Muhammad Ghûrî

Définition

Saurav Ranjan Datta
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 06 novembre 2019
Disponible dans ces autres langues: anglais
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Shrine of Muhammad Ghori (by Saadsaleh14019, CC BY-SA)
Sanctuaire de Muhammad Ghûrî
Saadsaleh14019 (CC BY-SA)

Shihab al-Din (également Mu`izz ud-Dîn Muhammad), populairement connu sous le nom de Muhammad Ghûrî (r. de 1173 à 1206), fut le souverain musulman qui jeta les bases des dynasties islamiques qui régnèrent par la suite sur l'Inde et qui connurent leur apogée plus tard dans l'Empire moghol (1526-1857). Avec son frère aîné Ghiyâs al-Din Muhammad (vers 1139-1202), il régna sur une vaste région comprenant des parties de l'Afghanistan, du Pakistan, de l'Inde, de l'Iran, du Bangladesh, du Turkménistan et du Tadjikistan actuels, généralement connue sous le nom d'Empire ghoride.

Muhammad Ghûrî était d'origine persane, mais son appartenance ethnique exacte fait encore l'objet de débats. Il est sans aucun doute l'un des plus grands généraux de l'histoire islamique et indienne. Bien qu'il ait été vaincu dans de nombreuses batailles, notamment par le souverain Prithivîrâja Châhumâna III (r. de 1178 à 1192) lors de la première bataille de Tarain en 1191, par le souverain Mularaja II vers 1178 et par les souverains de l'empire khwarezmien, il ne renonça jamais à ses conquêtes et établit un vaste empire. Cependant, il ne put consolider son empire avant d'être assassiné en 1206. Son principal objectif était d'annexer davantage de provinces et, en tant que général avisé, il utilisait sa religion chaque fois que cela s'avérait nécessaire pour inspirer ses forces.

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Il pratiquait la foi sunnite de l'islam et c'est lui qui établit véritablement la suprématie islamique dans le sous-continent indien. Administrateur très compétent mais sans descendance, Muhammad comprit qu'il avait besoin non seulement de courtisans compétents pour son royaume, mais aussi de certains de ses plus proches collaborateurs pour lui succéder et prendre le contrôle de son empire une fois qu'il serait parti. Les souverains islamiques avaient également pour habitude d'élever leurs esclaves, qui devenaient par la suite les confidents les plus proches des sultans. De la même manière, Muhammad Ghûrî choisit certains de ses esclaves les plus talentueux et les éleva en leur donnant une formation spéciale généralement dispensée aux princes. À sa mort, son esclave de confiance, Qûtb ud-Dîn Aibak, prit le contrôle des régions les plus prisées des riches plaines indiennes et devint le premier empereur du sultanat de Delhi (1206-1526). Tajuddin Yildiz devint le souverain de Ghazni, Nasir-ud-Din Qabacha celui d'une région centrée autour de Multan, et Muhammad Khalji devint le premier souverain islamique de la région du Bengale.

Jeunesse et ascension

Les souverains islamiques commencèrent leur invasion de l'Inde lorsqu'un général du nom de Muhammad ben Al-Qasim fut envoyé par le calife omeyyade vers 710/711 pour poursuivre la conquête et qu'il captura le Sind et Multan (aujourd'hui au Pakistan) au roi hindou Raja Dahir. Plus tard, lorsque la dynastie des Ghaznavides monta en puissance, le sultan Mahmud de Ghazni (r. de 999 à 1030) effectua plusieurs raids féroces en Inde au début du XIe siècle, ce qui donna un élan aux Ghorides ultérieurs.

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Les Ghorides montèrent en puissance à l'époque de leur roi, le sultan Ala ad-Dîn Husayn (r. de 1149 à 1161), l' "incendiaire du monde".

L'ascension des Ghorides commença à l'époque où, en raison du vide laissé par le déclin des anciennes dynasties islamiques telles que les Samanides, les Turcs seldjoukides, etc., deux empires s'élevèrent simultanément - l'empire khwarezmien basé en Perse et les Ghorides basés à Ghor - modifiant le paysage politique de l'Asie centrale et de l'Ouest. Les Ghorides commencèrent par être les vassaux des Ghaznévides avant de briser et de renverser la domination des Ghaznévides en raison de leur déclin. Les Ghorides montèrent en puissance à l'époque de leur roi, le sultan Ala ad-Dîn Husayn (r. de 1149 à 1161) qui, pour venger ses frères tués par un souverain ghaznévide, ravagea et brûla la ville de Ghazni, ce qui lui valut le surnom de "Jahansuz", qui signifie approximativement "Incendiaire du monde".

Muhammad Ghûrî vit le jour vers 1149 et était le neveu du sultan Ala al-Dîn. À la mort d'Ala al-Dîn, puis de son fils Sayf al-Dîn, le frère aîné de Muhammad, Ghiyâs al-Din, monta sur le trône avec le soutien de leurs nobles. Il confia à son jeune frère de nombreuses régions à gouverner ; Muhammad devint le souverain de Ghazni lorsqu'ils s'emparèrent de cette ville en 1173 aux mains des Turcs Oguz/Ghuzz qui l'avaient précédemment prise aux Ghaznévides, y établissant progressivement une base solide pour leurs conquêtes ultérieures.

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Campagnes indiennes

Après avoir aidé son frère dans plusieurs campagnes qui leur permirent de consolider leurs positions, Muhammad Ghûrî se tourna vers l'Inde. D'une part, l'empire khwarezmien, à l'ouest, exerçait une pression constante sur eux et, d'autre part, Mahmoud de Ghazni avait déjà créé un précédent en lançant des raids sur les légendaires terres riches de l'Inde. Ainsi, après être monté sur le trône de Ghazni en 1173, Muhammad Ghûrî emprunta le col de Gomal et conquit Multan et Uchch dans le nord-ouest du sous-continent indien. Puis, en 1178, tout comme Mahmoud l'avait fait au Gujarat, il traversa le désert de Thar et attaqua les Solankî du Gujarat, probablement pour imiter le même exploit, mais il fut complètement mis en déroute par le souverain gujarati, ce qui poussa Ghûrî à changer d'avis et de tactique. Il abandonna rapidement le romantisme d'une invasion transdésertique et se concentra sur Lahore, une base sûre dans la région du Pendjab, afin de poursuivre ses campagnes en Inde. En 1190, il expulsa les Ghaznévides de la région du Pendjab et conquit Sialkot, Lahore et Peshawar. Il se dirigea ensuite vers Delhi et les riches terres fertiles du Doab Ganga-Yamuna.

Ghiyath al-Din Muhammad
Ghiyâs al-Din Muhammad
HistoryofIran (CC BY)

Les deux batailles de Tarâin

À la même époque, en Inde, le clan rajput des Chahamanas (également connu sous le nom de Chauhans) était en pleine ascension sous l'égide de son chef charismatique Prithivîrâja III. À cette époque, les Chahamanas avaient déjà conquis la région de Delhi sur les Tomars, l'ancien souverain, et Prithivîrâja lui-même s'était fait beaucoup d'ennemis par ses conflits incessants avec les autres souverains hindous des régions voisines. En 1191, Muhammad Ghûrî prit l'initiative de prendre d'assaut un fort à Tabarhinda (Bhatinda, aujourd'hui dans le sud du Pendjab). L'armée de Prithivîrâja s'y précipita pour l'affronter et à un endroit appelé Tarâin près de Thaneswar dans l'Haryana à environ 150 km de Delhi, les forces de Muhammad Ghûrî furent mises en déroute et s'enfuirent. Quelques sources (comme India : A History de John Keay) affirment également que la bataille fut décidée par un combat personnel entre Muhammad Ghûrî et le commandant de l'armée de Prithivîrâja, Govind Raja, où Ghûrî fut gravement blessé et ne put s'échapper que grâce à la bravoure d'un guerrier khalji. Les forces de Chahamana ne les poursuivirent pas pour mettre fin à leurs jours, mais les forces ghorides purent s'échapper pour poursuivre le combat.

La deuxième bataille de Tarâin marqua un tournant dans l'histoire de l'Inde et consolida la domination islamique dans le sous-continent.

Muhammad retourna dans son royaume pour récupérer et se ressaisir. Il y recruta ensuite des troupes issues de diverses communautés ethniques - turques, afghanes, persanes, etc. - et se prépara au prochain assaut. Lorsqu'il envahit à nouveau le pays en 1192, on dit qu'il disposait d'une force d'environ 120 000 soldats. Cette bataille marqua un tournant dans l'histoire de l'Inde et consolida la domination islamique dans le sous-continent. Bien que Prithivîrâja, avec ses 300 000 soldats, ait eu l'avantage numérique sur Ghûrî, les forces rajputs connurent de nombreux problèmes d'organisation. L'armée rajput provenait de plusieurs régions et communautés différentes et manquait d'unité. Elle était composée de plusieurs clans, chaque unité étant dirigée par un chef de clan ayant ses propres coutumes, contrairement au commandement central strict des forces ghorides, qui étaient bien mieux organisées et utilisaient des tactiques supérieures. Les forces ghorides encerclaient l'ennemi par les flancs après l'avoir laissé pénétrer profondément dans leurs formations, lui coupant ainsi la retraite. Lors de la deuxième bataille de Tarain, Muhammad Ghûrî attaqua les Rajputs par surprise, alors qu'ils n'étaient pas préparés, et les prit d'assaut. Le temps que les Rajputs rassemblent leurs armes et s'organisent, les forces de Prithviraj étaient en déroute. De nombreuses personnes perdirent la vie et Prithviraj lui-même fut capturé plus tard et, dit-on, exécuté.

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Forces ghorides et campagnes ultérieures

L'une des principales caractéristiques des forces ghorides était leur commandement central sous la direction d'un chef compétent. Comme les guerriers d'Asie centrale et occidentale descendaient des tribus nomades de la steppe, où leur survie dépendait de leur rapidité à chevaucher pour chasser leurs proies, ils étaient toujours prêts à se battre et pouvaient déplacer des forces importantes dans un délai très court. Leurs chevaux d'Asie centrale étaient également supérieurs, ce qui donnait à leur cavalerie la vitesse et la souplesse nécessaires pour lancer des attaques soudaines, écraser l'ennemi et se retirer en un clin d'œil, une tactique très efficace dans les batailles. Leur équipement était plus léger que celui de l'armée rajput, et la chaîne de commandement était organisée de manière plus efficace. Leur armée prête à l'emploi pouvait se déplacer rapidement et envahir sans laisser à l'ennemi le temps de se préparer.

Coin of Muhammad Ghori
Pièce de Muhammad Ghûrî
Amol N. Bankar (CC BY-SA)

La deuxième bataille de Tarâin établit la domination ghoride en Inde, le chef des Rajputs, Prithivîrâja, étant battu et Delhi capturée pour d'autres incursions dans le sous-continent indien. Bientôt, les forces turques ghorides s'emparèrent d'une grande partie du nord de l'Inde, avec des villes importantes comme Meerut, Ajmer, etc. Muhammad Ghûrî retourna alors dans son fief afghan pour aider son frère à consolider l'ouest. Il laissa son général esclave Aibak contrôler Delhi et un autre de ses généraux, Muhammad Khalji, poursuivit sa route vers l'est où il s'empara du Bengale et des régions adjacentes. En 1194, les forces ghorides commandées par Aibak vainquirent également Jayachandra de Kanauj, le dernier roi indépendant de la célèbre dynastie Gahadavala, qui régnait sur certaines parties de l'Uttar Pradesh et du Bihar actuels.

Pendant ce temps, Muhammad Ghûrî menait plusieurs campagnes contre l'empire khwarezmien. Son frère aîné mourut en 1202, ce qui l'obligea à retourner immédiatement à Ghor où il fut couronné sultan par les nobles. Après son accession au trône, il continua à faire face à plusieurs assauts de la part des dirigeants de l'empire khwarezmien.

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Mort et héritage

Muhammad Ghûrî fut confronté à des guerres constantes au cours de sa vie et, après son accession au trône en 1202, Ghor -même fut menacé par l'empire khwarezmien. En 1203/1204, une sévère défaite encouragea certains de ses homologues indiens à se révolter. En 1206, il réprima brutalement une révolte des Ghakkars, une communauté martiale du Pendjab, et laissa les affaires indiennes sous la direction avisée de son général esclave Aibak. Alors qu'il retournait en Afghanistan, quelque part dans la région du Pendjab, dans son camp, il aurait été assassiné par cette même communauté Ghakkar, bien que l'on ait également supposé qu'il ait pu être assassiné par une secte islamique rivale.

Les campagnes de Muhammad Ghûrî en Inde et ailleurs laissèrent une impression durable à la postérité. Il n'eut pas de descendance et fut remplacé par ses généraux esclaves, qu'il avait élevé comme ses propres fils en leur donnant une formation martiale et une éducation de haut niveau afin d'en faire des administrateurs compétents à l'avenir. Qûtb ud-Dîn Aibak accéda au poste le plus important de sultan de Delhi et de l'Hindoustan. Il était très bien formé aux affaires de l'État et de l'armée, puisqu'il avait accompagné Muhammad dans ses différentes campagnes. Lorsqu'Aibak monta sur le trône de Delhi, il annexa une grande partie des plaines indiennes, plus que ce que Muhammad avait envisagé à l'origine. Il fut également un souverain très compétent qui consolida son empire et se montra juste et généreux envers ses sujets. Malheureusement, il mourut peu de temps après, en 1210, alors qu'il jouait au polo. L'héritage d'Aibak est encore perceptible aujourd'hui dans les différents monuments de Delhi. Sa dynastie est aujourd'hui connue sous le nom de dynastie des esclaves ou dynastie mamelouke.

Muhammad Khalji, son autre esclave, annonça la domination islamique dans la région du Bengale en Inde. Il fut suivi par plusieurs dynasties islamiques et sultans au Bengale. L'influence de Khalji dans cette région de l'Inde fut telle qu'aujourd'hui encore, le folklore raconte qu'il s'empara de certaines parties du Bengale avec ses quelques cavaliers au galop, sans rencontrer de résistance de la part des dirigeants locaux. Bien que les preuves historiques ne confirment pas cette légende, Muhammad Khalji est encore aujourd'hui considéré avec admiration et respect au Bengale. Lui aussi périt prématurément en tentant d'envahir le Tibet en 1206, où il fut vaincu, tomba malade et fut ensuite assassiné.

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Tajuddin Yildiz succéda au trône de Ghazni, et l'histoire se souviendrait davantage de lui en raison de ses prétentions au trône de Delhi. Il fut vaincu dans une bataille pour le sultanat par le sultan mamelouk Shams-ud-din Iltutmish en 1216 et fut mis à mort plus tard la même année. Nasiruddin Qabacha, qui devint le souverain de Multan, mourut également en combattant le sultan Shams-ud-din Iltutmish en 1228.

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Bibliographie

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Saurav Ranjan Datta
Saurav Ranjan Datta belongs to the city of Kolkata in India. By education, he is a post-grad in management and by profession working in a corporate organisation in the same city. His passion is history.

Citer cette ressource

Style APA

Datta, S. R. (2019, novembre 06). Muhammad Ghûrî [Muhammad Ghori]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18560/muhammad-ghuri/

Style Chicago

Datta, Saurav Ranjan. "Muhammad Ghûrî." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le novembre 06, 2019. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18560/muhammad-ghuri/.

Style MLA

Datta, Saurav Ranjan. "Muhammad Ghûrî." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 06 nov. 2019. Web. 13 oct. 2024.

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