
Passmore Williamson (1822-1895) était un abolitionniste quaker, un homme d'affaires prospère et un membre du chemin de fer clandestin à Philadelphie, en Pennsylvanie. Williamson aida de nombreux esclaves à recouvrer la liberté, dont Henry Box Brown (vers 1815 à 1897), mais il est surtout connu pour le sauvetage de Jane Johnson (vers 1814/1827 à 1872) en juillet 1855 et son emprisonnement ultérieur, qui lui valut une célébrité nationale.
Williamson et William Still (1819-1902), tous deux membres actifs de la Pennsylvania Anti-Slavery Society et du Chemin de fer clandestin, sauvèrent Jane Johnson de son maître, John Hill Wheeler, sur les docks de Philadelphie, et Still l'emmena, elle et ses deux fils, et les cacha dans une maison sécurisée. Wheeler demanda au juge John K. Kane de délivrer une ordonnance d'habeas corpus à Williamson pour que Johnson et les garçons comparaissent devant le tribunal. Williamson ne put s'exécuter car il ne savait pas où Still les avait emmenés. Il fut accusé d'outrage à magistrat et fut condamné à 100 jours de prison à Moyamensing.
La libération de Jane Johnson, le procès subséquent de William Still et de cinq dockers qui avaient aidé à son évasion et, surtout, l'emprisonnement de Williamson devinrent des nouvelles nationales, et Williamson devint une célébrité en tant que prisonnier. Il reçut la visite de Harriet Tubman (c. 1822-1913), de Frederick Douglass (1818-1895) et de bien d'autres. Des amis lui envoyèrent des cadeaux et tout le confort d'une maison pour sa cellule de prison, et il accorda des interviews sur l'évasion de Jane Johnson et les maux de l'esclavage à tous ceux qui le demandaient.
Lorsqu'il fut libéré, le 3 novembre 1855, son nom était connu dans tout le pays, et son emprisonnement injuste ne fit qu'aggraver les tensions entre les États libres du Nord et les États esclavagistes du Sud, ce qui finit par conduire à la guerre de Sécession. La Société antiesclavagiste de Pennsylvanie publia en 1855 un livre sur les faits relatifs à l'affaire Passmore Williamson, qui suscita l'indignation de la population et aggrava les tensions de plus en plus vives. Un extrait de cet ouvrage figure ci-dessous.
Jeunesse et abolition
Passmore Williamson vit le jour à Westtown Township, en Pennsylvanie, en 1822. Il était le fils de Thomas et Elizabeth Williamson, tous deux quakers et opposés à l'esclavage. Il avait deux sœurs. Dans les années 1840, la famille déménagea à Philadelphie, en Pennsylvanie, où Thomas trouva du travail en tant qu'agent immobilier chargé de préparer les actes de propriété. Passmore reprit la profession de son père et devint un homme d'affaires prospère et un membre respecté de la communauté. En 1848, il épousa Mercie Knowles Taylor, avec qui il aurait quatre enfants.
Ayant été élevé par ses parents dans l'opposition à l'esclavage, il rejoignit tout naturellement la Pennsylvania Abolition Society en 1842 et en fut élu secrétaire en 1848. Même parmi les abolitionnistes les plus convaincus, Williamson était considéré radical et se consacrait pleinement à la cause de toutes les manières possibles, que ce soit directement en tant qu'agent et conducteur du chemin de fer clandestin ou indirectement en finançant des opérations de libération d'esclaves.
En 1849, Williamson contribua à libérer Henry Box Brown de l'esclavage. Brown avait eu l'idée de se faire poster dans une boîte de Richmond, en Virginie, à Philadelphie, mais il lui fallait bien sûr une adresse. Williamson accepta que Brown lui soit livré et était présent lorsque la boîte fut ouverte et que Brown en sortit en homme libre.
La Pennsylvanie étant un État libre, dès qu'un esclave y arrivait, il était légalement libre. Les esclaves amenés dans l'État par leurs maîtres, pour quelque raison que ce soit, pouvaient revendiquer leur liberté, mais seulement s'ils trouvaient un moyen de faire savoir qu'ils étaient esclaves, et non pas un serviteur noir libre ou un Noir libre voyageant avec un compagnon blanc, ce qui était l'histoire que les maîtres encourageaient leurs esclaves à raconter si on le leur demandait. C'était le cas de Jane Johnson, à qui son maître Wheeler avait dit de dire à quiconque le lui demanderait qu'elle était une Noire libre voyageant avec son ami, un pasteur blanc.
Évasion de Jane Johnson et emprisonnement de Williamson
En juillet 1855, William Still apprit qu'une esclave, Jane Johnson, et ses deux enfants cherchaient à recouvrer la liberté et seraient bientôt emmenés hors de l'État. Ils avaient été amenés par leur maître, John Hill Wheeler, dans l'État libre de Pennsylvanie, mais se dirigeaient vers New York et, de là, vers le Nicaragua, où Wheeler se rendait pour accepter un poste au sein du gouvernement. Still alerta Williamson et les deux hommes se précipitèrent sur les quais, où ils séparèrent Johnson et ses deux fils de Wheeler.
Still emmena Johnson et les garçons dans une calèche, et Williamson s'adressa à Wheeler, lui donna sa carte et lui dit qu'il accepterait toutes les conséquences juridiques. Wheeler se rendit au tribunal et demanda au juge John K. Kane du tribunal de district des États-Unis, qui était favorable aux esclavagistes, de délivrer une ordonnance d'habeas corpus à Williamson pour qu'il fasse comparaître Johnson et ses fils devant le tribunal.
Williamson répondit honnêtement qu'il ne pouvait pas présenter Johnson et ses fils parce qu'il n'avait aucune idée de l'endroit où ils se trouvaient. Conformément à la politique habituelle du chemin de fer clandestin, la connaissance de l'endroit où les esclaves étaient cachés, que ce soit dans une planque ou ailleurs, se faisait selon le principe de la "nécessité de savoir". Still n'avait aucune raison de dire à Williamson où il avait caché Johnson et ses fils, et il ne pouvait donc se plier à la décision du juge Kane, fut accusé d'outrage à magistrat et fut condamné à 100 jours à la prison de Moyamensing.
Prisonnier vedette
Le cas de Williamson devint rapidement une nouvelle nationale. La loi sur les esclaves fugitifs de 1850 obligeait tous les citoyens des États libres, même ceux qui étaient personnellement opposés à l'esclavage, à dénoncer les esclaves fugitifs aux autorités et à aider les chasseurs d'esclaves à les appréhender. Cette loi était extrêmement impopulaire dans le Nord. Des personnes qui n'avaient jamais réfléchi à l'esclavage commencèrent à être favorables à l'abolition, car elles étaient désormais contraintes de coopérer avec les esclavagistes pour perpétuer l'"institution particulière" contre leur volonté.
En vertu de la loi sur les esclaves fugitifs de 1850, si Jane Johnson et ses garçons s'étaient enfuis à Philadelphie par leurs propres moyens et avaient revendiqué leur liberté, n'importe qui pouvait les dénoncer contre une récompense, et ils seraient rendus à leur maître. Williamson fit remarquer à la cour que ce n'était pas le cas de Jane Johnson, qui avait été amenée par son maître dans un État libre et qui, en vertu de la loi, avait tout à fait le droit de revendiquer sa liberté.
Son argumentation fut reprise par les journaux locaux, puis nationaux, et il accordait régulièrement des interviews et "tint un tribunal" dans sa cellule de prison, qui était confortablement meublée par des amis et des admirateurs. Williamson déposa une demande d'habeas corpus auprès de la Cour suprême de l'État de Pennsylvanie, affirmant qu'il était emprisonné illégalement, mais cette demande fut rejetée au motif que le juge Kane l'avait reconnu coupable d'outrage à magistrat et que sa détention était donc légale.
Le cas de Williamson fut popularisé davantage encore lorsque, en août 1855, William Still et les cinq matelots qui l'avaient aidé à libérer Johnson, ainsi que Williamson, furent jugés pour agression, création d'une émeute et enlèvement. Wheeler prétendit que Still avait enlevé Johnson contre son gré et engagea une équipe d'avocats de premier ordre pour obtenir une condamnation.
Johnson, alors en sécurité à New York, retourna à Philadelphie au péril de sa vie, pour témoigner qu'elle avait réclamé sa liberté de son propre chef, sans pression ni de Still ni de Williamson, et conclut son témoignage en disant que Williamson était en prison à cause d'elle, et qu'elle espérait que ses paroles au tribunal lui seraient bénéfiques. Still et trois des matelots furent acquittés, et les deux autres furent condamnés à des peines plus légères que celles qu'ils auraient reçues sans le témoignage de Johnson; mais Williamson resta en prison.
Les abolitionnistes se réjouissaient de son emprisonnement, car plus il restait enfermé dans cette cellule, plus les médias en parlait, ce qui encourageait davantage de personnes à soutenir la cause abolitionniste. Lucretia Mott (1793-1880), la célèbre militante des droits de la femme et abolitionniste, qui était également quaker, fut l'une des nombreuses personnes à reconnaître par écrit que l'emprisonnement injuste de Williamson ralliait de plus en plus de personnes à la cause de l'abolition.
En même temps, et même si ses amis rendaient sa cellule confortable et accueillante, il était toujours emprisonné, et ses amis et sympathisants demandèrent au juge Kane une libération anticipée. Kane refusa, et Williamson purgea la totalité des 100 jours, ce qui affecta sa santé. Après sa libération en novembre 1855, il retourna à son travail et à la cause abolitionniste pendant les dix années qui suivirent, jusqu'à ce que le treizième amendement ne mette fin à l'esclavage en 1865.
On sait peu de choses de la vie de Williamson après la guerre civile américaine (1861-1865). Il participa activement au mouvement américain pour le suffrage des femmes et soutint Lucretia Mott et d'autres dans leurs efforts pour obtenir le droit de vote. Il semble avoir connu des difficultés financières à la fin de sa vie. Mercie Williamson décéda en 1878 et Passmore Williamson en 1895, de causes naturelles.
Texte
Le texte suivant est extrait de Narrative of the Facts in the Case of Passmore Williamson, publié par la Pennsylvania Anti-Slavery Society, 1855, extrait de Internet Archive.
John H. Wheeler, de Caroline du Nord, ministre accrédité des États-Unis au Nicaragua, est arrivé dans la ville de Philadelphie, en route de Washington vers le Nicaragua, le mercredi 18 juillet 1855. Il était accompagné de Jane Johnson, une femme qu'il avait achetée comme esclave, environ deux ans auparavant, à Richmond, en Virginie, et de ses deux enfants, tous deux des fils, l'un âgé de 6 ou 7 ans et l'autre de 11 ou 12 ans.
Son but avoué était de les garder comme esclaves, non seulement dans les États libres de Pennsylvanie, du New Jersey et de New York, mais aussi dans le pays libre du Nicaragua! Avocat de profession et diplomate, il devait être parfaitement conscient qu'aucun des États cités ne tolérait un seul instant l'existence de l'esclavage sur son territoire, sauf dans le cas d'esclaves s'échappant d'autres États. Il semble avoir compté pour son immunité sur le respect inspiré par son statut de politicien et sur sa vigilance personnelle pour protéger Jane et ses enfants.
À son arrivée au Baltimore Railroad Depot, à l'angle des rues Broad et Prime, dans cette ville, il les a conduits à l'hôtel Bloodgood, près du quai de Walnut Street, s'arrêtant en chemin chez un parent. Pendant les deux heures et demie qu'a duré leur séjour chez Bloodgood, il n'a perdu de vue ses compagnons qu'une seule fois. L'intention de Jane d'affirmer sa liberté à la première occasion avait été pleinement formée avant son départ du Sud. C'est une femme remarquablement intelligente pour une personne totalement dépourvue d'éducation.
Lorsque M. Wheeler a été appelé pour le dîner, elle n'a pas osé pas bouger, pensant qu'il avait les yeux rivés sur elle. Elle a bien fait, car au bout de quelques minutes, il a quitté le réfectoire pour vérifier si elle était toujours là, et, satisfait, il est revenu pour terminer un repas hâtif. A ce moment-là, elle s'est adressée à une femme de couleur qui passait, et lui a dit qu'elle était esclave, et à un homme de couleur elle a dit la même chose, ajoutant ensuite qu'elle souhaitait être libre.
Une heure plus tard, William Still, membre actif du comité de vigilance et employé du bureau anti-esclavagiste de Philadelphie, a reçu une note lui demandant de se rendre à l'hôtel Bloodgood le plus rapidement possible, car trois esclaves voulaient être libérés et que leur maître était avec eux, en route pour New York.
Ce billet en main, M. Still s'est adressé au secrétaire du comité d'action de la "Société de Pennsylvanie pour la promotion de l'abolition de l'esclavage et/ou le soulagement des nègres libres illégalement retenus en esclavage, et pour l'amélioration de la condition de la race africaine". Cette société, dont les objectifs sont suffisamment indiqués par son nom, a été constituée par un acte législatif en 1789; Benjamin Franklin en a été le premier président, et elle a depuis lors apporté une aide efficace à la liberté en Pennsylvanie. M. Williamson, l'actuel secrétaire, est tout à fait digne d'occuper son poste. Bien éduqué, intelligent, actif et doté d'un jugement sûr, il jouit depuis longtemps du respect et de la confiance illimitée d'un large cercle de connaissances et d'amis.
Williamson et Still se sont empressés de se rendre à l'hôtel. M. Williamson, qui est arrivé le premier, a découvert que le groupe était monté à bord du bateau qui se trouvait alors à l'embarcadère, avec l'intention de prendre le train de cinq heures de Camden et Amboy pour New York. - Il les a suivi et a trouvé Jane et ses enfants assis sur le pont supérieur. Il s'est approché d'elle et lui a dit: "Vous êtes la personne que je cherche, je présume".
M. Wheeler, qui était assis sur le même banc, à trois ou quatre pieds d'elle, a demandé ce que M. Williamson lui voulait. La réponse a été la suivante: "Rien, je ne m'occupe que de cette femme". Au milieu des interruptions répétées de M. Wheeler, M. Williamson a expliqué calmement à Jane qu'elle était libre en vertu des lois de Pennsylvanie, et qu'elle pouvait soit aller avec M. Wheeler, soit jouir de sa liberté en quittant le navire.
La conversation entre Williamson, Wheeler, Still et un passant s'est poursuivie pendant plusieurs minutes, les mêmes idées étant fréquemment répétées. Quelques personnes se sont rassemblées autour d'eux pour les écouter. Wheeler a prié Jane, de la manière la plus pressée et la plus sérieuse, de dire qu'elle voulait aller avec lui voir ses enfants en Virginie. Elle a répondu qu'elle voulait voir ses enfants, mais qu'elle voulait être libre. Enfin, la cloche a sonné, et M. Williamson, supposant que le bateau était sur le point de partir, s'est tourné vers Jane et lui a dit: "Le moment est venu où vous devez agir; si vous voulez exercer votre droit à la liberté, vous devrez venir à terre immédiatement."
Elle a regardé ses deux enfants, a saisi la main ou le bras de son voisin et a tenté de se lever de son siège. Wheeler l'a repoussée en disant: "Ne t'en va pas, Jane." Elle a renouvelé son effort pour se lever et y est parvenue avec l'aide de M. Williamson. Le premier mouvement de Wheeler a été de repousser Jane, mais très vite il a décidé de la serrer contre lui.
M. Williamson l'a tirée en arrière et l'a tenue jusqu'à ce qu'elle ne soit hors de danger. Jane a avancé fermement vers l'escalier menant au pont inférieur. C'est à la tête de l'escalier, si l'on en croit M. Wheeler, qu'il a été saisi par deux hommes de couleur et menacé par l'un d'eux; mais l'interrogatoire le plus minutieux et le plus répété des témoins n'a pas permis d'obtenir le moindre témoignage d'une menace autre que celle qui avait été proférée sur le pont inférieur.
Elle a été conduite en bas des escaliers du bateau et ses enfants ont été pris et emmenés après elle; l'un d'eux pleurait avec véhémence. Elle et ses enfants ont été conduits à terre, mis dans une voiture et, au milieu des huées des spectateurs, ont été conduits vers un lieu sûr.
Il y avait une foule de personnes, y compris quelques officiers de police, sur et autour du bateau à ce moment-là, mais personne n'a opposé de résistance. Tous semblaient considérer qu'il s'agissait d'un travail digne d'être fait et approuvaient la manière dont il avait été exécuté.
M. Williamson s'est comporté très judicieusement dans cette affaire et s'est acquitté du devoir que lui imposait sa fonction, d'une manière qui correspondait à son importance. Aux menaces de M. Wheeler, il a répondu en lui donnant sa carte, en indiquant où on pouvait le trouver en cas de besoin, et en disant qu'il serait responsable des conséquences juridiques de son action.