Khosro Ier (r. de 531 à 579) fut le plus grand roi de l'Empire sassanide (224-651) dans pratiquement tous les aspects de son règne. Il réforma l'armée et le gouvernement perse, étendit ses territoires, entreprit des projets de construction à grande échelle et favorisa le développement des arts, des sciences et de la religion.
Il est également connu sous les noms de Khosrow, Kosrau, ou encore Husrav et sous son épithète Anushirvan ("Celui de l'âme immortelle"). Il était le fils du roi Kavadh Ier (r. de 488 à 496, et de 498 à 531), dont les efforts lui permirent de se doter d'une armée redoutable, de restreindre les influences de la noblesse et d'instaurer une société stable. Khosro Ier s'appuya sur ces fondations, élargissant les territoires de l'Empire perse et encourageant une renaissance de l'apprentissage et de l'application pratique des sciences qui influenceraient plus tard les cultures musulmanes arabes et européennes.
Il mena campagne contre Rome, dans le Caucase et dans le nord de l'Arabie, étendant son empire et encourageant les échanges interculturels, et fit de même en contrôlant une section vitale de la route de la soie. Les traités qu'il conclut avec d'autres dirigeants concernant le commerce, ainsi que le réseau de routes qu'il fit construire ou réparer dans tout son empire, permirent des transactions plus rapides et plus fluides entre les marchands, ce qui profita à toutes les parties concernées.
Khosro Ier était connu des Grecs comme l'incarnation du roi philosophe de Platon, car il s'intéressait intensément à la philosophie, invitant à sa cour des érudits et des philosophes qui venaient d'Inde, de Grèce, de Rome et de partout ailleurs pour discuter du sujet. Lorsque Justinien Ier (r. de 527 à 565) ferma les temples et les universités païennes de l'Empire byzantin, Khosro Ier invita les professeurs et les prêtres sur son territoire et les reçut dans sa capitale de Ctésiphon. Il poursuivit le travail commencé par ses prédécesseurs en transcrivant l'Avesta (les écritures zoroastriennes) sous forme écrite et développa les centres intellectuels et culturels dans toute sa région. À sa mort, il avait porté l'empire sassanide à son apogée.
Prise du pouvoir de Kavadh et de Khosro
Avant le règne de Khosro Ier, les deux plus grands rois sassanides avaient été Chapour Ier (r. de 240 à 270 de notre ère) et Chapour II (r. de 309 à 379 de notre ère). Entre les deux, les rois sassanides avaient été presque totalement inefficaces et, à quelques exceptions notables près, le même schéma se maintint entre Chapour II et Kavadh Ier.
Lorsque Kavadh Ier arriva au pouvoir, il s'imposa presque instantanément comme une force impressionnante dans la région, soumettant les Khazars qui menaient des incursions dans l'empire depuis le Caucase et les défaisant complètement en 490 de notre ère. Reconnaissant que l'élite sassanide et les magi (classe sacerdotale) étaient beaucoup trop influents en politique, il s'aligna sur le mouvement religieux du mazdakisme qui bénéficiait d'un large soutien parmi les classes inférieures depuis environ 484 de notre ère.
Le mazdakisme était une forme précoce de communisme, mais fondé sur des préceptes religieux. Le prophète Mazdak pensait que chacun, quelle que soit sa classe sociale, devait partager équitablement ses richesses et ses biens. Il s'était inspiré du zoroastrisme et du manichéisme pour formuler une vision religieuse dans laquelle la simplicité de l'habillement et du mode de vie identifiait une personne soit aux forces du Bien, soit à celles du Mal. Ses enseignements défiaient les puissants magi et nobles zoroastriens et menaçaient de saper les fondements de la hiérarchie sociale sassanide en remettant en cause les concepts de propriété privée et de richesse. Malgré cela, Kavadh Ier reconnut qu'ils pouvaient être une arme utile contre la puissante noblesse et le clergé zoroastrien et encouragea le mouvement.
À cette époque, la classe supérieure prélevait les impôts pour son propre usage et ne reversait au trésor de l'empire que ce qu'elle jugeait nécessaire. Le clergé zoroastrien, quant à lui, était devenu aussi corrompu et égoïste que le clergé de la religion iranienne primitive à laquelle Zoroastre lui-même s'était opposé vers 1500 avant notre ère. Kavadh Ier instaura des réformes fiscales conformes aux préceptes du mazdakisme, ce qui mit naturellement en colère la noblesse et le clergé, qui le déposèrent et l'emprisonnèrent dans la Forteresse de l'oubli et placèrent son frère Zamasp (r. de 496 à 498 de notre ère) sur le trône.
Kavadh Ier s'échappa de sa prison et s'enfuit dans la région des Hephthalites (Huns blancs), épousa la fille de leur roi et revint avec une force de plus de 30 000 hommes pour reprendre son trône en 498 de notre ère. Il poursuivit alors ses politiques antérieures, y compris le soutien au mazdakisme, pour mettre la noblesse et le clergé sous contrôle. Cependant, les Hephtalites, bien qu'ils l'aient aidé à reprendre le pouvoir et qu'il ait été marié à l'une des leurs, s'attendaient à ce qu'il continue à leur payer le tribut qui avait été établi sous le précédent roi sassanide, Balash (alias Valash, r. de 484 à 488), drainant ainsi du trésor tout ce qui avait été gagné auprès des nobles. Kavadh Ier ne put s'y soustraire, mais Khosro Ier attendrait son heure et finirait par éliminer complètement la menace hephtalite.
La date de naissance de Khosro Ier est contestée (entre 500 et 514), mais en 524, il était déjà un officier militaire fiable au service de son père. Kavadh Ier, ayant réussi à réduire le pouvoir de la noblesse et du clergé, n'avait plus besoin du soutien des disciples de Mazdak et envoya Khosro Ier se débarrasser d'eux. Selon la légende, il fit enterrer les partisans de Mazdak la tête la première dans un verger, invita leur chef à venir voir les "arbres rares" jamais vus auparavant, puis l'exécuta en le suspendant pour servir de cible à ses archers. À la mort de Kavadh Ier en 531, Khosro Ier lui succéda et tira le meilleur parti de l'assise militaire et économique de son père.
Début de règne et réformes
Khosro Ier commença son règne en exécutant ses frères, qui contestaient la succession, ainsi que tous ceux qui les soutenaient. Il fit ensuite la paix avec l'Empire byzantin, ce qui lui permit de se concentrer sur les réformes internes. Il poursuivit la politique de son père en limitant le pouvoir de la noblesse et du clergé et fit en sorte que les impôts qui enrichissaient les deux classes soient désormais versés directement au trésor impérial.
Il décréta également la création d'une nouvelle classe de nobles - des citoyens de la classe supérieure propriétaires de terres mais non issus de la noblesse - connus sous le nom de deghans. Cette mesure réduisit le pouvoir des familles nobles en élargissant la définition du terme "noble" et permit également à ces nouveaux nobles de s'enrôler dans la force d'élite des Savarans, un honneur auparavant réservé aux anciennes familles aristocratiques, ce qui élargit ses unités de cavalerie.
Il consolida le gouvernement et divisa l'armée en quatre districts dont chacun était dirigé par un général: La Mésopotamie à l'ouest, le Caucase au nord, le golfe Persique au sud et l'Asie centrale à l'est. Cette innovation permettait à chaque général de répondre aux menaces dans sa région respective sans avoir à consulter un haut commandement militaire central et à attendre sa réponse. Il élargit également l'armement et améliora l'armure des Savarans.
Le spécialiste Kaveh Farrokh note que l'une des réformes militaires les plus importantes de Khosro Ier fut la création du "cavalier composite dont le rôle était de combiner les fonctions des archers à cheval et des chevaliers porteurs de lance" (231). Il s'agissait d'une unité distincte des cataphractes plus lourdement armés et blindés, ce qui permettait un déploiement plus rapide sur le terrain. Chaque commandant, et chaque unité, était soumis à un examen critique en termes de professionnalisme et de conduite personnelle et, contrairement au passé, le mérite personnel était récompensé plutôt que les liens familiaux.
Première guerre contre l'Empire byzantin
Khosro Ier négocia la Pax Perpetuum ("paix éternelle") avec Justinien Ier entre 532 et 535 et, n'ayant pas à se préoccuper d'un déclenchement des hostilités, mit en œuvre ces réformes et consolida son pouvoir. La "paix éternelle" ne dura toutefois que jusqu'en 540, date à laquelle Justinien Ier intervint dans la politique du Caucase et de la Mésopotamie. Cette intervention ne suffit pas à inciter Khosro Ier à rompre la paix mais, à la même époque, des émissaires des Goths d'Italie arrivèrent à sa cour dans l'espoir d'obtenir son aide. Le grand général romain Bélisaire (505-565) était en train d'écraser la résistance des Goths en Italie avec brio, et une offensive sassanide, suggéraient-ils, attirerait Bélisaire vers l'est, leur donnerait le temps de se regrouper, ce qui profiterait à la fois aux intérêts des Goths et des Sassanides en divisant et en drainant les ressources byzantines.
Il ne semble pas que Khosro Ier ait été enclin à aider les Goths, mais la nouvelle des victoires de Bélisaire lui suggéra, ainsi qu'à son haut commandement, que, dès que Bélisaire aurait vaincu les Goths en Italie, il serait envoyé contre les Sassanides sous un prétexte quelconque. Afin d'empêcher Justinien Ier d'étendre son empire aux dépens des Perses, Khosro Ier lança une attaque préventive en Syrie, prenant les villes de Sura et d'Antioche. Il marcha ensuite sur Apamée puis sur Chalcis, battant les forces byzantines déployées à la hâte contre lui.
Sa campagne fut un succès éclatant et il semblait inarrêtable lorsque la région septentrionale du Lazica lui demanda de l'aide contre les incursions byzantines dans cette région. Khosro Ier abandonna sa campagne mésopotamienne et se dirigea vers Lazica. Ironiquement, ses campagnes - lancées dans le but de frapper pendant que les Byzantins étaient occupés à d'autres tâches avant que Bélisaire ne puisse être rappelé dans la région - ramenèrent le grand général à prendre le contrôle de l'armée byzantine meurtrie. Avec Khosro Ier au nord, Bélisaire arrêta facilement l'avancée des Sassanides, s'empara de Sisauranon et envoya tous les prisonniers de guerre à Constantinople pour les empêcher de reprendre les armes.
Le succès de la guerre lazique dépendait de la prise par les Sassanides de la forteresse de Pétra sur la mer Noire (à ne pas confondre avec le centre nabatéen en Jordanie), qui était fortement défendue. Khosro Ier ordonna à ses ingénieurs d'entourer le fort d'un grand fossé, coupant ainsi leur approvisionnement et les forçant à se rendre. Khosro Ier orchestra la même brillante campagne dans le Lazique qu'en Mésopotamie lorsque la nouvelle des victoires de Bélisaire arriva.
Khosro Ier revint du Lazique pour faire face à la situation, mais Bélisaire était prêt à l'accueillir. L'armée sassanide était bien plus nombreuse que les Byzantins mais, lors d'un premier pourparler, Bélisaire arriva avec un contingent de 6 000 hommes habillés et équipés de manière à donner l'impression qu'il s'agissait d'une simple partie de chasse. Bélisaire espérait que Khosro Ier penserait que la force byzantine devait être énorme, si une simple partie de chasse était si importante, et qu'il abandonnerait sa campagne; le plan fonctionna et Khosro Ier se retira de Mésopotamie.
Guerres lazique et arabe
Khosro Ier entama alors des négociations avec Justinien Ier, mais les Byzantins, pensant que Khosro Ier négociait en position de faiblesse, tendirent une embuscade aux Sassanides en Arménie et les hostilités reprirent. Les Sassanides écrasèrent les forces byzantines en Arménie mais, dans le Lazique, les Ibères chrétiens s'alignèrent sur les Byzantins et une série de batailles se déroulèrent entre 547 et 551, chaque camp prenant et perdant Pétra au profit de l'autre. Cette guerre finalement inutile se poursuivrait, avec de lourdes pertes de part et d'autre, jusqu'à ce qu'un accord de paix ne soit conclu en 561, stipulant le retrait des Sassanides du Lazique en échange d'un tribut annuel payé par les Byzantins.
Alors que Khosro Ier était occupé en Mésopotamie et dans le Caucase, une situation s'était développée en Arabie qui requérait désormais son attention. Vers la fin du règne de Kavadh Ier, les Byzantins avaient encouragé les Abyssins chrétiens à envahir l'Arabie et, vers 526, ils tenaient la région autour du Yémen. À la fin des guerres laziques, ils étaient devenus suffisamment puissants pour constituer une menace sérieuse pour l'empire sassanide, car une attaque pouvait désormais être lancée sur deux fronts - par les Byzantins et les Abyssins - en écrasant les Sassanides entre les deux. Khosro Ier envoya son général Vahriz en Arabie, qui battit les Abyssins et revendiqua leurs territoires pour l'empire.
Hephtalites, Göktürk et deuxième guerre byzantine
La menace abyssine neutralisée, Khosro Ier se tourna vers les Hephthalites et le fardeau du tribut que les Sassanides continuaient de payer. Khosro Ier vit une opportunité dans les relations difficiles entre les Hephthalites et leurs voisins, les Göktürk, et initia une alliance avec les Turcs pour détruire les Hephthalites. Les Hephthalites étaient de redoutables guerriers montés mais, vers 560, ils n'avaient pas d'unité centrale. Conscient de son incapacité à se défendre sur deux fronts, Khosro Ier lança une attaque de concert avec les Turcs et détruisit les forces hephtalites à la bataille de Gol-Zarriun en 560. L'empire héphtalite tomba et ses terres furent partagées entre l'empire sassanide et les Turcs.
Les ambitions de Khosro Ier creusèrent cependant un fossé entre lui et les Turcs, car il avait besoin de plus de terres et de ressources pour maintenir son empire et contrôler la route de la soie. Les Turcs étaient intéressés par les mêmes objectifs et, lorsque Khosro Ier fit savoir qu'il n'était pas disposé à partager les ressources, les Turcs s'adressèrent au nouvel empereur byzantin, Justin II (r. de 565 à 574), pour négocier une alliance contre les Sassanides. Justin II refusa, mais adopta ensuite une politique qui déclencha le même type de conflit que celui proposé par les Turcs.
Des hostilités entre chrétiens et zoroastriens avaient éclaté en Arménie et, espérant tirer parti du chaos, Justin II revint sur l'accord de Justinien Ier avec les Sassanides pour maintenir des défenses dans le Caucase, ce qui ouvrirait l'Arménie à l'invasion. Les Byzantins pouvaient désormais intervenir dans la région en affirmant qu'il était de leur devoir de défendre leurs coreligionnaires chrétiens. Cette action nécessita une réponse sassanide - Justin II s'y attendait - et Khosro Ier dirigea en personne les forces qui prirent les villes de Dara et de Nisibis aux Byzantins.
Khosro Ier se montra tout aussi capable de lutter contre l'agression byzantine qu'auparavant - les Byzantins n'avaient plus de Bélisaire pour les sauver - et il orchestra une nouvelle série de campagnes brillantes. Justin II fut contraint de demander la paix, de rétablir les défenses et de payer une importante indemnité de guerre. Bien que la paix ait été rétablie, les hostilités entre les empires byzantin et sassanide se poursuivraient par intermittence pendant le reste du règne de Khosro Ier.
Conclusion
Bien qu'il ait été contraint de consacrer beaucoup de temps et d'efforts à la guerre en Perse, Khosro Ier réussit également à développer le commerce, à maintenir une économie saine, à lancer des projets de construction et à encourager le développement des arts et des sciences. Il développa l'Académie de Gondishapur - le grand centre intellectuel et hôpital d'enseignement fondé sous le règne de Chapour Ier - et fit progresser les techniques médicales en empruntant et en améliorant les travaux des médecins et des érudits égyptiens, indiens et grecs.
Khosro Ier s'intéressait vivement à la philosophie, encourageant les philosophes de toutes les nations à venir à sa cour à Ctésiphon, et accueillant tous ceux qui avaient perdu leur poste lorsque Justinien Ier avait fermé les institutions païennes dans l'Empire byzantin. Selon la légende, le jeu d'échecs fut envoyé à sa cour par un monarque indien - sans règles pour l'expliquer - avec pour défi de trouver comment y jouer ou de payer une amende. Khosro Ier, ou ses courtisans, auraient élaboré les règles et envoyé leur jeu de backgammon à l'Inde avec le même défi que le monarque anonyme et sa cour n'auraient pas compris et auraient donc dû payer l'amende. Cette histoire, généralement racontée pour souligner la puissance intellectuelle de Khosro Ier et de sa cour, a été maintes fois contestée, mais elle suggère clairement la haute estime dont lui et ses administrateurs jouissaient.
Il agrandit les murs défensifs le long de la frontière sud, construits sous le règne de Chapour II, et étendit cette ligne le long de ses autres frontières. On lui attribue également l'agrandissement de Ctésiphon et la création de la grande arche de Taq Kasra (bien que cela soit également attribué à Chapour Ier). Ses autres projets de construction comprennent des bains publics, des bâtiments administratifs, des temples du feu et des canaux. Son contrôle de la route de la soie à travers ses territoires garantissait la sécurité des marchands et la livraison en temps voulu des marchandises qui arrivaient de l'est et étaient ensuite échangées avec l'ouest, encourageant ainsi la transmission interculturelle entre les différents acheteurs et vendeurs de diverses nations.
Khosro Ier améliora le travail de Chapour II en mettant l'Avesta par écrit et en développant son commentaire. Bien qu'adepte du zoroastrisme, il s'intéressait aux points de vue de toutes les religions et philosophies et encourageait les discussions et les débats religieux. Bien qu'il ait rapidement puni l'apostasie - en particulier parmi les clercs zoroastriens - et qu'il n'ait pas toléré les enseignements socio-religieux de Mazdak, il permit le développement de nombreuses religions différentes dans tout son empire et encouragea leur expression. À la fin de son règne et de sa vie, il avait créé l'expression la plus grandiose et la plus complète de la culture perse dans le monde antique.
