Paradoxe de Protagoras

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Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
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Dans la Grèce antique, les sophistes étaient une classe de professeurs qui, moyennant une rémunération assez élevée, enseignaient aux jeunes gens aisés la politique, l'histoire, les sciences, le droit, les mathématiques et la rhétorique, ainsi que les points les plus délicats de la grammaire et de l'histoire. Ils affirmaient pouvoir rendre un jeune homme apte à exercer une fonction politique et, ce qui était tout aussi important pour les Grecs litigieux de l'époque (en particulier à Athènes), être en mesure de présenter un dossier solide, que ce soit pour l'accusation ou la défense, devant un tribunal.

Ces enseignants se déplaçaient de ville en ville pour donner des conférences, accueillir des élèves et débattre publiquement de sujets (ce dernier point servant peut-être de publicité pour leurs talents d'orateur et de disputeur). Dans les dialogues philosophiques de Platon (428/427-348/347 av. J.-C.), ils sont presque tous décrits de manière défavorable en tant que prédateurs frauduleux qui s'attaquaient aux jeunes hommes ignorants de la classe supérieure d'Athènes et soutiraient de fortes sommes d'argent à leurs parents en échange de compétences, selon Platon, qu'ils auraient pu tout aussi bien acquérir gratuitement dans le cadre de l'enseignement public.

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Bien que Platon n'ait eu de mots doux pour aucun sophiste, celui qu'il semble avoir le plus méprisé était Protagoras d'Abdère (485-415 av. J.-C.), le philosophe relativiste le plus connu pour son affirmation selon laquelle "l'homme est la mesure de toutes choses". Pour Protagoras, l'expérience est relative à l'individu et la vérité objective d'un sujet n'a aucune importance, car la "vérité" est définie par l'interprétation individuelle.

On ne sait pas grand-chose de la vie ou de la pensée de Protagoras, car il ne reste de ses œuvres que des fragments cités par des auteurs ultérieurs, mais ses compétences juridiques légendaires sont illustrées dans le modèle connu sous le nom de Paradoxe de Protagoras, que les érudits citent encore aujourd'hui et qui est connu sous le nom de Paradoxe de l'avocat.

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Platon et les sophistes

Platon critiquait régulièrement les sophistes de la Grèce antique. Peut-être parce que, quand il n'était que le jeune poète Aristocle (Platon était son surnom), ses parents les employèrent pour sa propre éducation ou peut-être parce que l'un de ces sophistes, Critias (c. 460-403 av. J.-C.), était le cousin de sa mère, un élève précoce de Socrate (c. 470/469-399 av. J.-C.), et qu'il devint l'un des trente tyrans d'Athènes qui renversèrent la démocratie, faisant passer Socrate, son ancien mentor, sous un jour défavorable.

À un moment ou à un autre, Platon critiqua tous les sophistes les plus connus, tels que Gorgias (c. 427 av. J.-C.), qui clamait que ce que les gens définissaient comme "connaissance" n'était rien d'autre qu'une opinion et que la connaissance réelle était inconnaissable et, si elle était connue, incommunicable. Les sophistes semblent souvent s'être laissés aller à des affirmations relativistes afin de vanter leur capacité à retourner les arguments en leur faveur et à gagner des clients qui paieraient cher pour que leurs fils apprennent précisément ce genre de compétences.

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Parmi les sophistes les plus connus dont Platon fait un portrait défavorable se trouve Thrasymaque (c. 459-400 av. J.-C.). Dans la République de Platon, livre I, par exemple, Thrasymaque débat avec Socrate sur le sens de la justice, affirmant qu'elle n'est que l'avantage du plus fort, et ce dans un forum semi-public, une réunion dans la maison de Céphale, le père des amis de Platon, à la suite de la fête panathénaïque. Thrasymaque est dépeint comme une brute intellectuelle qui tente d'amener Socrate à admettre que la "justice" n'a pas d'autre définition réelle que la victoire du plus fort sur le plus faible. Platon montre ensuite Socrate en train de lui prouver qu'il a tort et de remporter l'argument.

L'une des accusations portées par Platon à l'encontre des sophistes, comme nous l'avons vu, est qu'ils demandaient des honoraires - généralement élevés - pour enseigner aux étudiants ce qu'ils auraient pu apprendre dans les écoles publiques. Avant la création de la profession de sophiste, les sages enseignaient volontiers aux autres ce qu'ils savaient gratuitement.

Democritus & Protagoras
Démocrite et Protagoras
Hermitage Museum (Public Domain)

Protagoras et son paradoxe

L'homme désigné comme le premier sophiste, et certainement le plus célèbre, est Protagoras d'Abdère (c.485-415 av. J.-C.), surtout connu, comme nous l'avons vu, pour avoir affirmé que "l'homme est la mesure de toutes choses" et que l'existence des dieux ne pouvait être ni prouvée ni réfutée. Alors que Protagoras, comme ceux qui le suivirent, demandait des honoraires exorbitants pour ses services, on raconte que le grand sophiste aurait un jour été trompé par l'un de ses élèves, et cette histoire est connue sous le nom de Paradoxe de Protagoras.

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Protagoras avait accepté d'enseigner gratuitement le droit et la rhétorique à un jeune homme pauvre, Euathlos (issu d'une famille ouvrière), à condition qu'il paie la totalité des honoraires du sophiste si, et seulement si, il gagnait son premier procès. Une fois qu'Euathlos eut terminé ses études avec Protagoras, il évita assidûment de prendre des affaires. Protagoras, à bout de patience avec le jeune homme, l'assigna en justice pour obtenir un paiement et argumenta de la manière suivante:

Si je gagne ce procès, Euathlos devra me payer ce qu'il me doit. Si je ne gagne pas ce procès, Euathlos devra quand même me payer car, en vertu de notre accord, il aura alors gagné son premier procès. Par conséquent, quelle que soit l'issue du procès, Euathlos devra me payer.

Euathlos toutefois contesta cette affirmation, en déclarant:

Si je gagne ce procès, je n'aurai pas à payer Protagoras, puisque le tribunal a déclaré son procès invalide. Si je ne gagne pas ce procès, je n'aurai toujours pas à payer, car je n'aurai pas gagné mon premier procès. Par conséquent, quoi qu'il arrive, je n'ai pas à payer.

Cet argument (pour lequel aucune solution n'a jamais été proposée dans l'Antiquité) est connu sous le nom de Paradoxe de l'avocat et la résolution de la question est encore débattue aujourd'hui dans les facultés de droit en tant que problème de logique.

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Bibliographie

  • B. Jowett. The Dialogues of Plato. 1937
  • L. Alqvist. `Deontic Logic' in Handbook of Philosophical Logic. 1984
  • Sophists [Internet Encyclopedia of Philosophy], accessed 1 Dec 2016.
  • Thomas Mautner. The Penguin Dictionary of Philosophy. 2000

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Joshua J. Mark est cofondateur et Directeur de Contenu de la World History Encyclopedia. Il était auparavant professeur au Marist College (NY) où il a enseigné l'histoire, la philosophie, la littérature et l'écriture. Il a beaucoup voyagé et a vécu en Grèce et en Allemagne.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2012, janvier 18). Paradoxe de Protagoras [Protagoras's Paradox]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-66/paradoxe-de-protagoras/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Paradoxe de Protagoras." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le janvier 18, 2012. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-66/paradoxe-de-protagoras/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Paradoxe de Protagoras." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 18 janv. 2012, https://www.worldhistory.org/article/66/protagorass-paradox/. Web. 28 juin 2025.

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