Cincinnatus

Définition

Donald L. Wasson
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 04 avril 2017
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Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol
Cincinnatus (by ohkylel @twitter, CC BY-NC-ND)
Cincinnatus
ohkylel @twitter (CC BY-NC-ND)

Lucius Quinctius Cincinnatus était un consul romain (460 av. J.-C.) et un dictateur (458 et 439 av. J.-C.), une figure légendaire des débuts de la République romaine. Répondant à l'appel des pères de la ville, il laissa sa charrue dans les champs, revêtit sa toge de sénateur et conduisit l'armée romaine à la victoire sur les envahisseurs èques, avant de retourner dans sa petite ferme 15 jours plus tard. Pendant des générations, il fut pour les Romains, jeunes et vieux, le symbole de ce à quoi un citoyen loyal devait aspirer.

Bien que Cincinnatus ait longtemps été considéré comme une représentation héroïque du citoyen romain vertueux, certains historiens mettent en doute cette histoire, affirmant qu'elle n'est rien de plus qu'un mythe. Pourtant, même si beaucoup n'acceptent pas l'authenticité de l'histoire, ils soutiennent que cela n'a pas vraiment d'importance qu'elle soit vraie ou non. Comme tout mythe ou légende, l'histoire de l'héroïque Cincinnatus servit un objectif utile en ralliant les citoyens de la jeune République, démontrant qu'un citoyen loyal devait placer les affaires de l'État au-dessus de son propre intérêt.

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La menace des Èques

Pour beaucoup, Cincinnatus était le modèle du Romain idéal. Son acte désintéressé représentait à la fois les vertus d'un vrai Romain et la grandeur de la République.

Selon la version acceptée de l'histoire, Cincinnatus était un patricien et un ancien consul qui avait connu des temps difficiles et s'était retrouvé à cultiver une petite parcelle de quatre acres le long de la rive droite du Tibre, appelée plus tard prairies quinctiennes (prata Quinctia) en son honneur. Nous sommes en 458 av. J.-C. et la jeune République romaine est assiégée par ses voisins. Cette fois, il s'agissait des Èques, une petite tribu située en Italie centrale, à l'est de Rome. L'armée romaine, dirigée par le consul Lucius Minucius Esquilinus Augurinus, peu compétent, était prise au piège sur le mont Algide, dans les collines d'Alban, au sud-est de Rome. N'ayant que peu d'alternatives - le consul Gaius Nautius Rutilus étant également inapte - Rome se tourna vers le vieux Cincinnatus et lui offrit le poste de dictateur. Un dictateur ou magister populi pouvait être nommé en cas d'extrême urgence, pour une durée de six mois seulement ; toutefois, pendant cette période, il détenait une autorité totale.

Selon l'historien romain du Ier siècle av. J.-C., Tite-Live, dans son Histoire de Rome, Cincinnatus était en train de labourer son champ (d'autres pensent qu'il creusait un fossé) lorsqu'il fut abordé par une délégation de Rome. L'ancien consul fut choisi à l'unanimité car "en lui se trouvaient le courage et la résolution à la hauteur de l'autorité majestueuse de cette fonction" (3.26). Tite-Live ajoute,

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Après les salutations réciproques, il fut prié de revêtir sa toge afin d'entendre le mandat du sénat, et ils exprimèrent l'espoir que tout se déroulerait bien pour lui et pour l'État. Il demanda alors, avec surprise, si tout allait bien, et demanda à sa femme, Racilia, de lui apporter rapidement sa toge depuis la chaumière. (3.26)

Après un appel aux bénédictions des dieux sur la République et "pour épargner à sa vieillesse d'apporter la perte ou le déshonneur à son pays dans sa détresse", il écouta la délégation l'informer du danger qui menaçait Rome (3.26). Avec une certaine hésitation, Cincinnatus, se demandant encore pourquoi il avait été choisi, accepta la nomination et partit avec la délégation. En entrant dans la ville, il s'avança vers l'assemblée, proclamant une suspension de toutes les affaires publiques et privées et ordonnant la fermeture des magasins. Ensuite, il demanda à tous les hommes en âge de combattre de se présenter au Champ de Mars armés de cinq jours de vivres. La victoire, selon la légende, fut rapide, et une paix limitée avec les Èques fut conclue. Tite-Live fit le récit de la bataille et des demandes des Éques vaincus, "... de ne pas faire de leur extermination le prix de la victoire, mais de leur permettre de rendre leurs armes et de partir" (3.29). Malheureusement, les Èques reviendraient en 457 et 455 av. J.-C., une autre raison pour laquelle beaucoup croient que l'histoire est fausse.

Retour triomphal

En 15 jours, Cincinnatus avait quitté sa ferme, mené l'armée romaine à la victoire, et était retourné à sa charrue. Bien sûr, il ne pouvait pas rentrer chez lui sans célébration. Après un défilé des commandants ennemis vaincus, des soldats romains victorieux de Cincinnatus et une exposition du butin capturé, le char du dictateur victorieux traversa la ville, il commença par le Champ de Mars, passa par le Cirque Maxime et remonta la Via Sacra jusqu'au Temple de Jupiter où les sacrifices appropriés furent faits. La ville célébra l'événement par un triomphe romain. Tite-Live écrit : "On raconte que des tables garnies de provisions se trouvaient devant toutes les maisons, et que les festoyeurs suivaient le char avec des chants de triomphe et les plaisanteries et les lampions habituels" (3.29). Renonçant à sa position de dictateur, Cincinnatus retourna à sa ferme.

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Deuxième dictature

Selon un second mythe, Cincinnatus fut à nouveau appelé à quitter sa ferme pendant l'affaire Maelius en 439 av. J.-C. La rumeur courait que le plébéien Spurius Maelius aurait été tenté de tyranniser la République. Au cours de l'année précédente, Rome avait subi une terrible famine. Le vieux consul Minucius avait été chargé par le Sénat de superviser l'approvisionnement en céréales, mais il s'était révélé incapable de fournir suffisamment de céréales au peuple. Beaucoup pensaient à l'époque que le riche Maelius avait délibérément acheté de grandes quantités de blé en dehors de la ville, dans l'espoir de le revendre au peuple de Rome à bas prix (ou même de le donner gratuitement), afin de gagner ses faveurs. Les patriciens de la ville pensaient qu'il avait l'intention de s'établir en tant que monarque.

Maelius Before Cincinnatus
Maelius devant Cincinnatus
Domenico Beccafumi (Public Domain)

De nouveau, en tant que dictateur mandaté, Cincinnatus demanda à Maelius de se présenter devant lui, mais Maelius refusa. C'est à ce moment que Cincinnatus ordonna sa mise à mort. Des années plus tard, l'homme d'État et orateur Cicéron, du Ier siècle av. J.-C., qualifia Maelius d'usurpateur dans son essai Les joies de l'agriculture. D'après le récit de l'incident par Cicéron, Cincinnatus avait été rappelé et devait résoudre le problème, ce qu'il avait fait. "Ce furent ses ordres, en tant que dictateur, qui permirent à son Maître de Cheval, Gaius Servilius Ahala, d'attraper Spurius Maelius qui tentait de se faire roi, et de le mettre à mort" (236).

Mythe ou réalité ?

Pourquoi Cincinnatus est-il considéré par tant de gens comme un héros ? Est-ce que certaines des histoires à son sujet sont vraies ? La réponse aux deux questions données par beaucoup est que cela n'a pas vraiment d'importance. Bien sûr, tout le monde ne le considérait pas comme un héros, même de son vivant, il y avait beaucoup de gens à Rome qui ne l'auraient pas appelé un héros. De nombreux plébéiens ne l'auraient certainement pas considéré comme un héros pour son opposition aux droits des plébéiens et des pauvres de la ville. Tite-Live rapporta leur réaction à l'arrivée du dictateur dans la ville, "...ils n'étaient pas du tout heureux de voir Quinctius ; ils considéraient le pouvoir dont il était investi comme excessif, et l'homme lui-même plus dangereux que son pouvoir" (3.26). Pour beaucoup d'autres, cependant, il était le modèle du Romain idéal. Il avait acquis gloire et dignité grâce à sa victoire sur les Èques, mais par devoir et loyauté, il renonça au pouvoir de dictateur, se souciant davantage du bien de l'État que de son prestige personnel.

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Cincinnatus at Schönbrunn
Cincinnatus, château de Schonbrunn, Autriche
Maclemo (CC BY-SA)

Cet acte désintéressé représentait à la fois les vertus d'un vrai Romain et la grandeur de la République. Ces vertus consistaient à mener une vie simple, à être patriote et attaché aux valeurs romaines, à être impartial et à renoncer aux richesses. Cependant, de nombreux Romains patriotes ont mis en doute la validité des histoires concernant Cincinnatus. Même Cicéron, qui s'exprima sur le rappel du dictateur en 439 av. J.-C., souleva quelques doutes sur les supposés exploits légendaires lorsqu'il a écrit,

Mais je veux parler de mes propres affaires, alors revenons aux paysans. À cette époque, les sénateurs vivaient dans leurs fermes - si l'on en croit l'histoire selon laquelle les hommes envoyés pour annoncer à Lucius Quinctius Cincinnatus sa nomination comme dictateur l'ont trouvé à la charrue (sic). (236)

Encore une fois, ces histoires sont-elles vraies ? Cela ne semble pas avoir d'importance. Les Romains étaient un peuple fier qui se tournait vers son passé, souvent idéal, pour s'établir et se justifier, et pour justifier leur accession au pouvoir. Ils regardaient la riche histoire de leurs voisins grecs avec des yeux envieux. Les colonies grecques étant présentes sur la péninsule italienne depuis des générations, les Romains étaient en contact permanent avec la riche civilisation hellénistique, sa philosophie, son art, sa littérature et même sa religion. Ils adoptèrent la culture grecque à bras ouverts, allant jusqu'à engager des tuteurs grecs pour leurs enfants. L'Enéide de Virgile relie même le passé de Rome à l'une des plus grandes légendes grecques, la guerre de Troie. Cincinnatus donna aux Romains un héros bien de chez nous. Il quitta la charrue pour mener les forces romaines à la victoire et, sans hésiter, s'en retourna à sa ferme, renonçant au pouvoir d'un dictateur. Qu'est-ce qui pourrait être plus héroïque que cela ?

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Donald L. Wasson
Donald a enseigné l’histoire antique et médiévale ainsi que l’histoire des États-Unis à Lincoln College (Illinois). Éternel étudiant d’histoire depuis qu’il a découvert Alexandre le Grand, il met toute son énergie à transmettre son savoir à ses étudiants.

Citer cette ressource

Style APA

Wasson, D. L. (2017, avril 04). Cincinnatus [Cincinnatus]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-15859/cincinnatus/

Style Chicago

Wasson, Donald L.. "Cincinnatus." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le avril 04, 2017. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-15859/cincinnatus/.

Style MLA

Wasson, Donald L.. "Cincinnatus." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 04 avril 2017. Web. 26 avril 2024.

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