus particulièrement le jour de leur naissance que tout autre, et qu'alors leur table doit être garnie d'un plus grand nombre de mets. Ce jour-là, les gens heureux (62), se font servir un cheval, un chameau, un âne et un boeuf entiers, rôtis aux fourneaux. Les pauvres se contentent de menu bétail. Les Perses mangent peu de viande, mais beaucoup de dessert, qu'on apporte en petite quantité à la fois. C'est ce qui leur fait dire que les Grecs en mangeant cessent seulement d'avoir faim, parce qu'après le repas on ne leur sert rien de bon, et que, si on leur en servait, ils ne cesseraient pas de manger. Ils sont fort adonnés au vin, et il ne leur est pas permis de vomir ni d'uriner devant le monde. Ils observent encore aujourd'hui ces usages. Ils ont coutume de délibérer sur les affaires les plus sérieuses après avoir bu avec excès ; mais, le lendemain, le maître de la maison où ils ont tenu conseil remet la même affaire sur le tapis avant que de boire. Si on l'approuve à jeun, elle passe ; sinon on l'abandonne. Il en est de même des délibérations faites à jeun ; on les examine de nouveau lorsqu'on a bu avec excès.

134. Quand deux Perses se rencontrent dans les rues, on distingue s'ils sont de même condition, car ils se saluent en se baisant à la bouche ; si l'un est d'une naissance un peu inférieure à l'autre, ils se baisent seulement à la joue ; et si la condition de l'un est fort au-dessous de celle de l'autre, l'inférieur se prosterne devant le supérieur. Les nations voisines sont celles qu'ils estiment le plus, toutefois après eux-mêmes. Celles qui les suivent occupent le second rang dans leur esprit ; et, réglant ainsi leur estime proportionnellement au degré d'éloignement, ils font le moins de cas des plus éloignées. Cela vient de ce que, se croyant en tout d'un mérite supérieur, ils pensent que le reste des hommes ne s'attache à la vertu que dans la proportion dont on vient de parler, et que ceux qui sont les plus éloignés d'eux sont les plus méchants. Sous l'empire dés Mèdes, il y avait de la subordination entre les divers peuples. Les Mèdes les gouvernaient tous ensemble, aussi bien que leurs plus proches voisins. Ceux-ci commandaient à ceux qui étaient dans leur proximité, et ces derniers à ceux qui les touchaient. Les Perses, dont l'empire et l'administration s'étendent au loin, ont aussi dans la même proportion des égards pour les peuples qui leur sont soumis.

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Xerxes I Relief
Relief de Xerxès Ier
Jona Lendering (CC BY-SA)

135. Les Perses sont les hommes les plus curieux des usages étrangers. Ils ont pris en effet l'habillement des Mèdes, s'imaginant qu'il est plus beau que le leur ; et dans la guerre ils se servent de cuirasses à l'égyptienne. Ils se portent avec ardeur aux plaisirs de tous genres dont ils entendent parler, et ils ont emprunté des Grecs l'amour des garçons. Ils épousent chacun plusieurs jeunes vierges, mais ils ont encore un plus grand nombre de concubines.

(Hérodote, Histoires, Livre I, Trad. du grec par Larcher, Remacle)

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Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

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Mark, J. J. (2012, janvier 18). Hérodote: Des Coutumes des Perses [Herodotus: On The Customs of the Persians]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-149/herodote-des-coutumes-des-perses/

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Mark, Joshua J.. "Hérodote: Des Coutumes des Perses." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le janvier 18, 2012. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-149/herodote-des-coutumes-des-perses/.

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Mark, Joshua J.. "Hérodote: Des Coutumes des Perses." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 18 janv. 2012. Web. 19 avril 2024.

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