Les Amorrites étaient un peuple sémitique qui semble avoir émergé de la Mésopotamie occidentale (Syrie actuelle) avant le 3ème millénaire AEC. En sumérien, ils étaient connus sous le nom de Martu ou de Tidnum (dans la période Ur III), en akkadien sous le nom d'Amurru et en Égypte sous le nom d'Amar, noms qui signifient tous 'occidentaux' ou 'ceux de l'ouest', comme le nom hébreu Amorrite. Ils adoraient leur propre panthéon de dieux, avec un dieu-patron nommé Amurru (appelé aussi Belu Sadi - le 'Seigneur des Montagnes'), dont l'épouse, Belit-Seri, était la 'Dame du Désert'). Amurru devint également pour les Akkadiens, la désignation du peuple et de la région de Syrie qu’il occupait. On n'a aucune trace de comment les Amorrites s’appelaient eux-mêmes.
L'association du dieu Amurru avec les montagnes et de sa femme avec le désert suggère, sans que l'on en ait de preuves, qu'ils sont peut-être originaires de la région de Syrie autour du mont Hermon. Leur origine est inconnue et leur histoire précise jusqu'à ce qu'ils s'installent dans des villes comme Mari, Ebla et Babylone, est tout aussi mystérieuse. Dès leur première apparition dans les archives historiques, les Amorrites eurent un profond impact sur l'histoire de la Mésopotamie. Ils sont probablement mieux connus pour leur royaume de Babylonie sous le roi amorrite Hammurabi (règne 1792-1750 AEC). La période entre 2000-1600 AEC en Mésopotamie est connue comme la Période Amorrite, au cours de laquelle leur impact sur la région peut être le plus clairement discerné, mais il ne fait aucun doute qu'ils influencèrent les populations de différentes villes bien avant cette époque, et leur l'impact a été ressenti longtemps après.
Histoire Ancienne
Les Amorrites apparaissent pour la première fois dans l'histoire comme des nomades faisant régulièrement des incursions à partir de l'ouest dans des territoires et des royaumes établis. L'historien Marc Van de Mieroop écrit:
Les Amorrites étaient des groupes semi-nomades du nord de la Syrie, que la littérature babylonienne décrivait en termes extrêmement négatifs:
L'Amorrite est vêtu de peaux de mouton;
Il vit sous des tentes au vent et à la pluie;
Il n'offre pas de sacrifices.
Il est vagabond armé dans la steppe,
Il déterre les truffes et est sans arrêt actif.
Il mange de la viande crue,
Il vit sa vie sans foyer,
Et, quand il meurt, il n'est pas enterré selon les rituels appropriés. (83)
Van de Mieroop et d'autres soulignent que 'Amorrite' peut n'avoir pas désigné à l'origine un groupe ethnique spécifique, mais tout peuple nomade qui menaçait la stabilité des communautés établies. Même si c'est le cas, le terme en vint à désigner à un moment une certaine tribu d'individus possédant une culture spécifique basée sur un mode de vie nomade, vivant de la terre et de la prise de ce qui leur était nécessaire aux communautés qu'ils rencontraient. Ils devinrent plus puissants à mesure qu'ils acquirent plus de terres, jusqu'à ce que, finalement, ils menacent directement la stabilité des habitants des villes établies de la région.
Cette situation mena à une crise au cours de la dernière partie de la période Ur III (appelée aussi Renaissance Sumérienne, 2047-1750 AEC), lorsque le roi Shulgi de la ville d'Ur (sud de l'Irak actuel) construisit un mur de 250 kilomètres de long destiné spécifiquement à maintenir les Amorrites hors de Sumer. Cependant, le mur était trop long pour être correctement gardé et n’était ancré aux extrémités sur aucun obstacle. Une force d'invasion pouvait simplement le contourner pour le passer, et il semble que ce soit précisément ce que les Amorrites firent.
Les incursions amorrites ont conduit à l'affaiblissement d'Ur et de Sumer dans leur ensemble, ce qui encouragea la région d'Élam à monter une invasion et à franchir le mur. Le sac d'Ur par les Élamites en 1750 AEC mit fin à la civilisation sumérienne, mais ceci avait été rendu possible par les incursions préalables et migrations des Amorrites dans toute la région, minant la stabilité et le commerce des villes.
Les Amorrites et les Hébreux
À ce stade de l'histoire, selon certains chercheurs, les Amorrites jouent un rôle central dans le développement de la culture du monde antique. Le livre biblique de la Genèse raconte que le patriarche Terah emmena ses fils Abram (plus tard Abraham) et Haram, sa belle-fille Saraï, et Lot, fils de Haran, de Ur pour aller habiter dans le pays de Haran, en Canaan (Genèse 11:31). Le chercheur Paul Kriwaczek écrit:
La famille de Terah n'était pas sumérienne. Ils ont été longtemps identifiés avec le peuple Amurru ou Amorrite, à qui la tradition mésopotamienne attribuait à la chute d'Ur. William Hallo, professeur d'Assyriologie à l'Université de Yale, confirme que 'des évidences linguistiques basées principalement sur les noms de personnes identifiées comme amorrites… tendent de plus en plus à montrer que ce nouveau groupe parlait une variété de Sémitique ancien, puis l’Hébreu, l'Araméen et le Phénicien'. En outre, comme décrit dans la Bible, les détails de l'organisation tribale patriarcale, les conventions de noms, la structure familiale, les coutumes d'héritage et de régime foncier, les schémas généalogiques et autres vestiges de la vie nomade sont trop proches des preuves des textes cunéiformes disponibles pour être écartés d'emblée comme des caractéristiques tardives. (163-164)
Les Amorrites de la Bible sont décrits comme des habitants pré-israélites du pays de Canaan, clairement séparés des Israélites. Dans le Deutéronome (3:11), ils sont décrits comme les derniers restes des géants (les Rephaïm) qui vivaient autrefois sur terre. Dans le livre de Josué (10:5-10, 11:3-8), ils sont les ennemis des Israélites, et furent défaits par le général Josué. Si les connaissances modernes faisant descendre les Patriarches d'Israël des Amorrites sont exactes, il doit y avoir une raison pour que les scribes hébreux se soient donné autant de peine pour différencier leur propre identité de celle des Amorrites.
On pense que Terah, en enlevant sa famille de Sumer, conserva l'identité ethnique originale de la tribu et apporta cet héritage culturel avec lui à Canaan où Abraham, puis Isaac, puis Jacob devaient établir cette culture comme 'les Enfants d'Israël (autre nom de Jacob)'. Le Livre de la Genèse raconte l'histoire de Joseph, le plus jeune fils de Jacob, et de son séjour en Égypte et son ascension au pouvoir là-bas. Le Livre de l'Exode raconte comment les Hébreux furent ensuite réduits en esclavage par les Égyptiens, puis furent conduits de la captivité à la liberté et ramenés en Canaan par Moïse. Ces récits bibliques devaient servir à séparer l'identité nationale des Israélites de leurs ancêtres réels en créant de nouvelles histoires qui devaient souligner leur caractère unique parmi les peuples du monde. Kriwaczek note :
En quittant seulement Ur, Terah et sa petite famille devaient conserver leur identité Amorrite et leur mode de vie, chose qui devait être si importante dans l'histoire hébraïque ultérieure. Si Terah était resté à Sumer, Abram aurait partagé un destin très différent… Les Amorrites ne seraient jamais partis. Ils auraient fini par se fondre si complètement avec la population générale qu'au bout de quelques décennies, il aurait été impossible de les distinguer de leurs prédécesseurs. (165)
Le fait que les événements relatés dans le Livre de l'Exode ne soient étayés par aucun autre ouvrage ancien, ni par quelque preuve archéologique que ce soit, confirme la théorie selon laquelle les auteurs hébreux ont créé un nouveau récit pour expliquer leur présence en Canaan, récit sans aucun lien avec les Amorrites de Mésopotamie. Tout au long des premiers livres de l'Ancien Testament, les Amorrites sont mentionnés à plusieurs reprises négativement, à l'exception d'un passage fréquemment cité (I Samuel 7:14) où certains chercheurs affirment qu'il est écrit qu'il y avait la paix entre les Amorrites et les Enfants d'Israël. Mais ce passage dit en fait qu'il y avait la paix entre les Philistins et les Israélites, et ne mentionne pas du tout les Amorrites.
Cette interprétation du passage vient de la compréhension que 'Amorrites' était là à nouveau pour désigner tout peuple nomade qui interférait avec des communautés établies. Bien que ceci puisse être vrai, il semble que « Amorrite » fut même utilisé pour désigner le premier peuple du pays de Canaan que, selon le Livre de Josué, les Israélites ont conquis. Ainsi, dans pratiquement toutes les références, les Amorrites étaient considérés comme 'l'autre' par les scribes hébreux, et cette tradition s'est poursuivie pendant des siècles jusqu'à la création du Talmud, dans lequel les Juifs ont interdiction de s'engager dans des pratiques amorrites. Selon l'Encyclopédie juive :
Pour les écrivains apocryphes des premier et deuxième siècle AEC [les Amorrites] sont les principaux représentants de la superstition païenne, détestés comme des idolâtres, sous les règles desquels les Israélites ne peuvent pas marcher (Lév. xviii. 3). Une section spéciale du Talmud (Tosef., Shab. vi.-vii. [Vii.-viii.]; Bab. Shab. 67a et suiv.) est consacrée aux diverses superstitions appelées "Les Voies des Amorrites". Selon le Livre des Jubilés (xxix. [9] 11), "les anciens terribles géants, les Rephaïm, cédèrent la place aux Amorrites, un peuple mauvais et pécheur dont la méchanceté surpasse celle de tout autre, et dont la vie sera écourtée sur Terre." Dans l'Apocalypse syriaque de Baruch (lx.), ils sont symbolisés par "l'eau noire" en raison de "leur art noir, leur sorcellerie et leurs mystères impurs, par lesquels ils ont contaminé Israël au temps des Juges.
La théorie selon laquelle les Amorrites, par leur appropriation et leur transmission des mythes mésopotamiens, auraient produit les récits bibliques de l'Ancien Testament, a été contestée à plusieurs reprises au fil du temps et, sans aucun doute, continuera de l'être. Il semble cependant exister plus d'évidence pour soutenir cette théorie que pour la réfuter.
La Période Amorrite en Mésopotamie
A la suite du sac d'Ur en 1750 AEC, les Amorrites se fondirent avec la population sumérienne du sud de la Mésopotamie. Ils s’étaient déjà établis dans les villes de Mari (à partir de 1900 AEC) et Ebla (à partir de 1800 AEC), en Syrie, et régnèrent à Babylone à partir de vers 1984 AEC. Le roi amorrite Sin-Muballit avait accédé au trône à Babylone en 1812 AEC et régna jusqu'en 1793 AEC, lorsqu'il abdiqua. Il fut remplacé par son fils Ammurapi, mieux connu sous son nom akkadien Hammourabi. Le fait qu'un roi amorrite ait régné à Babylone avant la chute d'Ur soutient l'affirmation selon laquelle tous ceux nommés "Amorrites" n'étaient pas des Amorrites et, comme mentionné précédemment, le terme était utilisé de manière assez vague pour désigner toute tribu nomade au Proche-Orient.
Les Amorrites de Babylone semblent avoir été considérés positivement dans la région, tandis que les Amorrites itinérants continuaient d'être une source d'instabilité. Ceux de Babylone, tout comme ceux qui habitaient d'autres villes, adoraient les dieux sumériens et écrivaient des mythes et légendes sumériens. Hammourabi agrandit la vieille ville de Babylone et s'engagea avec succès dans un certain nombre de campagnes militaires (l'une étant la destruction de la ville rivale Mari en 1761 AEC) qui amenèrent la vaste région de la Mésopotamie allant de Mari à Ur sous domination de Babylone et établirent la ville comme centre de la Babylonie (pays allant de la Syrie actuelle au golfe Persique). Les compétences militaires, diplomatiques et politiques d'Hammourabi ont contribué à faire de Babylone la plus grande et plus puissante ville du monde à l'époque. Il ne put cependant pas transmettre ces talents à son fils et, après sa mort, le royaume qu'il avait construit commença à s'effondrer.
Le fils de Hammourabi, Samsu-Iluna (règne 1749-1712 AEC) ne put pas continuer les politiques que son père avait promulguées ni défendre l'empire contre les forces d'invasion telles que les Hittites et les Assyriens. Les Assyriens furent les premiers à faire des incursions et permirent aux régions au sud de Babylone de se détacher facilement de l'empire. La conquête d'Eshnunna (proche de Bagdad actuelle) par Hammourabi dans le nord-est avait supprimé une zone tampon et placé la frontière en contact direct avec des tribus telles que les Kassites (de Perse). Le plus grand coup est venu en 1595 AEC lorsque Mursilli Ier des Hittites (1620-1590 AEC) saccagea Babylone, emporta les trésors des temples de la ville, et dispersa la population, comme il l'avait fait cinq ans plus tôt, en 1600 AEC à Ebla.
Les Kassites suivirent les Hittites en prenant Babylone, la renommant Karduniash ('Pays des Kassites'), puis ils furent à leur tour suivis par les Assyriens. La période amorrite en Mésopotamie prit fin en 1600 AEC, bien qu'il soit clair, d'après les noms sémitiques caractéristiques sur des inscriptions, que les Amorrites continuèrent de vivre dans la région, comme partie de la population. Les Amorrites ont continué à causer des problèmes à l'empire néo-assyrien jusque vers 900-800 AEC. Qui étaient ces 'Amorrites', et savoir s'ils étaient culturellement Amorrites, n'est pas clair. Avec le temps, les Amorrites culturels finirent par être appelés 'Araméens', et la terre d'où ils venaient, Aram (centre de la Syrie actuelle), peut-être de l'ancienne appellation d'Eber Nari. Après le déclin de l'empire néo-assyrien vers 600 AEC, les Amorrites n'apparaissent plus sous le nom « Amorrite » dans les archives historiques.